Le télescope spatial Hubble découvre un trou noir extrêmement rare dans un amas d’étoiles massif
Jusqu’à présent, les trous noirs de taille intermédiaire n’étaient qu’une hypothèse théorique. Mais le trou noir identifié récemment constitue la meilleure preuve de l’existence de ces trous noir intermédiaire, qui sont extrêmement rares.
Grâce au télescope spatial Hubble de la NASA/ESA, les astronomes ont fait une percée importante dans leur recherche de trous noirs de taille intermédiaire. Ces entités cosmiques insaisissables, plus grandes que les petits trous noir, mais plus petites que les trous noirs supermassifs, laissent les scientifiques perplexes depuis des années.
En étudiant le noyau de l’amas d’étoiles globulaire Messier 4 (M4), des chercheurs ont annoncé la découverte d’un candidat solide pour être un trou noir intermédiaire.
Image d’entête : étoiles dans l’amas globulaire Messier 4. (ESA/ Hubble & NASA)
Les trous noirs sont comme des nids de poule gravitationnels intenses, déformant le tissu de l’espace lui-même. Ils se présentent sous deux formes bien connues : les petits, dont la masse est plusieurs fois celle de notre Soleil, disséminés dans notre galaxie, et les géants supermassifs, qui pèsent des millions ou des milliards de fois la masse de notre Soleil, et que l’on trouve au cœur des galaxies de tout l’univers.
Mais qu’en est-il des trous noirs de masse intermédiaire, qui pèsent environ 100 à 100 000 fois la masse de notre Soleil ? Comment se forment-ils ? Où résident-ils ? Et pourquoi sont-ils si rares ?
Ces dernières années, des astronomes ont identifié des trous noirs potentiels de masse intermédiaire à l’aide de diverses techniques d’observation. Deux candidats, désignés 3XMM J215022.4-055108 et HLX-1, se trouvent à la périphérie des galaxies et ont une masse des dizaines de milliers de fois supérieure à celle de notre Soleil. Il est possible que ces objets colossaux aient autrefois servi d’ancrage à des galaxies naines.
Plus près de nous, des scientifiques ont suspecté que des trous noir intermédiaire se trouvaient dans des amas globulaires d’étoiles denses en orbite autour de la Voie lactée. Ainsi, en 2008, des astronomes utilisant le télescope spatial Hubble ont annoncé l’existence possible d’un trou noir de masse intermédiaire dans l’amas globulaire Omega Centauri. Toutefois, en raison du manque de données et de théories alternatives, ces résultats n’ont pas été concluants, jusqu’à aujourd’hui.
Exploitant les capacités uniques du télescope spatial Hubble, une équipe dirigée par Eduardo Vitral du Space Telescope Science Institute (États-Unis) s’est lancée dans une mission de chasse aux trous noirs d’une précision inégalée. Leur cible : le cœur de l’amas d’étoiles globulaires Messier 4 (M4). Grâce à l’analyse méticuleuse de 12 années d’observations Hubble, l’équipe a découvert un candidat solide au titre de trou noir intermédiaire, dissimulé au regard direct, mais révélé par le mouvement des étoiles environnantes.
Tout comme les abeilles qui tournoient autour d’une ruche, les étoiles prises dans le champ gravitationnel de ce mastodonte invisible fournissent des indices sur son existence. En mesurant précisément le mouvement de ces étoiles, les astronomes ont estimé la masse du trou noir à environ 800 fois celle de notre soleil. Cette découverte révolutionnaire n’aurait pas été possible sans les remarquables capacités du télescope spatial Hubble.
Pour étayer leur argumentation, les chercheurs se sont tournés vers les données de la sonde spatiale Gaia de l’ESA, qui a scanné plus de 6 000 étoiles au sein de l’amas, ce qui a permis de préciser sa forme et sa masse. Ensemble, les données de Hubble et de Gaia écartent d’autres théories, comme celle d’un amas de restes stellaires ou de trous noirs plus petits. En revanche, les données indiquent la possibilité d’un trou noir unique de masse intermédiaire, ce qui est très séduisant.
Bien que l’équipe ne puisse pas affirmer avec certitude qu’il s’agit du point central de gravité, une chose est claire : le trou noir suspecté est incroyablement compact, occupant une région trois fois plus petite que toute masse dense précédemment identifiée dans d’autres amas globulaires. Selon Vitral, ce caractère compact défie les modèles physiques actuels impliquant des amas de trous noirs, d’étoiles à neutrons et de naines blanches.
Selon Vitral :
En utilisant les dernières données Gaia et Hubble, il n’a pas été possible de faire la distinction entre une population sombre de restes stellaires et une source ponctuelle unique plus importante. L’une des théories possibles est donc que cette masse sombre pourrait être un trou noir de taille moyenne plutôt qu’une multitude de petits objets sombres distincts.
Si l’objet en question ne s’avère pas être un trou noir intermédiaire, il faudrait une quarantaine de trous noirs plus petits comprimés dans un espace de seulement un dixième d’année-lumière pour expliquer les mouvements stellaires observés. Une telle configuration entraînerait des fusions et des éjections constantes, un jeu cosmique de flipper interstellaire.
Pour comprendre les trous noirs de masse intermédiaire, il faut avancer petit à petit, chaque étape ouvrant la voie à de nouvelles certitudes. Cette découverte marque une étape importante dans la confirmation de leur existence. Timo Prusti, scientifique de la mission Gaia, souligne le rôle essentiel des données du Gaia Data Release 3, ainsi que la promesse de futures versions et d’investigations supplémentaires par les télescopes spatiaux Hubble et James Webb, afin d’éclairer davantage cette énigme cosmique.
Pour Timo Prusti, scientifique de la mission Gaia :
La science consiste rarement à découvrir quelque chose de nouveau en un seul instant. Il s’agit plutôt de s’assurer progressivement d’une conclusion, et ceci pourrait être un pas vers la certitude que les trous noirs de masse intermédiaire existent.
Les données du Gaia Data Release 3 sur le mouvement propre des étoiles de la Voie lactée ont été essentielles pour cette étude. Les prochaines livraisons de données Gaia, ainsi que les études de suivi réalisées par les télescopes spatiaux Hubble et James Webb, pourraient apporter d’autres éclaircissements.
L’étude publiée dans The Monthly Notices of the Royal Astronomical Society : An elusive dark central mass in the globular cluster M4 et présentée sur le site de l’ESA Hubble : Hubble hunts for intermediate-sized black hole close to home.