Des chercheurs cultivent des embryons de reins humanisés à l’intérieur de porcs pendant 28 jours
Des scientifiques chinois ont réussi à développer des reins contenant des cellules humaines dans des embryons de porcs, une première mondiale qui pourrait un jour contribuer à remédier à la pénurie de dons d’organes.
Cette découverte, décrite dans une étude publiée la semaine dernière, soulève toutefois des questions éthiques, d’autant plus que des cellules humaines ont également été trouvées dans le cerveau des porcs, selon les experts.
Les chercheurs de l’Institut de biomédecine et de santé de Guangzhou se sont concentrés sur les reins parce qu’ils sont l’un des premiers organes à se développer et le plus couramment transplanté en médecine humaine.
Selon Liangxue Lai, auteur principal de l’étude :
Des organes de rat ont été produits chez des souris et des organes de souris ont été produits chez des rats, mais les précédentes tentatives de culture d’organes humains chez des porcs n’ont pas abouti. Notre approche améliore l’intégration des cellules humaines dans les tissus récepteurs et nous permet de cultiver des organes humains chez le porc.
Il s’agit d’une approche différente des récentes percées très médiatisées aux États-Unis, où des reins de porcs génétiquement modifiés et même un cœur ont été transplantés chez des humains. Cette nouvelle étude « décrit les étapes pionnières d’une nouvelle approche de la bio-ingénierie des organes en utilisant des porcs comme incubateurs pour la croissance et la culture d’organes humains », pour Dusko Ilic, professeur de sciences des cellules souches au King’s College de Londres, qui n’a pas été impliqué dans la recherche. Pour une “réaction d’expert”, face à ces travaux, Ilic averti qu’il y aura de nombreux défis à relever pour transformer l’expérience en une solution viable, mais « néanmoins, cette stratégie captivante mérite d’être explorée plus avant ».
La difficulté de créer de tels hybrides réside dans le fait que les cellules porcines sont plus compétitives que les cellules humaines. Pour surmonter cette difficulté, l’équipe a utilisé l’édition génétique CRISPR pour supprimer deux gènes essentiels à la formation des reins à l’intérieur d’un embryon de porc, créant ainsi ce qui est appelé une « niche« . Ils ont ensuite ajouté des cellules souches pluripotentes humaines spécialement préparées, des cellules qui ont le potentiel de se transformer en n’importe quel type de cellule, qui ont rempli la niche.
Avant d’implanter les embryons dans des truies, ils les ont cultivés dans des tubes à essai contenant des substances qui nourrissent à la fois les cellules humaines et les cellules porcines. Au total, ils ont transféré 1 820 embryons dans 13 mères porteuses. Les grossesses ont été interrompues à 25 et 28 jours pour évaluer l’efficacité de l’expérience. Cinq embryons sélectionnés pour l’analyse se sont révélés avoir des reins fonctionnellement normaux pour leur stade de développement, commençant à développer les uretères qui les relieraient à terme à la vessie. Ils contenaient entre 50 et 60 % de cellules humaines.
A partir de l’étude : cellules rénales humanisées (fluorescence rouge) à l’intérieur de l’embryon comparé à un embryon de porc « sauvage ». (J. Wang etcoal./ Cell Stem Cell)
Selon Zhen Dai, coauteur de l’étude :
Nous avons découvert que si l’on crée une niche dans l’embryon de porc, les cellules humaines se placent naturellement dans ces espaces. Nous n’avons vu que très peu de cellules neurales humaines dans le cerveau et la moelle épinière et aucune cellule humaine dans la crête génitale.
La prévention de l’invasion de cellules humaines dans les tissus reproducteurs est considérée comme cruciale, car sinon il y a un risque de création non contrôlée d’hybrides homme-porc.
Selon Darius Widera, professeur de biologie des cellules souches à l’université de Reading (Royaume-Uni), la présence de cellules humaines dans le cerveau des porcs soulève toutefois des inquiétudes, ajoutant que :
Bien que cette approche constitue une étape importante et la première tentative réussie de culture d’organes entiers contenant des cellules humaines chez le porc, la proportion de cellules humaines dans les reins générés n’est pas encore assez élevée.
Le résumé graphique de l’étude. (J. Wang etcoal./ Cell Stem Cell)
À long terme, l’équipe souhaite optimiser sa technologie pour l’utiliser dans les transplantations humaines, mais admet qu’elle n’est pas encore prête. Les reins contenaient des cellules vasculaires dérivées de porcs, qui pourraient provoquer un rejet en cas de transplantation chez l’humain, ce qui constitue une limitation importante.
Néanmoins, les scientifiques prévoient de poursuivre leurs travaux et de laisser les reins se développer plus longtemps. Ils travaillent également à la culture d’autres organes humains chez le porc, tels que le cœur et le pancréas.
L’étude publiée dans la revue Cell Stem Cell : Generation of a humanized mesonephros in pigs from induced pluripotent stem cells via embryo complementation.