Des microbes pourraient être utilisés pour fabriquer du carburant pour fusée sur Mars
Une équipe de scientifiques du Georgia Institute of Technology (Georgia Tech, États-Unis) a mis au point un concept selon lequel des bactéries envoyées sur Mars produiraient du carburant pour fusée et de l’oxygène liquide à partir de CO2 atmosphérique afin d’alimenter un vaisseau spatial lors de son voyage de retour vers la Terre.
Vers la fin de la décennie, une fusée décollera de Mars avec à son bord environ un demi-kilogramme d’échantillons géologiques recueillis par l’astromobile Perseverance de la NASA. Bien que la fusée ne fasse qu’envoyer les échantillons et leur conteneur en orbite martienne pour être récupérés par un autre vaisseau spatial pour le retour, elle pèsera environ 400 kg, dont la majeure partie sera occupée par le carburant solide de la fusée nécessaire à l’ascension.
Avec ce point de référence, imaginez maintenant la quantité de carburant dont auront besoin les futures missions plus ambitieuses vers Mars, surtout si ces missions transportent des astronautes. Selon Georgia Tech, un véhicule d’ascension de Mars (MAV pour Mars Ascent Vehicle) avec équipage aurait besoin de 30 tonnes de méthane et d’oxygène liquide pour mettre 500 kg de charge utile en orbite. Bien qu’il soit possible de produire de l’oxygène liquide sur Mars, le méthane devrait provenir de la Terre, ce qui signifie que la charge utile initiale qui décolle de la Terre pèserait 500 tonnes et que le transport du carburant supplémentaire coûterait 8 milliards de dollars.
Pour réduire les coûts et libérer de l’espace pour une charge utile plus intéressante que le carburant pour le voyage de retour, l’équipe de la Georgia Tech dirigée par Nick Kruyer veut utiliser des cyanobactéries et des bactéries Escherichia coli génétiquement modifiées pour produire un carburant alternatif connu sous le nom de Butane-2,3-diol, qui est utilisé sur Terre pour fabriquer du caoutchouc synthétique et d’autres polymères. En plus de fournir suffisamment d’oxygène pour la fusée, la technique proposée produirait également 44 tonnes d’oxygène excédentaire qui pourrait être utilisé à d’autres fins.
A partir de l’étude : production de carburant pour fusée sur Mars via l’utilisation des ressources in situ (ISRU). a La proposition d’ISRU basée sur la biotechnologie (bio-ISRU) tient compte des conditions martiennes pour produire un carburant spécifique à Mars, le 2,3-butanediol (2,3-BDO). À l’aide de la lumière du soleil, du dioxyde de carbone (CO2) et de l’eau, des cyanobactéries (algues) sont cultivées comme matière première pour un microbe modifié qui produit du 2,3-BDO. La culture de cyanobactéries permet de produire de l’oxygène pour les lancements de vaisseaux spatiaux ou d’autres aspects de l’exploration martienne. (Nicholas S. Kruyer et col./ Nature Communications)
L’idée de base est d’envoyer une série de missions exploratoires avant la mission principale. Elles consisteraient en des échantillons de micro-organismes et les matériaux plastiques nécessaires à la mise en place de photobioréacteurs d’une superficie de quatre terrains de football.
Dans ces réacteurs, la lumière du soleil et le dioxyde de carbone de l’atmosphère seraient fournis aux cyanobactéries, qui seraient ensuite traitées par des enzymes pour produire des sucres. Ces sucres seraient extraits et introduits dans l’E. coli pour produire le 2,3-butanediol et l’oxygène, qui seraient séparés par d’autres étapes du processus.
A partir de l’étude : rendu de ce à quoi le bio-ISRU pour le processus 2,3-BDO pourrait ressembler sur Mars, avec un un véhicule d’ascension de Mars (MAV pour Mars Ascent Vehicle) inclus pour l’échelle. (Nicholas S. Kruyer et col./ Nature Communications)
D’après les calculs de l’équipe, le processus serait 32 % plus efficace qu’une usine chimique proposée pour produire de l’oxygène sur Mars par catalyse chimique en utilisant du méthane expédié depuis la Terre, mais il serait trois fois plus lourd. La prochaine étape consistera à trouver des moyens de rendre l’équipement plus petit et plus léger, et l’aspect biologique du processus plus rapide et plus efficace.
Selon le coauteur de l’étude, Matthew Realff, du Georgia Tec :
Nous devons également réaliser des expériences pour démontrer que les cyanobactéries peuvent être cultivées dans des conditions martiennes. Nous devons tenir compte de la différence de spectre solaire sur Mars, en raison de la distance qui nous sépare du Soleil et de l’absence de filtrage atmosphérique de la lumière solaire. Des niveaux élevés d’ultraviolets pourraient endommager les cyanobactéries.
L’étude publiée dans Nature Communications : Designing the bioproduction of Martian rocket propellant via a biotechnology-enabled in situ resource utilization strategy et présentée sur le site du Georgia Tech : Making Martian Rocket BioFuel on Mars.
Merci pour vos articles toujours aussi intéressants.
Je suis, pour ma part, moins intéressé par les comparaisons issues des sites américains en matière d’évaluation des surfaces, notamment. Les anglophones n’utilisant pas le système métrique comprennent assez mal les notions de surface, de la même manière que les urbains francophones ont des problèmes avec les ares, centiares et autres hectares. Dans le cas des premiers, donner une évaluation en bisons (kg), terrains de football (US ou EU ?) et camions a du sens pour permettre aux lecteurs d’appréhender les ordres de grandeurs évoqués. Pour les Européens francophones, j’ai le sentiment qu’une évaluation en mètres-carrés est plus parlante, d’autant que les amateurs de science ne se recrutent pas majoritairement chez les amateurs du ballon rond, non ?