Des papillons mâles enduisent leurs compagnes d’une odeur repoussante pour éloigner les autres prétendants
Un composé chimique produit par les organes génitaux mâles de ce papillon tropical est si répulsif que les scientifiques le qualifient “d’anti-aphrodisiaque ».
Une nouvelle étude, menée par Chris Jiggins de l’université de Cambridge, au Royaume-Uni, a révélé que les papillons Heliconius melpomene mâles fabriquent un composé chimique appelé ocimène dans leurs organes génitaux, qu’ils déposent sur les papillons femelles pour dissuader les autres mâles.
Image d’entête : mâle et femelle Heliconius melpomene. (Université de Cambridge)
De façon fascinante, et quelque peu ironique, l’ocimène est également produit par certaines fleurs pour attirer les papillons. Les papillons H. melpomene et les fleurs ont donc développé les gènes qui produisent le composé indépendamment, à des fins différentes et dépendantes du contexte.
Selon Kathy Darragh, de l’université de Californie à Davis :
Pendant longtemps, on a cru que les insectes prenaient les composés chimiques des plantes et les utilisaient ensuite, mais nous avons montré que les papillons peuvent fabriquer eux-mêmes les produits chimiques, mais avec des intentions très différentes. Les papillons mâles l’utilisent pour repousser leurs concurrents et les fleurs utilisent la même odeur pour attirer les papillons pour la pollinisation.
Kathy Darragh, premier auteur de l’étude, avec un papillon Heliconius dans l’insectarium de Madingley à Cambridge. (Tom Almeroth-Williams)
Les papillons H. melpomene peuvent vivre jusqu’à 6 mois, et les femelles stockent le sperme d’un petit nombre de partenaires sexuels. Elles peuvent ensuite féconder leurs œufs pendant plusieurs mois à partir d’une seule aventure.
Les mâles, quant à eux, essaient de s’accoupler chaque fois qu’ils le peuvent, ce qui les soumet à une bien plus grande concurrence avec les autres mâles. L’ocimène qui est transféré à la femelle pendant l’une de ces tentatives signifie qu’elle continuera probablement à utiliser plusieurs fois le sperme du seul mâle, au lieu d’obtenir d’autres dons.
Selon Chris Jiggins :
Les papillons mâles harcèlent beaucoup les femelles, donc il pourrait être bénéfique pour elles aussi si l’odeur laissée signifie qu’elles ne sont plus dérangées par les rapports sexuels après s’être déjà accouplées.
Cette substance odorante n’a cependant aucun effet dissuasif sur les fleurs.
Selon Darragh :
Les indices visuels que les papillons reçoivent sont importants : lorsque l’odeur est détectée en présence de fleurs, elle est attirante, mais lorsqu’elle est trouvée sur un autre papillon, elle est repoussante pour les mâles, le contexte est essentiel.
Une explication possible pour cette étrange évolution convergente est qu’une seule odeur nécessite moins de récepteurs pour être reconnue, mais qu’en combinaison avec l’apparence d’une chose, elle peut communiquer un scénario différent. C’est un peu comme l’odeur de l’ail cuisant dans une casserole, par opposition à son odeur dans l’haleine de quelqu’un.
Les papillons se sont probablement adaptés pour détecter l’ocimène et trouver des fleurs et ils ont ensuite évolué pour l’utiliser de cette manière très différente. Les mâles veulent transmettre leurs gènes à la génération suivante, et ils ne veulent pas que les femelles aient des petits avec d’autres pères, alors ils utilisent cette odeur pour les rendre peu sexy.
Bien que tous les papillons ne produisent pas cet anti-aphrodisiaque, la capacité du mâle à fabriquer des produits chimiques laisse des informations pertinentes sur l’odeur comme forme de communication chez les insectes.
Les résultats viennent d’être publiés dans PLOS Biology : A novel terpene synthase controls differences in anti-aphrodisiac pheromone production between closely related Heliconius butterflies et présentée sur le site de l’Université de Cambridge : Male butterflies mark their mates with a repulsive smell during sex to ‘turn off’ other suitors.