Les “rayures de tigre” de la lune de Saturne, Encelade, sont liées à ses spectaculaires geysers
Les mouvements des lignes de faille de la croûte gelée d’Encelade, une des lunes de Saturne, pourraient être à l’origine des panaches de matière glacée qui s’échappent du ventre aqueux de la lune, selon une équipe de chercheurs qui a récemment modélisé ces mouvements.
Image d’entête : cette image en fausses couleurs de la mission Cassini montre en bleu les fissures en “rayure de tigre” sur Encelade, la lune de Saturne. (NASA/ JPL/ Space Science Institute)
L’étude de l’équipe s’est concentrée sur les “rayures de tigre” d’Encelade, de longues fissures situées principalement dans les parties méridionales de la lune, que certains pensent avoir été causées par un ancien impact. D’autres chercheurs ont conclu que l’orbite irrégulière d’Encelade en était la cause : la lune décrit un arc de cercle qui s’éloigne de Saturne et en revient, ce qui fait que l’attraction gravitationnelle de cette dernière déforme la lune sous l’effet de marée, réchauffant ainsi son intérieur. Aujourd’hui, une autre équipe a caractérisé le mouvement des failles en bandes tigrées dans un modèle informatique et elle a découvert de nouveaux détails sur la façon dont les jets de la lune se produisent. Leurs conclusions ont été publiées cette semaine (lien plus bas).
Les scientifiques qui analysent les données de la sonde Cassini ont dénombré 101 geysers en éruption sur la lune glacée Encelade. (Cassini/ NASA)
Selon les chercheurs dans l’étude :
Nous émettons l’hypothèse que le mouvement de glissement peut étendre les courbures transtensionnelles (par exemple, les structures de séparation) le long des irrégularités géométriques sur les bandes tigrées et ainsi moduler l’activité des jets. En d’autres termes, les mouvements latéraux de glissement sur les bandes tigrées de la lune contribuent aux éruptions occasionnelles de la lune.
Encelade intrigue particulièrement les scientifiques en raison de l’océan d’eau salée qui, selon eux, se trouve sous la croûte glacée de la lune. L’eau est essentielle à la vie telle que nous la connaissons et les chercheurs peuvent avoir un aperçu de l’océan d’Encelade grâce aux panaches de matière glacée éjectés par la lune à travers les fissures évidentes de sa coquille. L’année dernière, les espoirs astrobiologiques concernant Encelade ont été renforcés par la confirmation de la présence de phosphore, un élément constitutif de la vie, dans les panaches. Il y a quelques mois, les données de la sonde Cassini ont confirmé la présence de cyanure d’hydrogène, un autre ingrédient de la vie, dans les éructations de la lune.
Ce graphique illustre comment les scientifiques de la mission Cassini pensent que l’eau interagit avec la roche au fond de l’océan de la lune glacée de Saturne, Encelade, produisant de l’hydrogène gazeux. (NASA / JPL-Caltech / Southwest Research Institute)
Le panache du pôle sud d’Encelade produit deux pics au cours des 33 heures que dure l’orbite de la lune. Une théorie voulait que les failles en forme de tigre s’ouvrent et se ferment, permettant à des quantités variables de matériaux de s’échapper de la lune. Mais selon le communiqué du California Institute of Technology (Caltech), ce mécanisme nécessite plus d’énergie que ce que les scientifiques attendent de l’effet de marée sur Encelade. Le modèle récent de l’équipe propose une hypothèse différente : la force du panache peut varier en intensité en raison d’un mouvement de “strike-slip” (faille décrochante), par lequel les failles se cisaillent l’une l’autre, créant des lacunes (ou « pull-aparts ») dans les failles, ce qui permet aux jets de s’échapper.
Illustration montrant comment les panaches d’Encelade pourraient être éjectés par un mouvement de glissement des failles. (James Tuttle Keane)
Schéma de base d’une faille décrochante. Des sections courbes de la faille se déplaçant dans des directions parallèles opposées conduisent à des ouvertures dans cette dernière. (Caltech)
Selon Alexander Berne, étudiant de troisième cycle à Caltech et auteur principal de l’étude :
Nous avons maintenant la capacité d’imager le glissement des failles, comme les tremblements de terre, sur Terre en utilisant les mesures radar des satellites en orbite. L’application de ces méthodes à Encelade devrait nous permettre de mieux comprendre le transport des matériaux de l’océan vers la surface, l’épaisseur de la croûte de glace et les conditions à long terme qui pourraient permettre à la vie de se former et d’évoluer sur Encelade.
Encelade est probablement la candidate la plus prometteuse pour abriter la vie dans notre système solaire (à part la Terre, bien sûr) et étude après étude, on se rapproche de ce à quoi cette vie pourrait ressembler, et de la façon dont on pourrait l’apercevoir.
L’étude publiée dans Nature Geoscience : Jet activity on Enceladus linked to tidally driven strike-slip motion along tiger stripes et présentée sur le site du California Institute of Technology : Enceladus Spills Its Guts through Strike–Slip Motion.