La plupart des mammifères mâles ne sont pas plus grands que les femelles
Les hommes sont généralement 15 % plus grands et plus lourds que les femmes. De même, les lions et les gorilles mâles sont beaucoup plus grands et plus forts que leurs homologues femelles. Depuis l’époque de Charles Darwin, on part du principe que les mâles sont généralement plus grands que les femelles dans le règne des mammifères. Cependant, une nouvelle étude comparant les masses corporelles des mâles et des femelles chez 429 espèces sauvages remet en cause ce préjugé.
Image d’entête : différence de taille entre le mâle plus imposant que la femelle éléphant de mer du Nord. (Jan Roletto/ National Oceanic and Atmospheric Administration)
Dans la grande majorité des cas, les mâles ne sont pas plus grands que les femelles. En fait, chez de nombreuses espèces, les mâles et les femelles sont à peu près de la même taille. Il existe des exemples de mâles plus grands que les femelles et de femelles plus grandes que les mâles (comme dans le cas de l’éléphant de mer du Nord en image d’entête), mais ce n’est ni l’un ni l’autre la norme.
Cette découverte ne met pas seulement en lumière la diversité de la vie des mammifères, mais elle met aussi en évidence les biais potentiels qui ont façonné la compréhension scientifique pendant des décennies.
Historiquement, la supposition que les mâles sont plus grands a été étayée par une attention sélective portée à certains taxons et par l’utilisation de mesures larges et souvent arbitraires du dimorphisme. Le dimorphisme sexuel désigne les différences de taille, de forme, de couleur ou d’autres caractéristiques entre les mâles et les femelles d’une même espèce, souvent sous l’effet de la sélection sexuelle.
Troupeau de buffles d’Afrique au Kenya, dont le dimorphisme de la taille du corps est biaisé par les mâles. (Wikimedia)
Des chercheurs dirigés par Kaia Tombak, biologiste évolutionniste postdoctorale à l’université Purdue (États-Unis), ont entrepris une nouvelle analyse des masses corporelles de 429 espèces de mammifères vivant à l’état sauvage. La nouvelle étude s’appuie sur de vastes ensembles de données récents et une représentation taxonomique plus équilibrée pour offrir une vision nuancée du dimorphisme sexuel chez les mammifères. Il est intéressant de noter que si le dimorphisme basé sur les mâles existe, il n’est pas aussi universellement prédominant qu’on le pensait auparavant.
Les chercheurs ont constaté que des espèces telles que les lémuriens, les taupes dorées, les chevaux et les zèbres présentent souvent des tailles similaires d’un sexe à l’autre. Seuls 45 % des mammifères étudiés présentent des mâles plus grands. Une proportion presque égale de ces espèces (39 %) ne présente pas de différence de taille significative entre les sexes, tandis que les femelles sont plus grandes dans 16 % des cas.
Un lémurien indri à Madagascar. La plupart des lémuriens ont des mâles et des femelles de même taille. (Frank Vassen)
Cette découverte contredit les idées reçues et suggère une interaction plus complexe des facteurs influençant la taille corporelle, notamment la compétition pour l’accouplement et les stratégies de reproduction.
L’étude souligne que la littérature scientifique privilégie les espèces les plus « charismatiques », telles que les tigres, les orangs-outans et les orques, où la domination des mâles en termes de taille est plus prononcée. Ce parti pris a occulté la grande majorité des espèces de mammifères, comme les rongeurs et les chauves-souris, où les différences de taille significatives entre les sexes sont moins courantes. Il est intéressant de noter que chez environ la moitié des espèces de chauves-souris, les femelles sont plus grandes que les mâles.
Chaque espèce est façonnée par la pression évolutive de son environnement, mais aussi par des facteurs tels que la sélection sexuelle et la concurrence entre espèces. Par exemple, chez certaines, les mâles peuvent être plus grands que les femelles parce que les mâles sont en compétition pour s’accoupler avec les femelles et que les plus grands ont plus de chances de l’emporter. Cependant, certaines espèces sont incitées à produire des femelles plus grandes. L’hypothèse de la grande mère, par exemple, suggère que les femelles plus grandes pourraient avoir un avantage reproductif, en étant capables de porter et d’élever une progéniture plus performante. Les baleines femelles, qui sont nettement plus grandes que les mâles, correspondent à ce modèle.
En remettant en cause le statu quo, cette recherche ouvre de nouvelles voies d’exploration et de réflexion, promettant une représentation plus riche et plus précise du monde naturel. Alors que nous approfondissons l’étude de la vie sur Terre, la prise en compte de la complexité et de la diversité sous toutes ses formes reste un principe directeur de la recherche scientifique.
Selon les chercheurs :
Le fait d’éloigner le cadre de la recherche sur la sélection sexuelle de la présomption de mâles plus grands ouvre la voie à une série de questions intéressantes pour les recherches futures ou l’avancement de la théorie.
L’étude publiée dans Nature Communications : New estimates indicate that males are not larger than females in most mammal species.