Pour nos neurones, le temps passe vraiment plus vite quand on s’amuse
Si le temps semble s’écouler plus lentement lorsque vous faites bouillir la bouilloire ou que attendez le bus, ce n’est peut-être pas seulement votre imagination.
Des scientifiques ont découvert que des neurones sensibles au temps dans le cerveau pouvaient détériorer et déformer notre perception du temps, ils ont publié leurs découvertes cette semaine (lien plus bas).
Ces neurones, situés dans le gyrus supramarginal du cerveau (GSM), sont activés en réponse à une durée spécifique. Si les neurones sont continuellement exposés à un stimulus de durée fixe, il semble qu’ils se “fatiguent”.
Et comme les autres neurones continuent à s’activer normalement, les chercheurs suggèrent que cela fausse notre perception subjective du temps.
Cette situation n’est pas seulement une irritation quand on attend quelque chose : l’estimation du temps à la milliseconde près est nécessaire pour des décisions cruciales telles que le contrôle moteur, la parole et les activités motrices et sensorielles complexes comme la danse ou la musique.
L’auteur principal, Masamichi Hayashi, de l’université de Californie, aux États-Unis, précise qu’il s’intéresse depuis longtemps au mécanisme neural de la perception du temps dans le cerveau.
Pourquoi le temps passe-t-il si vite quand on s’amuse ? Pourquoi le temps ralentit t-il lorsque vous avez un accident de voiture ?
En 2015, son équipe a trouvé des preuves dans l’imagerie neurale de neurones sensibles à la durée du temps dans le GSM. Certains peuvent répondre spécifiquement à un stimulus qui dure 300 millisecondes alors que d’autres répondent à un stimulus qui dure 600 millisecondes.
Mais on ne savait pas si cela reflétait l’expérience subjective du temps ou le stimulus physique lui-même. Pour le vérifier, Hayashi et son collègue Richard Ivry ont utilisé une illusion du temps appelée “effet secondaire de la durée” (duration aftereffect) pour séparer les périodes de temps réelles des périodes de temps perçues.
Selon Hayashi :
L’effet secondaire de la durée est un phénomène selon lequel l’exposition répétitive à un flash de lumière qui reste à l’écran pendant quelques centaines de millisecondes modifie la durée perçue du stimulus visuel suivant.
Ainsi, après avoir été exposé à un stimulus visuel de courte durée, disons 250 millisecondes, des stimuli visuels plus longs, d’une durée de 350 à 650 millisecondes, sont perçus comme plus longs qu’ils ne le sont réellement.
En revanche, après avoir été exposés à des stimuli plus longs, les stimuli visuels sont perçus comme étant plus courts qu’ils ne le sont en réalité.
Toujours selon Hayashi :
De cette façon, en changeant la durée des stimuli pour l’exposition, nous pouvons manipuler l’expérience subjective du temps sans changer la durée des stimuli du test.
Alors que des volontaires vivaient cette illusion, les chercheurs ont scanné et mesuré leur activité cérébrale à l’aide de l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf), découvrant que ceux qui présentaient une plus grande réduction de l’activité cérébrale dans le GSM présentaient également une plus grande distorsion temporelle.
A partir de l’étude : place du gyrus supramarginal (GSM/ SGM) et la distorsion du temps en fonction des changements d’activité dans le GSM. (Masamichi J. Hayashi et Col./ Journal of Neuroscience)
Cela suggère que les cellules sensibles au temps dans le GSM reflètent l’expérience subjective du temps, dit Hayashi, ajoutant que ces neurones ont été trouvés chez les animaux, mais pas avant chez les humains.
Il note que la corrélation ne prouve pas que la fatigue des neurones a causé une distorsion de la perception du temps, il s’agit là d’une piste de recherche future.
D’autres questions intéressantes se posent également, ajoute-t-il. Par exemple, comment le cerveau humain apprend-il le temps, comment les humains le prédisent-ils, et si la perception subjective du temps peut être contrôlée à l’aide de techniques de stimulation cérébrale.
L’étude publiée dans The Journal of Neuroscience : Duration-selectivity in right parietal cortex reflects the subjective experience of time.