Comment des chercheurs ont-ils déterminé que ce bout de crâne appartenait à la première victime connue d’un tsunami ?
Ce morceau de crâne humain, trouvé en 1929 sur la côte nord de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, pourrait appartenir à la plus vieille victime connue d’un tsunami.
Dans une étude publiée cette semaine, une équipe internationale dirigée par l’anthropologue Mark Golitko de l’université Notre-Dame-du-Lac (Indiana, États-Unis) présente des preuves que le crâne, trouvé dans une mangrove près de la ville d’Aitape, a été soumis à un violent tsunami qui a frappé la côte il y a environ 6000 ans.
À l’origine, ce morceau de crâne a été trouvé par un éminent géologue australien, Paul Hossfeld, et appartenait à un Homo erectus, il y a entre 1,9 million et 143 000 ans. Cependant, sa récente datation au radiocarbone révèle qu’il est beaucoup plus récent, le plaçant plus précisément dans la période du milieu de l’Holocène.
Golitko et son équipe se sont rendus à l’endroit où le crâne avait été trouvé, afin d’analyser le sol de la région pour trouver des indices sur ce qui a tué cette personne et pour en apprendre davantage sur l’histoire géologique de la région.
À partir de l’étude : emplacement du site (Nouvelle-Guinée) et des restes du squelette avec des données tectoniques. (James Goff et Col./ PLOS One)
En analysant les sédiments pour déterminer la taille des grains et la géochimie, ils ont trouvé des diatomées, des microalgues unicellulaires qui sont parmi les types les plus communs de phytoplanctons et qui peuvent servir d’indicateurs environnementaux sensibles aux conditions hydriques.
Selon Golitko :
Les diatomées fabriquent de petites coquilles de silice autour d’elles et lorsqu’elles meurent, elles s’enfoncent dans le fond. Nous avons donc placé les sédiments sous un microscope et compté ces diatomées, et cela vous informe, plus ou moins, de la température, de la salinité et de l’énergie de l’eau dans laquelle ils vivaient.
Pour le chercheur, les sédiments dans lesquels le crâne d’Aitape a été trouvé n’avaient que des diatomées marines, ce qui signifie qu’ils avaient été noyés par de l’eau de mer. En outre, Golitko dit avoir trouvé de minuscules grains de silice, ce qui indique que les diatomées ont été détruites par une “eau océanique très énergétique”.
Cette eau à la grande énergie, combinée à des signatures chimiques et des tailles de grains de sédiments spécifiques, indique de la présence d’un tsunami au moment où le crâne a été enfoui. Il est possible qu’il ait été enterré auparavant et qu’il ait été emporté par le raz-de-marée, mais d’après les observations d’un tsunami de 1988 dans la même région, c’est peu probable.
Golitko espère que cette étude aidera à entamer une discussion sur la façon dont les humains s’adaptent et prospèrent dans les régions côtières soumises aux tempêtes tropicales, aux tremblements de terre et aux tsunamis. La région d’Aitape a subi plusieurs tsunamis, le plus récent a tué plus de 2000 personnes. Les humains ont probablement commencé à se déplacer des montagnes vers les côtes de la région il y a environ 6000 ans, selon le chercheur.
Et bien qu’ils soient entrés dans “cet environnement hautement risqué”, les gens semblent y avoir vécu plus ou moins continuellement depuis.
Toujours selon Golitko :
Alors, ils ont évidemment trouvé des stratégies pour faire face à ces risques, ce qui pourrait être très pertinent en pensant à ce qui va se passer dans les deux cents prochaines années. C’est le prochain défi de regarder comment les gens vivaient dans ces zones et comment ils réagissent à ces risques lorsqu’ils commencent à se déplacer dans ces environnements.
L’étude publiée dans PLOS One : Reassessing the environmental context of the Aitape Skull – The oldest tsunami victim in the world ?