Athéisme : la boussole morale des “infidèles” serait similaire à celle des croyants
Dans le monde entier et dans différentes cultures, on suppose souvent que les athées ne sont pas dignes de confiance et qu’ils n’ont pas les mêmes principes directeurs que ceux qui croient en un dieu quelconque. Ainsi, beaucoup ont été victimes de persécutions et de discriminations tout au long de l’histoire humaine.
Image d’entête : Atheist Logo. (DEVILUSHNINJA/ Deviant Art)
En 2020, une enquête internationale couvrant 6 continents a révélé que 45 % des personnes interrogées pensent qu’il est nécessaire de croire en un dieu pour être “moral” et avoir de bonnes valeurs.
Selon la précédente étude, pourcentage des personnes qui pensent qu’il est nécessaire de croire en Dieu pour faire preuve de moralité et avoir de bonnes valeurs. (Global Attitudes Survey/ Spring/ Pew Research Center)
Mais une nouvelle étude suggère qu’il y a peu de vérité dans ce stéréotype, quelle que soit la conviction qu’on en a (parfois même chez les athées eux-mêmes).
Bien que les valeurs morales diffèrent quelque peu entre ceux qui sont religieux et ceux qui ne le sont pas, le psychologue Tomas Ståhl a constaté que les deux groupes possèdent une boussole morale.
Selon Ståhl, qui travaille comme psychologue social à l’université de l’Illinois, à Chicago (Etats-Unis) :
Les “infidèles” ont une boussole morale. Cependant, elle est calibrée un peu différemment de celle des croyants religieux à certains égards, mais pas à d’autres.
Les recherches de Ståhl comprennent quatre enquêtes en ligne et couvrent deux pays : les États-Unis, où la croyance religieuse est la norme, et la Suède, qui est l’une des nations les plus laïques du monde.
Les deux premières études ont porté sur les histoires personnelles, les croyances, les valeurs et les orientations politiques de 429 Américains, tandis que les deux dernières études comparent les réponses de 4 193 personnes interrogées aux États-Unis et en Suède.
Au final, les deux groupes ont obtenu des scores tout aussi faibles sur les tendances amorales lorsqu’on leur a demandé d’être d’accord ou non avec des déclarations telles que « Je suis prêt à être contraire à l’éthique si je crois que cela m’aidera à réussir ».
De plus, presque toutes les personnes interrogées dans les quatre études ont évalué de manière similaire et significative les morales qui protègent l’individu, telles que l’équité, la liberté et la protection contre l’oppression. La religion mise à part, la plupart des gens ont tendance à être d’accord avec l’affirmation selon laquelle « la société fonctionne mieux lorsqu’elle laisse les individus prendre la responsabilité de leur propre vie sans leur dire quoi faire ».
Il est intéressant de noter que les religieux et les athées considèrent tous deux la pensée rationnelle comme une valeur importante, bien que les athées soient plus susceptibles d’être des penseurs analytiques et sceptiques.
Ce n’est que lorsqu’il s’agit de morale qui protège le groupe que les croyants sont vraiment différents. Ceux qui croient en un dieu, par exemple, ont tendance à accorder une note beaucoup plus élevée à la loyauté envers le groupe, au respect des figures d’autorité et à la sainteté de leurs actions.
Toujours selon Ståhl :
Aux États-Unis et en Suède, les personnes qui ne croient pas en Dieu ont des préoccupations morales aussi fortes que les croyants religieux pour ce qui est de ne pas nuire aux personnes vulnérables et de faire preuve d’équité.
Cependant, les incrédules religieux sont moins enclins à considérer que les valeurs qui favorisent la cohésion du groupe, telles que la loyauté au sein de celui-ci, le respect de l’autorité et le caractère sacré, sont pertinentes pour la moralité.
Cela a du sens, car certaines personnes affirment que la fonction de la religion est de créer une communauté très soudée, et que ceux qui sont plus exposés aux avantages de cette communauté sont plus susceptibles d’adhérer à des valeurs qui servent le groupe.
Il est difficile de tirer des conclusions définitives des corrélations de cette étude, mais Ståhl affirme que ses analyses suggèrent que la peur serait un autre facteur qui pousse des individus à adopter une religion. Les personnes religieuses, tant en Suède qu’aux États-Unis, semblent considérer le monde comme un endroit plus dangereux, et cette peur est associée à une meilleure évaluation des valeurs morales qui protègent le groupe.
Les athées, en revanche, se concentrent sur l’individu et sont moins susceptibles de penser qu’une action est intrinsèquement bonne ou mauvaise. Ils ont plutôt tendance à s’engager dans un raisonnement moral conséquentialiste, ce qui signifie qu’ils sont plus susceptibles de juger une action en fonction du mal qu’elle entraîne au cas par cas.
En fait, cette vision plus relative de la moralité peut expliquer pourquoi les athées ont la réputation d’être immoraux. Dans une situation hypothétique, selon Ståhl, les athées sont plus susceptibles de sacrifier une vie pour le bien commun, et cela pourrait être considéré comme répréhensible pour les autres.
Il est intéressant de noter que les évaluations de la moralité des personnes qui prennent des décisions basées sur des principes conséquentialistes (par opposition à des règles) sont plus négatives, car les conséquentialistes sont perçus comme moins empathiques.
À la lumière de ces constatations, il semble plausible que la tendance des athées à s’appuyer sur les principes conséquentialistes, ainsi que leur faible adhésion aux fondements moraux contraignants, aient pu contribuer dans une certaine mesure à leur réputation de manque de moralité.
D’autres recherches suggèrent que les gens se méfient des athées parce qu’ils craignent que sans punition divine, un non-croyant n’adhère pas à leur boussole éthique, s’ils en ont une.
Les enquêtes actuelles n’ont pas permis de déterminer si les athées ou les croyants se comportent réellement d’une manière conforme aux valeurs qu’elles se sont elles-mêmes données, mais les résultats aident à expliquer pourquoi les athées ont acquis la réputation qu’ils ont, méritée ou non.
L’étude publiée dans PLOS ONE : The amoral atheist? A cross-national examination of cultural, motivational, and cognitive antecedents of disbelief, and their implications for morality et présentée sur le site de l’Université de l’Illinois à Chicago : Do atheists have a moral compass?