La “grossesse” d’un hippocampe mâle présente quelques étranges similitudes avec celle de l’humain
De nombreux futurs pères affirment qu’ils aimeraient prendre en charge le mal de dos, les douloureuses contractions et la pression sur les organes lors de la grossesse de leur partenaire. Mais jusqu’à présent, l’hippocampe mâle est le seul vertébré à réussir un tel échange.
Image d’entête : un jeune hippocampe australien émerge de la poche de son père. Les hippocampes mâles ont une grande poche à couvain utilisée pour incuber les embryons en développement. Lors des rituels de parade nuptiale (vidéo ci-dessous), ils pompent de l’eau dans la poche à couvain jusqu’à ce qu’elle atteigne une taille énorme, avant que la femelle n’y transfère les œufs. (Rudie Kuiter/ Aquatic Photographics)
Ce poisson remarquable peut contenir plus de 1 000 embryons dans une « poche à couvain » pendant un mois avant de les mettre au monde dans une série de spasmes. Cela ressemble à une grossesse. Nous avons maintenant des indices que la poche de l’hippocampe pourrait ressembler encore plus à un utérus que nous le pensions.
Des chercheurs de l’Université de Sydney et de l’Université La Trobe en Australie se sont récemment penchés sur la question de savoir comment les embryons du genre Hippocampe reçoivent des nutriments lorsqu’ils sont sous la garde de leur père.
Les hippocampes font partie d’un club assez unique de créatures marines appelées Syngnathidae, qui comprend également les Phyllopteryx taeniolatus et les Syngnathes (tous deux proches de l’hippocampe).
Pour eux, la grossesse est uniquement l’œuvre du père, la mère délivrant des œufs fécondés dans sa structure d’incubation spécialisée après une longue parade nuptiale.
Mais il n’a jamais été tout à fait clair jusqu’où peut être poussée la comparaison avec une véritable grossesse. L’hippocampe mâle n’est-il qu’un nid de chair à la gloire de ses petits suceurs de vitellus (les réserves énergétiques utilisées par les embryons), ou y a-t-il quelque chose de plus complexe dans sa poche à couvain ?
C’est plus qu’une simple et curieuse question : savoir comment les mâles d’un groupe de vertébrés facilitent le développement embryonnaire pourrait nous éclairer sur son évolution dans d’autres coins du règne animal, y compris le nôtre.
Selon Camilla Whittington, généticienne et chef de l’équipe de recherche de l’université de Sydney :
Mon équipe utilise toute une série de techniques pour étudier la biologie de la gestation des hippocampes.
Nous voulons en savoir plus sur la poche de l’hippocampe et sur la façon dont elle protège et soutient les bébés hippocampes.
L’une de ces techniques consistait à comparer le poids sec des œufs nouvellement fécondés de l’hippocampe à ventre rond (H. abdominalis) avec le poids des nouveau-nés afin de déterminer ce que l’on appelle un indice de matrotrophie (MI).
En général, il y a deux façons pour les animaux de se développer en tant qu’embryon. Dans ce que l’on appelle la lécithrophie, un stock de nutriments préemballés que l’on appelle vitellus (leur “jaune d’œuf”) fournit les éléments de base et le carburant.
La matrotrophie, d’autre part, décrit l’apport de nutriments par le parent, par exemple à travers le placenta.
Hippocampe mâle avec des femelles. (Jacquie Herbert)
De nombreux animaux dépendent d’une combinaison de ces deux processus d’alimentation tout au long de leur développement initial, en absorbant le jaune pendant un certain temps avant d’absorber les substances provenant de la mère.
L’indice de matrotrophie de cette espèce d’hippocampe, ou, pour être plus précis, son indice de patrotophysique, ou IP, a révélé que la masse sèche totale de la progéniture n’avait pas beaucoup changé pendant qu’elle était dans la poche.
Étant donné qu’ils ont clairement commencé avec une réserve de vitellus, leur masse sèche aurait dû diminuer car le vitellus était utilisé pour l’énergie et la construction. Tous les signes indiquaient que papa leur donnait un complément pendant leur croissance, probablement sous forme de lipides.
A partir de l’étude : stade avancé de l’embryon H. abdominalis avec le vitellus (flèche). (Skalkos, et col./ J. Comp. Physiol. B)
Selon Zoe Skalkos, la bioscientifique de l’université de Sydney qui a dirigé l’étude :
C’est vraiment passionnant, car c’est un grand pas dans la compréhension de la relation entre le père et le bébé lors de la grossesse masculine.
Ce n’est aussi qu’une première étape. Savoir que les hippocampes sont nourris par leur père est une découverte importante, mais cela n’explique pas entièrement les mécanismes à l’œuvre.
L’équipe pense avoir découvert des indices en prélevant ses échantillons.
Malheureusement, les spécimens d’hippocampes ont dû être euthanasiés pour être analysés. Cela a donné aux chercheurs l’occasion d’examiner de près la façon dont les œufs étaient fermement ancrés dans la paroi de la poche à couvain, un peu comme un ovule dans un utérus. Une précédente étude a même laissé entendre qu’il pourrait y avoir une forme de connexion placentaire, notamment des vaisseaux sanguins élargis à l’endroit où les œufs sont implantés.
Selon Whittington :
Cependant, ce n’est pas exactement comme un placenta humain, ils n’ont pas de cordon ombilical, par exemple. Nous devons faire d’autres examens histologiques pour le confirmer.
Néanmoins, il semble que les tissus à l’intérieur de la poche à couvain de l’hippocampe aient au moins une certaine capacité à fournir des nutriments, ainsi que de l’oxygène et éventuellement une immunité pour protéger les jeunes en croissance contre les infections.
Trouver des chevauchements entre des exemples de matrotrophie qui ont évolué indépendamment est un bon moyen de comprendre la grossesse en général.
Toujours selon Whittington :
Ce travail vient s’ajouter aux preuves croissantes que la gestation des mâles chez les hippocampes pourrait être aussi complexe que celle des femelles chez d’autres animaux, y compris chez nous.
Il pourrait même aider les pères humains à tenir leur promesse de prendre la charge pendant un certain temps. Sommes-nous prêts ?
L’étude publiée dans The Journal of Comparative Physiology B : Paternal nutrient provisioning during male pregnancy in the seahorse Hippocampus abdominalis et présentée sur le site de l’université de Sydney : Who’s your daddy? Male seahorses transport nutrients to embryos.