Ces lézards peuvent respirer sous l’eau grâce à des bulles d’air emprisonnées sur leur peau
Les lézards Anolis sont des créatures semi-aquatiques qui vivent dans les îles des Caraïbes, ainsi qu’en Amérique centrale et au nord de l’Amérique du Sud. Ils sont parfois appelés caméléons par les locaux en raison de leur capacité à changer de couleur du vert au brun et vice versa. Cependant, ce n’est pas leur plus impressionnante caractéristique. Les anolis peuvent rester sous l’eau jusqu’à 18 minutes, lors de leurs fréquents plongeons pour échapper aux prédateurs. Une nouvelle étude vient de révéler le mécanisme biologique qui permet cette remarquable capacité.
Image d’entête : anolis avec des bulles de “réinspiration” sur son museau. (Lindsey Swierk)
Selon Chris Boccia, du département d’écologie et de biologie évolutive (EEB) de l’université de Toronto et auteur principal de la nouvelle étude (lien plus bas) :
Nous avons découvert que les anolis semi-aquatiques expirent de l’air dans une bulle qui s’accroche à leur peau.
Les lézards réinhalent ensuite l’air, une manœuvre que nous avons appelée « rebreathing » (recycleur), d’après la technologie de la plongée sous-marine.
Boccia et ses collègues ont étudié de près six espèces d’anolis semi-aquatiques sur plus de 400 espèces connues. Ces espèces possédaient toutes cette remarquable capacité de réinspiration, même si la plupart d’entre elles étaient très éloignées les unes des autres. Cela suggère que cette caractéristique est plutôt ancestrale et a été transmise d’une lignée à l’autre parce qu’elle augmentait les chances des lézards d’échapper aux prédateurs.
Les anolis gonflent périodiquement des bulles riches en oxygène qui s’accrochent à leur tête, puis ils les ramènent dans leurs narines. Selon Boccia, les bulles fonctionnent comme un « dispositif de recyclage », semblable à celui utilisé par les plongeurs pour allonger leur temps sous l’eau en recyclant l’air expiré, qui contient de l’oxygène non utilisé (recycleur).
Selon Luke Mahler, le directeur de thèse de Boccia :
La réinspiration n’avait jamais été considérée comme un mécanisme naturel potentiel pour la respiration sous-marine chez les vertébrés. Mais notre travail montre que c’est possible et que les anolis ont déployé cette stratégie à plusieurs reprises chez des espèces qui utilisent des habitats aquatiques.
Images tirées de l’étude. (Christopher K. Boccia et col./ Current Biology)
La peau hydrophobe (qui repousse l’eau) des anolis, qui a probablement évolué pour protéger les lézards de la pluie et des parasites, est la clé de cette capacité à respirer. Sous l’eau, la peau hydrophobe emprisonne les bulles d’air sur le museau du lézard, agissant comme une bouteille de plongée. Cette capacité avait déjà été observée chez des coléoptères aquatiques.
En plus de fournir de l’oxygène, les bulles peuvent prolonger le temps passé sous l’eau en aidant à éliminer le dioxyde de carbone de l’air expiré. Ce biogaz est très soluble dans l’eau et, comme le niveau de dioxyde de carbone dans les bulles est supérieur à celui de l’eau environnante, le gaz est dissous dans l’eau environnante au lieu d’être réinspiré.
De plus, lorsqu’ils nagent dans des cours d’eau bien oxygénés, les bulles qui s’accrochent au museau des lézards peuvent également faire office de branchies, absorbant l’oxygène de l’eau par diffusion.
Selon Boccia :
Il est trop tôt pour dire si la réinspiration des lézards conduira à des innovations humaines particulières. Mais le biomimétisme de la réinspiration peut être une proposition intéressante dans plusieurs domaines, y compris la technologie de réinspiration en plongée sous-marine, qui a motivé notre désignation de ce phénomène.
L’étude publiée dans Current Biology : Repeated evolution of underwater rebreathing in diving Anolis lizards et présentée sur le site de l’Université de Toronto : Evolutionary biologists discover mechanism that enables lizards to breathe underwater.