Comment les anciens humains de l’île de pâque ont-ils placé les grands et lourds chapeaux des statues Moaï ?
Il est facile de regarder les pyramides ou les statues géantes en pierre (Moaï) de l’île de Pâques et de se demander comment les anciennes civilisations les ont construites et placées. Mais alors que les adeptes de la théorie du complot sont prompts à créditer d’hypothétiques extraterrestres, cela ne rend pas vraiment justice à l’ingéniosité des anciens humains. Cette semaine, des anthropologues ont présenté une nouvelle théorie sur la façon dont les Rapa Nui ont réussi leur impressionnant “coup du chapeau”.
Image d’entête : Plate-forme de statue restaurée avec les moaï debout sur la côte sud de Rapa Nui. Entourée de rouge, un des moaï orné d’un pukao (chapeau).
Près de 900 imposants moai parsèment l’île incroyablement isolée de Rapa Nui, mieux connue dans le monde entier sous le nom d’île de Pâques. Sculptées il y a 300 à 900 ans, ces statues géantes en pierre peuvent atteindre 10 m de haut et peser jusqu’à 81 tonnes, ce qui en fait des merveilles d’ingénierie pour l’époque.
Pour couronner le tout (…), certains moaï portent des chapeaux connus sous le nom de pukao. Mais ces chapeaux ne font pas seulement partie de la statue, ce sont des pièces à part faites d’un type de roche différent. Les moaï sont pour la plupart sculptés dans du tuf volcanique, tandis que les pukao sont faits de scories rouges, que l’on trouve dans une autre carrière à environ 12 km de celle où le tuf volcanique a été obtenu.
(Sean Hixon/ Penn State)
On ne sait pas comment les Rapa Nui ont transporté les chapeaux à travers l’île, avant de les élever, étant donné qu’ils peuvent peser jusqu’à 13 tonnes chacun, jusqu’au sommet des statues. Les chercheurs de l’université d’État de Pennsylvanie (Penn State)ont cherché à déterminer la méthode la plus probable, en se basant sur la forme et les caractéristiques des chapeaux et des statues.
Selon Sean Hixon, coauteur de l’étude :
Nous voulions trouver la méthode de transport et de placement des chapeaux qui correspondait le mieux au relevé archéologique. Nous avons supposé qu’ils ont tous été transportés et placés de la même manière. Nous avons donc cherché des caractéristiques identiques sur tous les chapeaux et toutes les statues.
En utilisant des techniques de photographie topographique et d’imagerie 3D, l’équipe a constaté que tous les chapeaux avaient des entailles à leur base qui étaient conçues pour s’ajuster parfaitement au-dessus de la tête du moai comme de gigantesques pièces de Lego. Mais il n’y avait aucun signe d’endommagement de la pierre molle le long des bords de ces entailles, ce qui indique qu’elles n’avaient pas été déplacées.
Les chercheurs Carl Lipo (à gauche) et Terry Hunt (à droite) examinent un pukao sur la côte sud de Rapa Nui. (Sean Hixon/ Penn State)
Il a déjà été suggéré que les chapeaux ont été mis en contact avec les têtes avant que les statues ne soient érigées, mais il y a de nombreuses preuves du contraire. En raison de leur taille, lorsqu’une statue basculait pendant le transport, les Rapa Nui avaient tendance à la laisser là où elle était tombée, et il n’y a pas de pukao ou de traces de scories rouges autour de ces moai tombés.
Cependant, il y a des traces de scories, sont autour des bases des statues debout avec pukao, ce qui indique que d’autres travaux de sculpture ont été effectués près du site. Les chercheurs pensent que les Rapa Nui ont roulé des blocs cylindriques de roches jusqu’au pied du moai, puis ils ont sculpté les chapeaux et les ont élevés. Ceci est renforcé par l’observation de plus grands blocs de scories rouges autour de l’île, suggérant l’abandon du pukao.
Selon Carl Lipo, coauteur de l’étude :
La meilleure explication pour le transport du pukao de la carrière est de rouler la matière première jusqu’à l’emplacement du moai. Une fois au moai, les pukao étaient enroulés sur de grandes rampes jusqu’au sommet d’une statue debout en utilisant une technique de parbuckling.
Le parbuckling, expliquent les chercheurs, est une ancienne méthode pour déplacer des objets sur des rampes. Si les Rapa Nui avaient utilisé cette technique, ils auraient construit une rampe en bois du sol jusqu’au sommet de la tête du moai. Le milieu d’une longue corde est attaché à l’extrémité supérieure de la rampe, de sorte que les deux extrémités courent sur toute la longueur et atteignent le fond. Les extrémités de la corde passent sous le pukao et reviennent sur le dessus, où des groupes de personnes peuvent ensuite la tirer vers le haut de la rampe.
Diagramme du scénario de mise en place du pukao qui s’appuie sur l’analyse de sa forme et de la physique associée à son transport. (Sean Hixon /Penn State)
Cela facilite grandement la tâche et la rend plus sûre, puisqu’il y a moins de risques d’écrasement en poussant la rampe par-derrière. Bien que cela semble représenter beaucoup de travail, les chercheurs estiment qu’il faudrait moins de 15 personnes pour mettre le pukao en place.
Une fois à la bonne hauteur, les cylindres ont été sculptés en forme de chapeau, tournés de 90 degrés et inclinés sur la tête à l’aide de leviers en bois.
Selon Lipo :
C’est la première fois que quelqu’un explore méthodiquement les preuves de la façon dont les chapeaux géants ont été placés sur le sommet de la tête des statues massives de l’île de Pâques. Notre travail combine la modélisation 3D de pointe avec l’analyse des artefacts et des modèles tirés de la physique pour arriver à la meilleure réponse.
L’étude publiée The Journal of Archaeological Science : The colossal hats (pukao) of monumental statues on Rapa Nui (Easter Island, Chile): Analyses of pukao variability, transport, and emplacement et présentée sur le site de l’université Penn State : Hats on for Easter Island statues.