Sur les mécanismes qui permettent aux chevreuils d’interrompent le développement de leurs embryons pendant des mois
Chez de nombreuses espèces, peu de temps après la fécondation, l’embryon s’implante dans la paroi de l’utérus, le préparant ainsi à son futur développement. Chez l’humain, cette implantation se produit vers le huitième ou le neuvième jour après la conception. Cependant, chez le chevreuil européen (Capreolus capreolus), au lieu de s’implanter, l’embryon cesse de se développer et se trouve dans une période de dormance.
Image d’entête : chevreuils (Capreolus capreolus) mâle et femelle. (Wikimedia)
Ce phénomène a été constaté chez plus de 130 espèces, dont les souris et les tatous. Mais le chevreuil connaît l’une des plus longues périodes de suspension embryonnaire connues, qui peut durer jusqu’à 5 mois. Cette période est appelée diapause. Contrairement à ce qui se passe chez de nombreuses autres espèces capables de provoquer une diapause, la division cellulaire des embryons de chevreuil ne s’arrête pas complètement, mais ralentit considérablement, les cellules ne se divisant qu’une fois toutes les quelques semaines.
Jusqu’à présent, le mécanisme cellulaire qui régissait le processus de fort ralentissement de la réplication cellulaire était inconnu. Cependant, une étude récemment publiée (lien plus bas) l’a mis en évidence. Les chercheurs ont découvert qu’un facteur prédominant de la diapause embryonnaire est la modification de l’abondance des acides aminés dans l’embryon. Une famille d’acides aminés en particulier provoque une augmentation significative d’une protéine appelée mTORC1, incitant l’embryon à l’activer davantage. En fait, l’augmentation de mTORC1 semblait directement coïncider avec la sortie de l’embryon de la diapause, après laquelle les cellules commencent à se diviser plus rapidement, mais n’était pas détectable pendant la période précédente de lente réplication cellulaire.
On sait depuis de nombreuses années que la famille de protéines mTOR joue un rôle crucial dans la régulation des voies métaboliques, y compris chez l’humain. En fait, une protéine apparentée appelée mTORC2, considérée comme essentielle au maintien de divisions cellulaires lentes, reste activée pendant la diapause du chevreuil. Cette nouvelle étude ouvrira des pistes de recherche sur le moment précis de l’implantation de l’embryon, tout en améliorant notre connaissance de l’interaction entre les voies chimiques et métaboliques d’un animal et de son embryon.
L’étude publiée dans PNAS : Amino acids activate mTORC1 to release roe deer embryos from decelerated proliferation during diapause.