Les papillons qui ont mauvais gout font preuve de nonchalance face aux attaques des chauves-souris
Une nouvelle étude, publiée le 16 décembre 2019, examine pourquoi certains papillons de nuit restent stoïques/ détendus face aux attaques des chauves-souris. La recherche révèle que les papillons de nuit moins appétissants sont plus nonchalants lorsqu’ils sont attaqués par des chauves-souris, alors que les papillons de nuit plus appétissants ont tendance à employer des manœuvres d’évitement.
Les travaux démontrent les risques et les avantages complexes des stratégies contre les prédateurs, où les erreurs signifient invariablement la mort, et peuvent laisser les scientifiques prédire les comportements évasifs d’espèces rares ou même disparues.
De nombreuses proies ont développé des mécanismes de défense pour éviter et dissuader les prédateurs potentiels. Chez les papillons nocturnes, il s’agit notamment des défenses chimiques qui les rendent moins appétissantes, de l’audition ultrasonique pour entendre les chauves-souris arriver et des manœuvres d’évitement en plein vol, comme les sauts et les plongées, qui les aident à s’échapper.
Cependant, les chercheurs comprennent relativement peu de choses sur la façon dont ces facteurs sont liés et sur la façon dont ils varient entre les différentes espèces. Nicolas Dowdy, du Milwaukee Public Museum et de l’université de Wake Forest aux États-Unis, a remarqué un comportement inhabituel chez certaines espèces de papillons de nuit (Tiger Moths/ Arctiinae), qui semblaient relativement décontractées quand ils étaient agressés par des chauves-souris prédatrices.
Comme pour l’image d’entête, un papillon de nuit du genre Arctiinae étudié ici. (Université de Wake Forest)
Intrigués par ce comportement, Dowdy et ses collègues ont entrepris d’identifier les facteurs qui contribuent à cette apparente nonchalance. Ils ont émis l’hypothèse que ces papillons ont développé des défenses chimiques qui les ont rendus peu appétissants, ce qui signifie qu’ils ont moins de motivation à échapper aux chauves-souris que leurs homologues plus savoureux.
Pourquoi ne pas, malgré tout, tenter d’échapper aux chauves-souris ? Il y a des risques et des récompenses pour des stratégies antiprédateurs spécifiques. Par exemple, effectuer des manœuvres d’évitement peut aider un papillon de nuit à éviter une chauve-souris, mais il peut aussi le faire tomber dans une toile d’araignée ou loin d’une source de nourriture ou d’une compagne (en plus d’être assez épuisant). Dowdy a émis l’hypothèse que les papillons de nuit peu appétissants peuvent souvent prendre l’option la plus paresseuse et potentiellement plus sûre en se fiant à leurs défenses chimiques plutôt que de se fier au hasard lors d’une fuite urgente.
Pour vérifier son hypothèse, Dowdy et ses collègues ont recueilli cinq espèces différentes de papillon de nuit et les ont ensuite relâchées dans une « arène de vol » extérieure la nuit, où les chauves-souris sauvages venaient souvent se nourrir en piqué. À l’aide de caméras infrarouges, l’équipe a surveillé les interactions entre les chauves-souris et les papillons de nuit et elle a enregistré la fréquence à laquelle différentes espèces présentaient un comportement évasif ou nonchalant pendant une attaque. Ils ont également mesuré le goût des papillons de nuit pour les chauves-souris en observant si ces dernières avalaient ou recrachaient les papillons de nuit.
Selon Dowdy :
Ce qui est frappant, c’est que nous avons observé que les papillons de nuit dont les défenses chimiques sont faibles ou inexistantes plongent souvent pour échapper aux attaques des chauves-souris. Cependant, les papillons avec des défenses chimiques plus puissantes sont plus « nonchalants », effectuant moins souvent des manœuvres d’évasion.
Cette corrélation a permis aux chercheurs de prédire le comportement évasif ou nonchalant des papillons en fonction de leur appétence. Il est possible que cette relation entre l’appétence et la nonchalance existe ailleurs dans le règne animal, mais de futures études seront nécessaires.
Une prolongation passionnante de ces travaux pourrait être la reconstitution des comportements d’espèces rares ou même disparues. En mesurant les niveaux de composés peu appétissants dans les spécimens d’animaux conservés en tant qu’estimation de l’appétence d’une espèce, il serait possible de déduire si ces créatures éteintes évitaient activement les prédateurs ou si elles avaient eu des comportements défensifs plus occasionnels.
L’étude publiée dans Frontiers in Ecology and Evolution : Nonchalant Flight in Tiger Moths (Erebidae: Arctiinae) Is Correlated With Unpalatability.