Des bactéries se logent dans les microfibres de plastique qui polluent les mers
Les microfibres issues de la pollution plastique, de l’industrie textile et de la pêche se sont progressivement accumulées dans les mers et les océans, mais leurs effets sur la santé restent mal connus. À présent, des chercheurs ont montré que ces fibres peuvent devenir un réservoir d’agents pathogènes, avec près de 200 espèces de bactéries qui ont pris possession des filaments synthétiques et naturels. Cela augmente le risque de contamination, par rapport aux particules naturelles, où vivent également des bactéries.
Image d’entête, à partir de l’étude : photomicrographie de fibres flottantes collectées dans la zone côtière du nord-ouest de la Méditerranée (A), et images de microscopie électronique à balayage (MEB) de leurs communautés bactériennes (B), avec des cellules allongées et arrondies ainsi que des substances polymériques extracellulaires (EPS) (C-F). (Pedrotti et col./ PLoS ONE)
La pollution par les microfibres est très répandue dans les eaux de surface côtières et offshore de tous les bassins océaniques. Qu’il s’agisse de polymères synthétiques ou naturels, ces particules peuvent devenir un nouveau problème de pollution car les organismes sont exposés quotidiennement à ce mélange. Cependant, on sait peu de choses sur la dégradation des microfibres et leur risque sur le long terme pour les écosystèmes et la santé humaine.
Une fois à la mer, comme les autres microplastiques, les fibres peuvent être rapidement colonisées par des micro-organismes, tels que des bactéries ou des microalgues. La formation de biofilms sur les microplastiques, qui ont l’apparence et l’odeur d’aliments, peut favoriser leur ingestion. Les plastiques peuvent devenir des vecteurs de micro-organismes potentiellement dangereux ou pathogènes, et de nombreuses études se penchent sur leur impact.
Maria Luiza Pedrotti, de l’Université de la Sorbonne, en France, a voulu étudier le rôle des microfibres flottantes en tant que vecteurs de micro-organismes dans la mer Méditerranée. Cette mer, bien qu’elle représente 0,8 % des eaux marines du monde, compte pour environ 7 % de la pollution microplastique dans l’océan mondial. Elle abrite un haut niveau de biodiversité, avec 17 000 espèces, dont 28 % sont endémiques et affectées par la pollution plastique.
Les chercheurs ont prélevé des échantillons à la surface de la mer à bord du navire de recherche « The Alchemy », un voilier naviguant dans le nord-ouest de la Méditerranée. Les échantillons ont ensuite été analysés dans le laboratoire d’océanographie (LOV) de Villefranche-sur-mer de l’Université de la Sorbonne. Les chercheurs ont combiné l’analyse moléculaire et la microscopie électronique à balayage (MEB) pour analyser les échantillons.
Les chercheurs ont ainsi décrit environ 200 espèces de bactéries fixées à des microfibres flottantes dans la mer Méditerranée, y compris des fibres synthétiques, et parmi ces espèces, ils ont trouvé certains agents pathogènes humains et animaux potentiels, tels que la bactérie Vibrio parahaemolyticus (liée aux maladies de l’estomac). Ils ont pu définir une concentration moyenne de 2663 de bactéries par microfibre.
Il s’agit de la première étude à signaler la présence de Vibrio parahaemolyticus sur des microfibres en mer Méditerranée. Pour les chercheurs, l’identification de ces colonisateurs de microfibres offre de précieuses indications pour évaluer les risques sanitaires, car leur présence peut constituer une menace pour la consommation de fruits de mer. Ces bactéries pourraient également être influencées par le changement climatique, car des températures plus élevées favorisent leur propagation.
À la lumière des résultats de la diversité des bactéries vivant sur les microplastiques, les chercheurs espèrent aller plus loin dans d’autres types d’analyse pour étudier comment ces bactéries expriment leur virulence et comment celle-ci est influencée par les conditions environnementales dans l’océan, notamment la température. La mer Méditerranée se réchauffe plus rapidement que les autres régions océaniques du monde.
Selon les chercheurs dans leur étude :
La Méditerranée est soumise à une pression anthropique (par l’humain) constante concernant la pollution, ainsi qu’aux conséquences d’un changement climatique dépassant les tendances mondiales pour la plupart des variables, les eaux se réchauffant plus rapidement que le reste de l’océan, en particulier pendant les mois d’été. Ces conditions changeantes peuvent entraîner des changements dans la structure des communautés microbiennes marines.
L’étude publiée dans PLoS ONE : Vibrio spp and other potential pathogenic bacteria associated to microfibers in the North-Western Mediterranean Sea.