Les anguilles exposées à de faibles niveaux de cocaïne dans leur eau deviennent hyperactives et souffrent de lésions musculaires. Ainsi, selon de nouvelles recherches, elles pourraient avoir des difficultés à terminer leur migration, un voyage de 6000 km pour s’accoupler et se reproduire.

Les anguilles européennes (Anguilla anguilla) ont des modes de vie complexes, passant de 15 à 20 ans en eau douce ou saumâtre dans les cours d’eau européens avant de traverser l’océan Atlantique pour frayer dans la mer des Sargasses, juste à l’est des Caraïbes et de la côte Est des États-Unis. Bien que les anguilles soient également élevées à des fins alimentaires, la population sauvage est considérée comme étant en danger critique par l’Union internationale pour la conservation de la nature en raison des barrages et autres changements de voies navigables qui bloquent leurs migrations, de la surpêche et des différents types de pollution de l’eau.

Les rivières et autres plans d’eau contiennent souvent de faibles niveaux de drogues illicites comme la cocaïne et des médicaments. Ces produits chimiques peuvent se retrouver dans l’eau potable et il est prouvé qu’ils affectent la faune.

Ainsi, au nom de la recherche, des scientifiques de l’université de Naples Federico II ont fait consommer de la cocaïne à des anguilles européennes en laboratoire pendant 50 jours consécutifs, dans le but de surveiller les effets de l’expérience sur ces poissons.

L’équipe a gardé 150 anguilles dans des réservoirs. Certains des réservoirs contenaient un faible niveau de cocaïne, seulement 20 nanogrammes par litre, tandis que le reste ne contenait que de l’eau du robinet. Les anguilles ont été gardées dans ces cuves pendant 50 jours.

Les anguilles exposées à la cocaïne étaient hyperactives, nageant sensiblement plus vite que les anguilles témoins.

Une fois l’expérience terminée, les anguilles ont été tuées et disséquées. Les chercheurs ont découvert que leurs muscles qui alimentent leur natation étaient abimés . Les muscles étaient enflés et certaines fibres musculaires étaient rompues. Ces dommages étaient encore présents si on avait laissé les anguilles se rétablir dans de l’eau exempte de cocaïne pendant 3 ou 10 jours.

Image tirée de l’étude, état des muscles avant et après l’absorption de cocaïne. (AnnaCapaldo et col./ Science of The Total Environment)

Selon les chercheurs, les anguilles sont vulnérables aux traces de cocaïne, en particulier au début de leur vie.

Ce qui est particulièrement inquiétant, c’est que la cocaïne fait grimper les niveaux de cortisol, une hormone du stress qui induit la consommation de graisse. Le problème est que les anguilles européennes doivent accumuler de la graisse avant leur migration vers la mer des Sargasses pour se reproduire, et des niveaux plus élevés de cortisol pourraient retarder ce voyage.

Selon Anna Capaldo, biologiste à l’université de Naples Federico II et auteur principal de l’étude :

Les données montrent une grande présence de drogues illicites et de leurs métabolites dans les eaux de surface du monde entier.

Elle ajoute que l’eau près des villes densément peuplées est encore pire, certaines recherches montrant des concentrations particulièrement élevées dans la Tamise près des Chambres du Parlement de Londres et dans la rivière italienne Amo, près de Pise, la fameuse tour penchée.

Elle précise que dans les cas où des drogues sont en cause, il faut peut-être une concentration beaucoup plus élevée pour tuer les organismes, mais même de faibles concentrations peuvent quand même avoir un effet, surtout en ce qui concerne les interactions prédateur-proie.

De plus, comme la cocaïne s’accumule dans la chair de l’anguille, les humains qui mangent de l’anguille consommeront de faibles quantités de cocaïne, mais probablement pas assez pour profiter d’un quelconque effet.

L’étude publiée dans Science of the Total Environment : Effects of environmental cocaine concentrations on the skeletal muscle of the European eel (Anguilla anguilla).