Le mauvais odorat humain ne serait qu’un mythe
Depuis plus d’un siècle, on prête aux humains un très mauvais sens de l’odorat. Pourtant, selon une nouvelle étude, les humains ont un puissant odorat, c’est juste que nous ne sommes pas/ plus habitués à faire ressortir certaines informations de l’urine de nos congénères…
Une récente analyse réalisée par John McGann, spécialisé en neurobiologie et en cognition sensorielle à l’université Rutgers (États-Unis), revisite les preuves disponibles concernant l’olfaction humaine et s’attaque à la vieille idée que le nez du chien est 10 000 fois plus puissant que le nôtre. Ils sont en effet bien meilleurs à renifler les odeurs d’urines sur les lampadaires, dit-il, mais les humains ont un léger avantage quand il s’agit de bananes. Différentes espèces, semble-t-il, se spécialisent dans différentes odeurs.
Comme une étude publiée en 2014 le suggérait déjà et pour McGann, les humains peuvent faire la différence entre mille milliards d’odeurs différentes.
Le fait est que l’odorat est aussi bon chez les humains que chez les autres mammifères, comme les rongeurs et les chiens.
Alors, d’où sort l’idée que notre odorat est si mauvais ? McGann fait valoir qu’elle est originaire du célèbre neuro-anatomiste et libre penseur français Paul Broca (1824-1880), qui a suggéré que les lobes frontaux du cerveau humain, le siège de notre intelligence et de notre libre arbitre, étaient devenus beaucoup plus grands que ceux d’autres espèces et tout cela aux dépens d’autres capacités plus “animales” de notre cerveau.
Broca a plus particulièrement suggéré que les bulbes olfactifs (il y en a 2) du cerveau humain, où les odeurs sont traitées, se sont réduits pour s’adapter aux lobes frontaux élargis. Convaincus que la taille était en corrélation avec la capacité, Broca et d’autres ont jeté les bases de la notion d’une capacité olfactive diminuée.
Image d’entête : représentation du bulbe olfactif et des nerfs olfactifs humains (en jaune). (Patrick J. Lynch/ Wikipedia)
McGann conteste cette idée, arguant que comparer les volumes relatifs et absolus des bulbes olfactifs humains à d’autres espèces n’est pas un indicateur utile du pouvoir de notre odorat. Pour le chercheur, la meilleure mesure est de déterminer le nombre de neurones présents dans les bulbes.
Les humains ont donc des bulbes olfactifs relativement petits par rapport au volume global de leur cerveau. En ces termes, les souris ont des bulbes olfactifs 200 fois plus grands que ceux des humains, tandis que ceux des chiens sont 40 fois plus grands.
Mais une nouvelle technique permettant de quantifier le nombre de cellules olfactives dans les bulbes de différentes espèces a donné un résultat inattendu. Indépendamment de la taille du bulbe, le nombre absolu de neurones est remarquablement similaire dans une variété d’espèces qui, par ailleurs, varient considérablement en taille et en leur dépendance apparente à l’odeur. Que l’on soit un homme, une souris, un singe ou même une taupe avec un nez en étoile (Condylure étoilé), il y a un nombre magique de neurones, environ 10 m, nécessaire et suffisant pour atteindre la fonction olfactive. En d’autres termes, c’est l’abondance de ces neurones, pas la taille des structures anatomiques qui les abritent, qui est importante.
Le nez du Condylure étoilé. (Kenneth Catania)
De plus, les comparaisons directes sont trompeuses, car les recherches actuelles indiquent que « les différentes espèces ont des sensibilités différentes pour différentes substances odorantes ». Les humains ont un étonnant pouvoir olfactif quand il s’agit de certaines odeurs, comme l’acétate d’amyle dans les bananes ou les odorants dans le sang humain. D’autres espèces excellentes à détecter les odeurs qui les concernent.
Selon McGann, en modérant ses conclusions :
Des personnes se demandent si les humains sont meilleurs que les chiens à discerner les odeurs. Ce n’est pas ce que c’est. C’est une chose beaucoup plus nuancée. Vous pourriez être plus apte à repérer l’odeur de certaines plantes parce que vous les mangez, mais un animal carnivore et territorial comme le chien sera bien meilleur à discerner les odeurs à partir d’urine.
Ainsi nous ne sommes ni “meilleurs”, ni « plus mauvais » que les chiens. En fonction de notre mode de vie, il y a des odeurs auxquelles nous sommes plus sensibles et donc plus adapter à repérer que d’autres.
Notre olfaction spécifique est essentielle à l’être humain, souligne McGann, permettant une forme de communication, jouant dans le choix du partenaire et dans la socialité. Par exemple, une étude publiée en 2015 a montré que nous sentons inconsciemment nos mains après avoir serré celle d’un étranger. Les odeurs environnementales influencent fortement nos émotions et nos souvenirs.
En ce qui concerne l’avenir, les scientifiques commencent tout juste à déterminer le but de notre odorat dans notre vie quotidienne. Ils veulent ainsi connaître les odeurs auxquelles nous sommes les plus sensibles et ce qui rend les humains bon ou mauvais à les repérer. McGann espère également que les scientifiques pourront faire plus pour les personnes qui ont perdu leur odorat.
L’étude publiée dans Science : Poor human olfaction is a 19th-century myth.