Les oiseaux chantent en dormant ce qui permet de déterminer à quoi ils rêvent
Des chercheurs ont suivi les contractions musculaires du conduit vocal d’un oiseau et reconstitué le chant qu’il chantait silencieusement dans son sommeil. Le son obtenu est un appel très spécifique, ce qui a permis à l’équipe de déterminer le sujet du rêve de l’oiseau.
Image d’entête : un Tyran quiquivi (Pitangus sulphuratus). (Mike & Chris/ Wikimedia)
Lorsque les oiseaux dorment, la partie de leur cerveau consacrée au chant diurne reste active et présente des motifs qui ressemblent à ceux produits lorsqu’ils sont éveillés. Des chercheurs de l’université de Buenos Aires (UBA) ont déjà démontré que ces modèles cérébraux activent les muscles vocaux des oiseaux, ce qui leur permet de « rejouer » silencieusement un chant pendant leur sommeil. Mais jusqu’à présent, il n’avait pas été possible de déterminer comment cette activité nocturne était traitée. Dans leur nouvelle étude (lien plus bas), les chercheurs de l’UBA ont transformé les mouvements des muscles vocaux effectués pendant le rêve aviaire en chants synthétiques.
Selon Gabriel Mindlin, spécialiste des mécanismes physiques à l’origine du chant des oiseaux et auteur correspondant de l’étude :
Les rêves sont l’une des parties les plus intimes et les plus insaisissables de notre existence. Savoir que nous partageons cela avec une espèce aussi éloignée est très émouvant. Et la possibilité de pénétrer dans l’esprit d’un oiseau rêveur, en écoutant le son de son rêve, est une tentation à laquelle il est impossible de résister.
Les sons vocaux des oiseaux sont produits par un organe unique qu’ils sont les seuls à posséder, le syrinx. Située à la base de la trachée, l’air qui passe fait vibrer une partie ou la totalité des parois de l’organe, tandis que le sac d’air qui l’entoure agit comme une chambre de résonance. La hauteur du son produit dépend de la tension que les muscles environnants exercent sur le syrinx et les voies respiratoires.
A partir de l’étude : schémas de l’appareil vocal du Kiskadee et de son modèle. (J. Döppler et col./ Chaos)
Les chercheurs ont choisi le Tyran quiquivi pour leur étude, car c’est l’espèce qu’ils avaient utilisée dans leurs recherches précédentes. Commun dans toute l’Amérique centrale et l’Amérique du Sud, cet oiseau turbulent et agressif est connu pour son cri à trois syllabes qui lui a valu son nom “quiquivi” ou son nom anglais “kiskadee”. Lorsqu’il défend son territoire, il produit un modèle de vocalisation distinct, un « trille » de syllabes courtes, accompagné du relèvement de sa crête de plumes de tête.
Des électrodes électromyographiques (EMG) fabriquées sur mesure ont été implantées dans les oiseaux pour mesurer la réponse musculaire et l’activité électrique dans le muscle obliquus ventralis, le muscle le plus important produisant le chant du Tyran quiquivi. L’EMG et le chant des oiseaux ont été enregistrés simultanément pendant qu’ils étaient éveillés et endormis. Un modèle de système dynamique existant du mécanisme de production sonore du Tyran quiquivi a été utilisé pour traduire les informations en chants synthétiques. En termes simples, un modèle de système dynamique décompose en une série d’équations mathématiques ce qui se passe dans le syrinx lors de la production d’un son.
A partir de l’étude : activité EMG du trille enregistrée pendant le sommeil et sons synthétiques générés par le modèle dynamique. (J. Döppler et col./ Chaos)
Selon Midlin :
Au cours des 20 dernières années, j’ai travaillé sur la physique du chant des oiseaux et sur la manière de traduire l’information musculaire en chant. De cette manière, nous pouvons utiliser les schémas d’activité musculaire comme paramètres dépendant du temps d’un modèle de production de chants d’oiseaux et synthétiser le chant correspondant.
L’analyse de l’activité musculaire pendant le sommeil a révélé des schémas d’activité cohérents correspondant aux trilles produits par les Tyrans quiquivi pendant les combats territoriaux diurnes. Il est intéressant de noter que les » rêves trillés » sont associés à des plumes de tête relevées, comme pendant la journée. Les chercheurs ont créé une version synthétique de l’un des trilles à partir des données recueillies.
Selon Midlin :
J’ai ressenti une grande empathie en imaginant cet oiseau solitaire recréant dans son rêve un conflit territorial. Nous avons plus en commun avec d’autres espèces que ce que nous reconnaissons habituellement.
Les chercheurs affirment que leur étude a fourni « une fenêtre unique sur le cerveau aviaire » et que l’utilisation de modèles biomécaniques dynamiques pour traduire les signaux en comportement pourrait être étendue à d’autres espèces et ils ajoutent :
En d’autres termes, dans ce travail, nous avons montré comment les modèles physiques peuvent être utilisés pour écouter ce dont rêve un oiseau.
L’étude publiée dans la revue Chaos : Synthesizing avian dreams et présentée sur le site de l’American Institute of Physics – AIP Publishing : What Do Bird Dreams Sound Like?