Le pharaon Toutankhamon, est devenu le souverain de l’ancienne Égypte il y a plus de 3 300 ans, alors qu’il n’avait que 9 ans. Il est mort à peine dix ans plus tard, mettant fin à un règne peu mémorable. En fait, la seule chose remarquable à propos de l’enfant roi est sa mort elle-même, plus précisément son enterrement. Après des années de fouilles, les archéologues britanniques ont découvert la tombe du roi Toutankhamon en 1922, et rien n’aurait pu les préparer aux « choses merveilleuses » qu’ils y ont trouvées.

Image d’entête : photographies des deux faces de la dague de Toutankhamon. c) Photographie de la dague de Toutankhamon au moment de la découverte de 1925. (Takafumi Matsui et col./ Meteoritics and Planetary Science)

La tombe de Toutankhamon avait été remplie d’objets précieux destinés à aider le pharaon dans son voyage dans l’au-delà. Parmi ceux-ci figuraient de une crosse et un fléau (symboles fondamentaux du pouvoir royal dans l’ancienne Égypte) en or et en verre coloré, des bijoux ouvragés, des instruments de musique et même des jeux de société. Cet incroyable trésor a instantanément fait de Toutankhamon le pharaon le plus célèbre de la planète.

Image en noir et blanc de la momie lors de sa découverte  montrant de Toutankhamon présentant le poignard de fer placé sur la cuisse droite (flèche). (Griffith Institute, Université d’Oxford).

Parmi ces richesses sans précédent, les archéologues ont également découvert deux magnifiques poignards : l’un fait presque entièrement en or, l’autre en fer avec une poignée et un fourreau en or. Si la lame en or convient à un homme du statut de Toutankhamon, le poignard en fer laisse à première vue perplexe, car nous sommes encore à l’âge du bronze, une époque où les artisans n’ont pas encore perfectionné les méthodes métallurgiques nécessaires pour travailler avec le point de fusion élevé du minerai de fer (plus de 1 500°C).

Mais des recherches ultérieures menées à l’aide d’outils analytiques modernes ont montré que la dague en fer avait en fait été forgée à partir d’une météorite et non de gisements de minerai de fer inaccessibles. Cela a du sens, compte tenu du contexte historique. En 2017, Albert Jambon, de l’Institut de minéralogie, de physique des matériaux et de cosmochimie en France, a montré que tout le fer utilisé à l’âge du bronze était météoritique. Il s’avère que les artefacts spatiaux ne sont pas aussi rares qu’on pourrait le croire.

A partir de l’étude : a) Photographie de la poignée en or de la dague en fer (panneau supérieur) et du fourreau en or associé (panneau inférieur). Images agrandies des zones hachurées de la poignée en or (b) et de la gaine en or (c) de (a). Les points d’analyse sont indiqués par des cercles rouges. (Takafumi Matsui et col./ Meteoritics and Planetary Science)

En d’autres termes, la lame de l’enfant-pharaon était littéralement extraterrestre, le cadeau d’adieu le plus approprié pour une royauté dont on pensait qu’elle descendait de la divinité.

En 2016, des chercheurs de l’Université polytechnique de Milan, en Italie, ont confirmé que la dague de Toutankhamon était véritablement constituée d’une météorite, dont le rapport entre le nickel et le cobalt correspondait bien à la composition de 11 météorites ferreuses analysées de la même manière.

Toutefois, si cette étude a permis de déterminer à quoi devait ressembler la météorite originale, elle n’a pas permis de savoir d’où elle provenait.

Pour mieux comprendre l’origine de la dague de Toutankhamon, des chercheurs de l’Institut de technologie de Chiba, au Japon, ont procédé à une analyse chimique non invasive de l’objet en l’éclairant aux rayons X. L’analyse a révélé la présence d’éléments comme le fer, le nickel, le manganèse et le cobalt, tandis que le soufre, le chlore, le calcium et le zinc se trouvaient en plus grande quantité dans les taches noircies de la lame.

Une composition élémentaire similaire a été rapportée par de précédentes études, mais cette fois-ci, les chercheurs ont également signalé une texture hachurée croisée, connue sous le nom de figures de Widmanstätten, sur les deux côtés de la dague. Le motif présente une structure chimique typique d’une octaédrite, le groupe le plus grand et le plus courant de météorites ferreuses. La plupart proviennent de la ceinture d’astéroïdes située entre Mars et Jupiter.

Pour vérifier si leur intuition était correcte, les chercheurs japonais ont comparé les résultats de l’analyse chimique avec le motif de Shirihagi, une octaédrite de 22 kg trouvée au Japon en 1890, dont le fer a été utilisé pour forger un certain nombre de katanas haut de gamme acquis par l’empereur Taishō. Apparemment, les armes fabriquées à partir de météorites étaient très recherchées par la royauté du monde entier.

Les figures de Widmanstätten fontt également allusion à la façon dont la météorite était traitée par les anciens Égyptiens. La texture hachurée, ainsi que la présence de sulfure de fer, indiquent que la dague a été forgée à basse température, probablement en dessous de 950 °C.

Le plus intrigant est que la dague extraterrestre n’a pas été forgée spécifiquement pour le roi Tut ou pour son enterrement. Après quelques recherches, les chercheurs japonais ont trouvé des mentions d’une dague en fer dans un fourreau en or, offerte au pharaon Amenhotep III, le grand-père de Toutankhamon, par le roi du Mitanni, un ancien royaume de la région d’Anatolie, à l’occasion du mariage du pharaon. Les outils en fer étant extrêmement rares à l’âge du bronze, sans parler d’un poignard destiné à un pharaon, il y a de fortes chances que le poignard en météorite de Toutankhamon lui ait été transmis comme un héritage familial.

L’étude publiée dans la revue Meteoritics and Planetary Science : The manufacture and origin of the Tutankhamen meteoritic iron dagger.

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