Par la simple modification d’un gène des chercheurs ont transformé la corne d’un scarabée en un 3e œil
L‘œil est souvent mis en avant comme un exemple de la complexité de la nature, mais l’évolution a ses raccourcis. Une nouvelle expérience de l’université de l’Indiana (États-Unis) révèle comment la sélection naturelle peut créer des traits complexes à partir de «blocs de construction» génétiques existants et, pour illustrer cela, l’équipe a utilisé un outil génétique relativement simple pour développer un troisième œil fonctionnel sur le front de coléoptères.
Des insectes ont déjà reçu (génétiquement) des yeux supplémentaires dans de précédentes études, mais c’était plus de l’ordre d’un bidouillage compliqué et, au final, ces yeux ne fonctionneront jamais comme des yeux normaux. Dans ces expériences, les principaux gènes régulateurs doivent être activés dans cette nouvelle partie du corps, comme une jambe ou une aile. Les chercheurs de l’université de l’Indiana comparent ce processus de construction à des briques de Lego.
Selon Armin Moczek, auteur principal de la nouvelle étude :
L’évolution d’un nouveau trait physique ressemble beaucoup à la construction d’une nouvelle structure à partir de Legos, en réutilisant et en recombinant de “vieux” gènes et des processus de développement dans de nouveaux contextes. Vous pouvez faire de nouvelles choses encore et encore ou dans de nouveaux endroits en utilisant le même vieux jeu de briques. Mais pour les Legos, nous connaissons les règles d’assemblage : quelles sont les pièces qui vont ensemble et celles qui ne s’assemblent pas. En biologie, nous avons encore du mal à comprendre leurs homologues respectifs.
L’expérience s’appuie sur de précédents travaux qui ont vu un œil se développer accidentellement sur des scarabées. Les chercheurs avaient désactivé un gène connu sous le nom d’orthodenticule (otd), qui affecte le développement de la tête d’un organisme. Ils s’attendaient à ce qu’ils ne poussent pas de cornes aux coléoptères génétiquement modifiés, mais ils ne s’attendaient pas à ce qu’une paire supplémentaire d’yeux se développe à leur place.
De la précédente étude : Têtes de coléoptères à corne (à gauche) et cyclope du genre Onthophagus. Après avoir désactivé le gène otd1, le scarabée cyclope (à droite) a perdu sa corne, mais a gagné une paire de petits yeux composés au centre de la tête. (Eduardo Zattara)
Cette fois-ci, l’équipe a délibérément perturbé ce gène, pour fusionner cette paire supplémentaire en un seul œil. Ensuite, ils ont examiné la fonction du nouvel organe, en utilisant plusieurs tests pour confirmer qu’il avait les mêmes types de cellules, les mêmes gènes exprimés, les connexions nerveuses requises et qu’il se comportait comme un œil normal. Et, selon les chercheurs, tout cela s’est fait relativement facilement, juste un petit réglage d’un gène qui est commun à la plupart des organismes.
Selon Moczek :
Cette étude perturbe expérimentalement la fonction d’un seul gène majeur. Et, en réponse à cette perturbation, le reste du développement de la tête se réorganise pour produire un trait très complexe dans un nouvel endroit : un œil composé au milieu de la tête.
Bien que des coléoptères à trois yeux semblent plus être un phénomène de foire qu’une création scientifique utile, les chercheurs affirment que l’expérience nous permet de mieux comprendre comment les traits complexes peuvent évoluer et ainsi d’ouvrir des portes au développement d’organes artificiels pour la transplantation.
L’étude publiée dans : Development of functional ectopic compound eyes in scarabaeid beetles by knockdown of orthodenticle et présentée sur le site de l’université de l’Indiana : Indiana University biologists create beetle with functional extra eye.