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La bouche du dragon de Komodo n’est pas un nid à bactéries mortelles

29 Juin 2013 | 5 commentaires

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Le dragon de Komodo, l’infâme Varanus komodoensis, cette espèce de gigantesque varans qui grandit jusqu’à 3 mètres de long et peut peser 70 kg a été craint pendant des siècles par bon nombre, avec de mythiques histoires concernant leur morsure mortelle faisant écho à travers les cultures locales.

Leur mauvaise réputation n’a pris de l’ampleur que lorsque ces redoutables prédateurs ont été découverts par les Européens au début du XXe siècle. Mais de toutes les horribles histoires racontées au sujet de ces dragons, aucune n’a été si persistante et envahissante que celle de leur morsure. La gueule de ces varans est censée être chargée de bactéries mortelles provenant des cadavres en décompositions dont ils se nourrissent, des microbes si virulents que la moindre morsure infecte mortellement la proie. L’histoire se poursuivant, les bactéries orales du Komodos se sont transformées en venin. C’est une façon vraiment fascinante de se nourrir pour un animal… mais en fait, le plus fascinant dans l’histoire, c’est ce n’est pas vrai du tout.

Les pauvres dragons ont été désignés comme des délinquants dentaires pendant la majeure partie du demi-siècle passé. Il semble que la sale rumeur a commencé avec les premiers biologistes de Komodo à la fin des années 1970 au début des années 1980. L’herpétologiste Walter Auffenberg a passé une année entière sur l’île de Komodo, à observer et marquer les lézards pour se renseigner sur leur écologie. Dans son livre sur le sujet, il a noté que les dragons abordent sans crainte les animaux comme les buffles d’eau qui peuvent faire dix fois leur taille. Il a également remarqué que, souvent, ils ne parviennent pas à tuer ces énormes proies quand ils les attaquent. Mais cela ne veut pas dire que les dragons avaient faim; dans les jours suivant cette première bouchée, beaucoup de buffle mordu ont succombé soit à une septicémie, en mourant d’une infection bactérienne ou tellement affaiblie par ce qu’ils n’étaient pas de taille face aux grands lézards. Cela a conduit Auffenberg à l’idée que l’infection de la plaie par les bactéries amenée par la morsure du dragon de Komodo pouvait être un mécanisme d’affaiblissement et de mortalité des proies. D’autres recherches semblaient favorables à cette hypothèse, car les bactéries pathogènes ont été isolées à partir de la salive des varans de Komodo.

Mais l’idée que leur bouche est une fosse regorgeant de bactéries virulentes n’a jamais satisfait Bryan Fry.

Selon Fry, chercheur et professeur agrégé à l’Université du Queensland (Australie), qui a travaillé avec toutes sortes d’animaux, des araignées aux serpents, les dragons de Komodo ne sont pas plus sales que les autres espèces :

Ce sont en fait des animaux très propres. Après s’être nourri, ils vont passer 10 à 15 minutes a se lécher les babines et à se frotter la tête dans les feuilles pour se nettoyer la bouche … Contrairement à ce que nous avons été amené à croire, ils n’ont pas des morceaux de chair en décomposition entretenant des bactéries de leurs précédent repas entre leurs dents.

Les dragons de Komodos, comme d’autres varans, sont de proches parents des serpents. En 2005, Fry et ses collègues ont publié un article démontrant que toutes les espèces de ce clade de reptiles partagent les mêmes gènes du venin, suggérant que l’ancêtre de tous les varans et des serpents était venimeux. Pourtant, beaucoup étaient réticents à renoncer à l’ancienne théorie de la morsure bactérienne du varan de Komodo. Même en 2009, lorsque Fry et son équipe ont capturé des images des glandes à venin du dragon de Komodo à l’aide d’images par IRM et qu’ils ont montré que les toxines qu’elles produisent peuvent provoquer une chute importante de la pression artérielle, d’autres ont désigné ses conclusions « dénuées de sens, hors de propos, incorrectes ou faussement trompeuses. »

Image tirée de l’étude de Bryan Fry, publiée en 2009, révélant les glandes à venin du dragon de Komodo : “A central role for venom in predation by Varanus…

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Ce mois-ci, la sale histoire de la morsure du dragon est finalement enterrée, Bryan Fry enfonçant le dernier clou dans le cercueil de ce mythe. Dans un nouveau document (lien plus bas), Fry et ses collègues montrent que les bactéries présentes dans la bouche du dragon de Komodo sont étonnamment ordinaires, semblables à ce que les scientifiques trouvent chez n’importe quel carnivore. Plus important encore, la flore buccale ne possède pas le pouvoir pathogène nécessaire pour tuer.

Quant à la recherche précédente qui a trouvé des bactéries virulentes, les auteurs notent que ces espèces ont été identifiées « sans l’avantage des méthodes moléculaires. » Sur les 54 que la recherche précédente a prétendu être “potentiellement pathogènes, » 33 sont en fait des microbes communs et « peu probables d’être à l’origine d’une rapide infection mortelle lorsqu’ils sont présent dans une plaie”. L’espèce présentée comme la cause probable de la septicémie, dans le document original, n’a pas été trouvée dans l’un des dragons cette fois-ci et, notent les auteurs, n’a été trouvée que dans 5% des dragons étudiés en premier lieu. Pris dans leur ensemble, les données indiquent que l’hypothèse de la morsure bactérienne ne tient pas la route. La communauté bactérienne, dans la salive du dragon, n’est que le reflet de la flore de la peau et de l’intestin de leurs derniers repas ainsi que la flore de l’environnement.

En ce qui concerne les buffles d’eau qui meurent quelques jours après avoir été mordus, l’explication, pour Fry, était juste sous notre nez.

Quand les dragons de Komodo attaquent des porcs ou des cerfs, ils les tuent rapidement. Les trois quarts de ces petites proies se vident de leur sang en moins de 30 minutes par la blessure infligée par les dents du dragon et les toxines du venin anticoagulant. 15 % meurent en quelques heures, susceptibles de succomber à une faiblesse musculaire et à une pression artérielle basse causée par d’autres composants du venin. Les buffles d’eau, d’autre part, s’en tirent généralement avec des blessures profondes, mais non mortelles au niveau des pattes.
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La raison pour laquelle les buffles s’en tirent, est que les dragons ne sont pas naturellement équipés pour abattre ces grandes bêtes. Relativement nouveaux sur l’île de Komodo, les buffles d’eau ne faisaient pas, initialement, partie de l’alimentation des dragons. Les lézards attaquaient autrefois des proies beaucoup plus petites. Les porcs et les cerfs ne sont pas non plus des éléments du menu originale, mais comme l’explique Fry, « les cochons et les cerfs sont de la taille de leurs proies naturelles”, ce qui explique pourquoi les dragons les tuent si bien. Le buffle est considérablement plus grand que ce que les dragons sont habitués à tuer. Il n’a pas eu le temps de s’adapter à abattre de si grandes proies dans un si court laps de temps en contact.

Le buffle d’eau tire son nom de son affinité pour… l’eau. En cas de blessure ou de peur, ils s’enfuient vers la relative sécurité des profondeurs. Ces buffles ne sont pas originaires des îles indonésiennes, où les grands marais d’eau douce sont monnaie courante. Mais, sur l’île des dragons, les réserves d’eau potable sont en nombre insuffisant. Le buffle se vautre dans l’eau chaude, stagnante, remplie de leurs propres excréments. Ces trous remplis d’eaux usées, selon Fry, sont le refuge de bactéries pathogènes.

C’est lorsque le buffle d’eau se réfugiera dans l’eau toxique avec des plaies béantes qu’il sera infecté. C’est aussi simple que cela.

Quant à la précédente recherche, qui a trouvé les mauvaises bactéries dans la salive du dragon, Fry a une réponse tout aussi simple : les quelques dragons qui avaient ces espèces dans leurs bouches avaient récemment bu la même eau dégoutante.

Les dragons de Komodo avec leur taille d’homme, leurs grandes dents crènelées et une venimeuse morsure ont certainement de quoi soutenir moult légendes, mais leur morsure septique n’est rien de plus qu’un mythe.

La vérité, bien sûr, est une maigre consolation pour tous ceux qui envisagent de visiter les iles que parcourent les dragons. Ne vous inquiétez pas, vous ne succomberez pas d’une septicémie par la morsure de ce dragon, il ne fera juste que vous lacerer votre chaire en lambeaux avec ces dents tranchantes et son venin hémorragique.

L’étude publiée sur Journal of Zoo and Wildlife Medicine  : Anaerobic and aerobic bacteriology of the saliva and gingiva from 16 captive Komodo dragons (VARANUS KOMODOENSIS) : new implications for the “baxteria as venom » model et l’annonce sur le site de l’Université du Queensland : Fear of Komodo dragon bacteria wrapped in myth.

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