Des araignées colonisatrices d’iles ont évolué dans les mêmes trois formes, à chaque fois
Une nouvelle recherche examine comment les “araignées phasme/ baton” (Ariamnes) vivant sur une série d’îles hawaïennes sont un exemple de «radiation évolutive», révélant un intriguant processus d’évolution.
Image d’entête, à partir de l’étude : l’araignée Gold Oahu, de l’île hawaïenne Oahu. (George Roderick)
Il y a environ 2 à 3 millions d’années, un groupe d’araignées provenant de régions inconnues s’est laissé porté par le vent, à travers l’océan Pacifique, jusqu’à Hawaï.
Les araignées étaient des parasites d’autres araignées, envahissant leurs toiles et coupant les fils pour voler les insectes piégés. Mais il n’y avait pas beaucoup de toiles à dépouiller à Hawaï quand elles y sont arrivées. Elles ont donc élargi leur menu, en cherchant d’autres moyens de survivre, en piégeant et en mangeant d’autres araignées. Une nouvelle espèce a évolué à partir de ces premières araignées, après avoir trouvé un moyen de vivre sur les rochers. Et puis une autre espèce a évolué pour vivre sous les feuilles. Et puis une autre et encore une autre…puis 11 autres espèces.
Charles Darwin a d’abord noté ce phénomène, appelé radiation évolutive, dans le bec des pinsons des îles Galapagos. Son étude sur la diversité des pinsons a conduit à sa théorie de l’évolution par sélection naturelle. Pourtant, aujourd’hui, beaucoup de choses restent inconnu sur la façon dont la radiation évolutive, et donc l’évolution, fonctionne réellement. Hawaii est un foyer de diversification biologique en raison de son isolement.
Pour les araignées Ariamnes hawaïennes, la radiation évolutive a abouti à 14 espèces vivant actuellement à Hawaii. Elles partagent une forme de corps globalement similaire, mais chacune est une espèce distincte avec des traits physiques distincts.
Les araignées avec des traits semblables, avec une coloration jaune et rouge, par exemple, vivent sur différentes îles hawaïennes, mais ne sont pas les parents les plus proches les une des autres. Pour les chercheurs à l’origine de cette étude, c’est un cas rare où une forme physique a évolué séparément sur chaque île.
L’araignée Mottled Molokai de l’île hawaïenne Molokai. (George Roderick)
L’étude montre que l’évolution a conduit à un ensemble prévisible et indépendamment évolué de formes similaires chez les araignées sur chaque île.
Pour Rosemary Gillespie, professeur d’entomologie à l’université de Californie à Berkeley et responsable de la recherche :
Cette évolution répétée très prévisible des mêmes formes est fascinante, car elle éclaire la manière dont l’évolution se produit réellement. Une telle prévisibilité est rare et ne se trouve que chez quelques autres organismes qui se déplacent de la même manière autour de la végétation.
Et selon le coauteur de l’étude, Roderick :
Cette étude fournit un aperçu d’une question fondamentale sur les origines de la biodiversité, mais présente aussi une remarquable histoire qui peut attirer l’attention sur la nécessité de conserver la nature sous toutes ses formes.
Hawaï est une chaîne d’îles qui se sont formées chronologiquement, de sorte que les scientifiques ont pu étudier les radiations adaptatives des araignées au fil du temps alors qu’elles passaient des anciennes îles aux nouvelles. L’île la plus ancienne, Kauai, s’est formée il y a 5 millions d’années, suivie par Oahu, Molokai, Lanai, Maui et enfin la grande île d’Hawaii, la plus jeune avec moins de 1 million d’années.
La chronoséquence de l’archipel hawaïen, présentant les sites de collecte des spécimens utilisés dans l’étude.
Les araignées ont évolué et se sont différenciées à partir d’une seule espèce sur la même île, selon l’étude. Ainsi, des types d’araignées sur une île étaient généralement plus étroitement liés à des araignées très différentes sur la même île, qu’aux araignées qui avaient la même apparence sur les autres îles. Par exemple, une araignée blanche sur Oahu est plus proche de l’araignée brune de la même île que d’une araignée blanche de Maui.
Une araignée White Maui. (George Roderick)
Selon Gillespie :
Vous pouvez trouver ces araignées dans presque tous les habitats de chaque île. Cette répétition vraiment détaillée et finement réglée de l’évolution de la même forme est vraiment assez rare.
Les araignées peuvent être regroupées en trois types écologiques distincts, appelées écomorphes : une araignée brune qui vit dans les rochers, une dorée qui vit sous les feuilles et une blanche qui vit sur le lichen.
L’analyse de ces araignées correspond à la précédente découverte de Gillespie chez les araignées de Tetragnatha hawaïennes, un autre groupe qui présente une remarquable radiation évolutive. Ce groupe d’araignées à pattes épineuses ne tisse pas de toile et a développé à plusieurs reprises des écomorphes similaires depuis que son ancêtre est arrivé à Hawaï.
La variété des types d’habitats sur les îles hawaïennes, des zones froides et humides proches de zones chaudes et sèches, ont fourni une riche mosaïque de diversité d’espèces. Le revers de cette extraordinaire diversité qui a évolué de manière isolée est sa vulnérabilité au changement et aux espèces envahissantes qui sont maintenant introduites par les humains, selon Gillespie.
Nous devons être capables de comprendre cette diversité et de la documenter, et décrire ce qui est si spécial à ce sujet, afin que les gens le sachent.
L’étude publiée dans Current Biology : Repeated Diversification of Ecomorphs in Hawaiian Stick Spiders.