Des "pluies de diamants" dans les planètes géantes glacées pourrait être plus fréquente qu’on ne le pensait
Dans une précédente expérience (lien ci-dessous), des scientifiques ont simulé la température et la pression extrêmes à l’intérieur des géantes de glace que sont Neptune et Uranus, et ils ont observé pour la première fois une pluie de diamants.
Selon les scientifiques du Laboratoire national de l’accélérateur SLAC et leurs collègues, la présence d’oxygène favorise la formation de diamants, ce qui leur permet de se former et de croître sur un plus grand nombre de planètes et dans des conditions plus variées. Leurs recherches ont été menées en utilisant un nouveau matériau qui ressemble davantage à la composition chimique de Neptune et d’Uranus.
Uranus et Neptune, des géantes de glace où les scientifiques pensent qu’une pluie de diamants tombe sous la surface. (NASA)
Cette étude permet de mieux comprendre comment la pluie de diamants se produit sur d’autres planètes et pourrait également conduire à une nouvelle méthode de fabrication de nanodiamants ici sur Terre, qui ont un large éventail d’applications dans l’administration de médicaments, les capteurs médicaux, la chirurgie non invasive, la fabrication durable et l’électronique quantique.
Pour Siegfried Glenzer, directeur de la Division de la haute densité énergétique du SLAC, la précédente étude fut la première à observer directement la formation de diamants à partir d’un mélange.
Depuis, il y a eu pas mal d’expériences avec différents matériaux purs. Mais à l’intérieur des planètes, c’est beaucoup plus compliqué ; il y a beaucoup plus de produits chimiques dans le mélange. Et donc, ce que nous voulions comprendre ici, c’était le type d’effet de ces produits chimiques supplémentaires.
Les scientifiques du Helmholtz-Zentrum Dresden Rossendorf (HZDR) et de l’université de Rostock en Allemagne, ainsi que de l’École Polytechnique en France en collaboration avec le SLAC, ont publié leurs résultats cette semaine (lien plus bas).
L’instrument Matter in Extreme Conditions (MEC) au Linac Coherent Light Source de SLAC, les chercheurs ont recréé les conditions extrêmes que l’on trouve sur Neptune et Uranus et ont observé la formation de la pluie de diamants. (Olivier Bonin/ Laboratoire national de l’accélérateur SLAC)
Une matière plastique contenant de l’hydrogène et du carbone a été testée lors de l’expérience précédente. Ces éléments sont des composants clés de la composition chimique de Neptune et d’Uranus. Outre le carbone et l’hydrogène, d’autres éléments, comme l’oxygène, sont également présents dans ces géantes de glace.
Les chercheurs ont recréé la composition de ces planètes en utilisant du plastique PET, un matériau souvent utilisé pour les emballages alimentaires et les bouteilles.
Selon Dominik Kraus, professeur à l’université de Rostock et physicien au HZDR, le PET est bien adapté pour simuler l’activité des planètes de glace car il présente un bon équilibre entre le carbone, l’hydrogène et l’oxygène.
Afin de générer des ondes de choc dans le PET, les chercheurs ont utilisé un laser optique de grande puissance. Ensuite, ils ont examiné le plastique à l’aide d’impulsions de rayons X émises par le LCLS (Linac Coherent Light Source du SLAC) pour voir ce qui s’est passé à l’intérieur.
Leurs observations ont été réalisées à l’aide d’une technique connue sous le nom de diffraction des rayons X, qui leur a permis de voir les atomes se réarranger en régions diamantées. En outre, ils ont mesuré la vitesse et la taille de la croissance de ces régions en utilisant une autre méthode appelée diffusion des rayons X aux petits angles, qui n’avait pas été utilisée dans la première étude. Les chercheurs ont pu déterminer que les régions de diamant peuvent atteindre une largeur de quelques nanomètres grâce à cette méthode. Ils ont découvert que les nanodiamants se développent à des pressions et des températures plus basses en présence d’oxygène dans le matériau.
Selon Kraus :
En raison de la présence de l’oxygène, le carbone et l’hydrogène se séparent plus rapidement et des nanodiamants se forment. Cela signifie que les atomes de carbone pouvaient se combiner plus facilement et former des diamants.
Selon les chercheurs, les diamants sur Neptune et Uranus seraient bien plus gros que les nanodiamants qu’ils ont produits dans ces expériences, peut-être des millions de carats. Une épaisse couche de diamants pourrait se développer autour du noyau solide de la planète pendant des milliers d’années, à mesure que les diamants s’enfoncent lentement dans les couches de glace de cette dernière.
En plus des diamants, les chercheurs ont également découvert des preuves que de la glace superionique, pourrait se former en même temps que les diamants.
Les noyaux d’hydrogène flottent librement dans ces réseaux cristallins formés par les atomes d’oxygène dans ces conditions extrêmes. Il est possible d’expliquer les champs magnétiques inhabituels d’Uranus et de Neptune par le fait que la glace superionique peut conduire le courant électrique grâce à ces noyaux flottant librement qui sont chargés électriquement.
Comme les géantes de glace semblent être le type de planète le plus courant en dehors de notre système solaire, ces découvertes pourraient également améliorer notre compréhension des planètes situées dans des galaxies lointaines.
Selon Silvia Pandolfi, scientifique au SLAC :
Le noyau de la Terre est principalement constitué de fer, mais de nombreuses expériences sont encore menées pour étudier comment les éléments plus légers peuvent affecter le processus de fusion et les transitions de phase. Les diamants peuvent se former sur les géantes de glace dans des conditions différentes si ces éléments sont présents, comme le démontre notre expérience. Si nous voulons modéliser les planètes avec précision, nous devons nous rapprocher le plus possible de la composition réelle de leur intérieur.
Grâce à la compression par chocs des plastiques PET par laser, des nanodiamants pourraient également être produits à l’avenir. Ces minuscules pierres précieuses sont déjà utilisées pour le polissage et les abrasifs, mais à l’avenir, elles pourraient servir de capteurs quantiques, d’agents de contraste et d’accélérateurs de réaction.
En résumé : dans l’expérience, une fine feuille de plastique PET simple a été frappée par un laser. Les puissants flashs laser qui ont touché l’échantillon de matériau en forme de feuille l’ont brièvement chauffé à 6000 degrés Celsius et ont ainsi généré une onde de choc qui a comprimé la matière à des millions de fois la pression atmosphérique pendant quelques nanosecondes. Les scientifiques ont pu déterminer que de minuscules diamants, appelés nanodiamants, se sont formés sous cette pression extrême.
(Blaurock / HZDR)
À l’avenir, ils ont l’intention de réaliser des expériences similaires avec des échantillons liquides composés d’éthanol, d’eau et d’ammoniac, ce dont Uranus et Neptune sont principalement constituées, qui leur permettront de mieux comprendre comment la pluie de diamants prend naissance sur d’autres planètes.
L’étude publiée dans Science Advances : Diamond formation kinetics in shock-compressed C─H─O samples recorded by small-angle x-ray scattering and x-ray diffraction et présentée sur le site de la Helmholtz-Zentrum Dresden-Rossendorf : Making nanodiamonds out of bottle plastic.