Pour la première fois, des astronomes sont témoins de la lumière produite par la fusion de deux trous noirs
IIl n’y a pas plus noir qu’un trou noir, l’objet le plus dense de l’univers. Leur attraction gravitationnelle est si forte que rien ne peut échapper à ses griffes, y compris la lumière.
Cependant, il est ironique de constater que lorsque deux trous noirs fusionnent dans un événement cataclysmique, ils peuvent également produire une éruption de lumière aussi puissante qu’un millier de milliards de soleils. Les astronomes ont maintenant confirmé ce phénomène pour la première fois dans une nouvelle étude.
Dessin d’entête : une paire de trous noirs réside dans le disque gazeux d’un trou noir supermassif. La fusion de la paire génère des ondes gravitationnelles suivies d’une éruption lumineuse, selon un modèle qui explique un phénomène “d’éclaircissement quasar” observé et un éventuel signal gravitationnel de l’année dernière. (Caltech/R. Hurt (IPAC))
Le 21 mai 2019, des scientifiques affiliés aux deux détecteurs d’ondes gravitationnelles, de l’Observatoire des ondes gravitationnelles par interféromètre laser (LIGO) américain et le Virgo européen ont détecté les ondes gravitationnelles générées par la fusion de deux trous noirs, lors d’un événement baptisé S190521g.
Les ondes gravitationnelles sont essentiellement des ondulations dans le tissu de l’espace-temps qui sont générées par des interactions entre des objets cosmiques très massifs en accélération, tels que les étoiles à neutrons ou les trous noirs. Les physiciens comparent les ondes gravitationnelles aux ondes générées par une pierre jetée dans un étang.
Bien qu’elles aient été prédites par la théorie de la relativité générale d’Einstein, leur existence a été confirmée très récemment, en 2016, par le LIGO, dont les fondateurs ont reçu un an plus tard le prix Nobel de physique.
Depuis lors, les scientifiques ont découvert de nombreuses séquences d’ondes gravitationnelles, et bien d’autres encore suivront lorsque des détecteurs sensibles seront mis en service.
Mais cette histoire n’a rien à voir avec les ondes gravitationnelles. Alors qu’ils étudiaient S190521g, les physiciens du Zwicky Transient Facility (ZTF) du California Institute of Technology (Caltech) ont également repéré une éruption de lumière émise par la paire de trous noirs qui se rejoignent.
Selon Matthew Graham, professeur d’astronomie au Caltech et responsable du projet ZTF :
Ce trou noir supermassif grouillait pendant des années avant cette éruption plus abrupte. Elle s’est produite au bon moment et au bon endroit, pour coïncider avec l’onde gravitationnelle.
Les fusions de trous noirs, qui émettent de la lumière, ont déjà été imaginées. Elles ont déjà été théorisées par des physiciens dont les modèles suggéraient que la fusion des trous noirs peut entraîner le gaz chaud, la poussière et tout le reste de la matière enchevêtrée qui se trouve autour du trou noir et qui attend d’être engloutie.
L’énorme élan et la libération soudaine de l’énergie cinétique du trou noir fusionné peuvent faire réagir le gaz, générant une éruption lumineuse.
Il a été démontré que cette théorie fonctionne également en pratique. La lumière de S190521g a été visible pendant des jours, avant de s’évanouir lentement environ un mois plus tard.
Cependant, les chercheurs précisent qu’ils garderont un œil sur ce trou noir supermassif qui vient de naître. Ils espèrent repérer une nouvelle éruption dans les deux ans à venir, car elle devrait s’enfoncer à nouveau dans le disque de gaz environnant.
Selon Mansi Kasliwal, professeur adjoint d’astronomie au Caltech et coauteur de l’étude :
Des trous noirs supermassifs comme celui-ci ont tout le temps des éruptions. Ce ne sont pas des objets silencieux, mais le moment, la taille et l’emplacement de cette éruption furent spectaculaires.
La raison pour laquelle la recherche d’éruptions comme celle-ci est si importante est que cela aide énormément pour les questions d’astrophysique et de cosmologie. Si nous pouvons le refaire et détecter la lumière provenant de la fusion d’autres trous noirs, nous pourrons alors déterminer les foyers de ces trous noirs et en apprendre davantage sur leurs origines.
L’étude publiée dans Physical Review Letters : Candidate Electromagnetic Counterpart to the Binary Black Hole Merger Gravitational-Wave Event S190521g* et présentée sur le site du Zwicky Transient Facility : Black Hole Collision May Have Exploded with Light.