Des chercheurs entraînent des prédateurs autochtones à chasser des espèces envahissantes qu’ils n’ont jamais vues auparavant
Dans le cadre de la lutte biologique, une méthode qui n’a pas toujours été bien maîtrisée et qui s’est souvent avérée désastreuse pour l’environnement, des scientifiques ont réussi à donner un coup de pouce à la nature et à apprendre à des prédateurs indigènes à rechercher une nouvelle source de nourriture qu’ils n’avaient jamais rencontrée auparavant.
Image d’entête : un Rattus fuscipes, rat indigène des côtes australiennes. (Katrin Solmdorff/ Wikimedia)
Contrairement à l’humain, la plupart des autres espèces n’ont pas tendance à trop varier leur régime alimentaire si les ressources nécessaires sont disponibles. Des scientifiques de l’École des sciences de la vie et de l’environnement de l’université de Sydney, en Australie, dirigés par le professeur Peter Banks, ont « entraîné » des rats des buissons indigènes (Rattus fuscipes) à manger la blatte tachetée (Nauphoeta cinerea), une espèce étrangère que les rongeurs n’ont jamais eu l’occasion de chasser et dont ils ne se nourrissent habituellement pas.
La blatte tachetée Nauphoeta cinerea. (Wikimedia)
Selon les chercheurs :
Nous voulions savoir si nous pouvions accélérer l’apprentissage en exposant un prédateur indigène vivant en liberté à l’odeur d’une nouvelle espèce de proie associée à une récompense.
Si les prédateurs indigènes finissent par apprendre à chasser les nouvelles proies qui apparaissent dans leur habitat, cela prend du temps. Avec le temps vient le risque que l’espèce exotique, qui a pénétré dans un nouvel environnement, souvent par le biais d’un transport humain accidentel, s’adapte à son nouvel environnement et fasse des ravages en tant que population envahissante bien établie.
Les scientifiques ajoutent :
Toutefois, les espèces indigènes ne peuvent résister aux espèces exotiques que si elles peuvent réagir de manière appropriée, ce qu’elles ne peuvent pas faire si elles n’ont jamais rencontré les envahisseurs auparavant.
Les chercheurs ont localisé 24 zones sauvages abritant des rats des buissons : 12 d’entre elles devaient être le lieu de l’entraînement, tandis que les 12 autres devaient constituer la population de rats de contrôle non entraînée.
Sur les sites d’entraînement, nous avons placé une passoire à thé en métal avec l’odeur de cafard et trois cafards morts en guise de récompense. La passoire à thé et les cafards ont été attachés à un piquet de tente planté dans le sol pour que les rats ne puissent pas les emporter.
Il était également important de ne pas risquer d’introduire par inadvertance l’espèce exotique dans ce nouvel habitat.
Après l’entraînement, qui a déclenché le mécanisme de chasse des rats grâce aux signaux olfactifs, une « invasion » simulée a été mise en place sur les 24 sites, avec davantage de blattes sans les signaux olfactifs. À l’aide de caméras à distance, les chercheurs ont observé que la prédation était 46 % plus fréquente chez les animaux entraînés. Tous les cafards sauf deux (sur 156) ont été mangés par les rats. Ces deux cafards ont été dévorés par un oiseau et un antechinus, un petit marsupial.
Les chercheurs espèrent que ce type d’entraînement permettra de mieux préparer les animaux indigènes à s’adapter à toute espèce étrangère susceptible de s’introduire sur leur territoire.
Dans une précédente étude, des scientifiques ont aidé une autre petite espèce australienne, le Rat-kangourou de Lesueur (Bettongia lesueur ou bettong), en voie de disparition, à aiguiser ses stratégies défensives face à la prédation extérieure, en l’exposant à quatre chats sauvages désexués dans le cadre d’une étude contrôlée.
Heureusement, ces approches sont très éloignées d’initiatives telles que l’introduction de crapauds buffle à sucre en Australie pour protéger les cultures de canne à sucre contre les coléoptères, pour ensuite voir ces amphibiens robustes et venimeux provoquer un désastre pour de nombreuses espèces indigènes. Heureusement, les scientifiques comprennent désormais beaucoup mieux les conséquences de l’introduction d’espèces exotiques dans les habitats.
L’étude publiée dans la revue Biological Conservation : Native predators can learn new prey cues to overcome naivete and hunt novel alien prey et les chercheurs présentent leurs découvertes dans un article de The Conversation : Unique study shows we can train wild predators to hunt alien species they’ve never seen before.