Des mouches soulées pour savoir pourquoi nous finissons couchés après l’absorption d’alcool
À l’approche du Nouvel An, bon nombre d’entre nous connaîtront les effets de l’alcool, mais son action exacte sur le cerveau est encore entourée d’un certain mystère. Récemment, des scientifiques de l’Institut de recherche Scripps (Floride/ États-Unis) ont découvert une nouvelle étape dans le processus d’intoxication par l’intermédiaire de mouches ivres.
Vous connaissez probablement cette déconvenue. Après un cocktail ou deux, on commence à se sentir » éméché/ enivré « , mais après une succession de breuvages absorbés, on s’endort tout simplement. Cet effet, du passage de l’hyperactivité à l’anesthésie, est bien connu, mais ce qui n’est pas encore bien compris, c’est comment cela se produit. On pense depuis longtemps que l’alcool affecte directement le système nerveux, mais cette nouvelle étude montre qu’il y a d’autres molécules au milieu de la chaîne.
Pour étudier le processus, les chercheurs de l’Institut Scripps ont soulé des mouches des fruits et ils ont observé comment cela les affectait. Bien qu’elles puissent nous sembler très différentes, les mouches des fruits (drosophile) sont suffisamment semblables pour qu’on les utilise souvent dans ce genre d’études comme modèles biologiques et génétiques simples. Dans ce cas, elles peuvent être ivres comme les humains le seraient.
Les mouches étaient gardées dans des flacons et, à l’occasion, on leur donnait de l’éthanol, leur comportement fut surveillé par des caméras. D’abord, les mouches sont devenues plus erratiques, ce qui, selon l’équipe, équivalait à l’étape d’enivrement, avant que la sédation ne s’installe. Personne ne leur a demandé, mais les mouches se sont probablement réveillées avec une mauvaise gueule de bois.
Flacons de mouches des fruits qui deviennent pompettes. (Scripps Research Institute)
En y regardant de plus près, l’équipe a découvert le mécanisme moléculaire de l’intoxication, qui semble utiliser le même système que celui emprunté par l’anesthésie. Il s’avère que les molécules d’éthanol n’agissent pas directement sur les cellules nerveuses, mais une enzyme appelée phospholipase D2 (PLD2) relie les molécules d’éthanol aux lipides, créant un métabolite d’alcool gras appelé phosphatidylethanol (PEtOH).
Le métabolite PEtOH a tendance à s’accumuler et facilite l’inflammation des nerfs, ce qui provoque la phase d’enivrement hyperactive. Pour tester cette idée, les chercheurs ont ensuite développé des mouches qui n’avaient pas le gène codant pour le PLD2, et l’alcool n’a pas rendu ces mouches plus actives.
On ne sait pas encore si le métabolite PEtOH joue également un rôle dans la phase de sédation ou dans la gueule de bois qui suit. De futurs travaux porteront sur ces questions.
L’équipe affirme que c’est la première fois que cette voie est liée à la sensibilité à l’alcool, et que cette découverte pourrait mener à quelques nouveaux développements. L’identification des cibles moléculaires de l’alcool pourrait éventuellement conduire à l’apparition de médicaments qui annulent l’intoxication ou même préviennent la gueule de bois.
Selon Scott Hansen qui a participé à l’étude :
On sait que l’alcool gras reste dans le cerveau pendant plus de 16 heures, ce qui en fait une cible probable. En outre, la compréhension de ce cheminement pourrait donner un aperçu des raisons pour lesquelles les gens consomment de l’alcool pour la gestion de la douleur. Cela a certainement conduit à des façons différentes de considérer l’intoxication alcoolique au niveau moléculaire. La plupart des scientifiques pensaient que l’alcool avait un effet direct. Le blocage de l’enzyme chez les mouches montre que ce n’est probablement pas vrai.
L’étude publiée dans le Journal of Molecular Biology : A Molecular Target for an Alcohol Chain-Length Cutoff et présentée sur le site de l’Institut de recherche Scripps : Drunken flies reveal important step to intoxication.