La découverte de traces de composées organiques sur Mars suggére que les conditions de base pour que la vie s’y forme étaient présentes
Depuis des années, l’astromobile Curiosity de la NASA recueille avec patience des échantillons à la surface de Mars, dans le cratère Gale estimé avoir hébergé un lac il y a des éons de cela. Cette semaine, à travers deux études, des scientifiques annoncent qu’ils ont découvert des preuves concluantes de la présence de plusieurs composés organiques sur la planète rouge.
De plus, après avoir surveillé de près les niveaux de méthane dans l’atmosphère martienne, les scientifiques ont finalement confirmé qu’il se passe quelque chose d’étrange, et ils pensent savoir ce qui en est la cause.
Selon Inge Loes ten Kate, géoscientifique à l’université d’Utrecht (Pays-Bas) :
Ces deux découvertes sont des percées en astrobiologie.
Les résultats montrent de manière convaincante la détection tant attendue de composés organiques sur Mars.
Une série de résultats géologiques récemment fournis par la foreuse du Curiosity permet de mieux comprendre la chimie organique de la mudstone, une roche composée d’argile et de boue vieille de 300 millions d’années, dans deux parties distinctes du cratère Gale.
Les échantillons contenaient du thiophène, du 2- et 3-méthylthiophènes, du méthanethiol et du sulfure de diméthyle. Ces composés chimiques ne signifient peut-être pas grand-chose pour la plupart d’entre nous, mais pour les aréologistes (les géologues martiens), c’est une indication que la chimie organique de la mudstone martienne est extrêmement similaire à la nôtre.
Ce qui est très intéressant, c’est que la méthode utilisée pour détecter ces composés chimiques indique qu’il ne s’agit pas de composé trouvé aléatoirement dans la roche, mais de petits morceaux de composé organique qui ont été arrachés de matériaux encore plus gros et plus complexe.
L’autre série de résultats annoncés aujourd’hui concerne le cas du mystérieux méthane de Mars. Des pics de méthane (CH4) ont été détectés pour la première fois dans l’atmosphère de la planète rouge il y a plusieurs années, ce qui a suscité un intense débat sur la source possible de l’hydrocarbure.
Les données de l’astromobile Curiosity et de la sonde Trace Gas Orbiter (TGO) au-dessus de la planète l’ont repéré dans des bouffées, ce qui suggère qu’un processus dynamique est en train de le produire en partie par milliard.
Le dernier selfie du Curiosity. (NASA/ JPL-Caltech/ MSSS)
Il faudrait plusieurs centaines d’années pour que le méthane se décompose en présence de lumière ultraviolette, mais ce n’est pas ce qui s’est passé sur Mars. L’augmentation du méthane semble s’estomper aussi rapidement qu’il apparaît, ce qui indique qu’il n’y a pas seulement une source variable, mais aussi un puits de méthane.
Une nouvelle analyse des données recueillies par le Curiosity a confirmé un modèle, sur le long terme, de variations hautes et basses du méthane, variant entre 0,24 et 0,65 partie par milliard. La nouvelle la plus excitante est que ces changements correspondent parfaitement aux saisons martiennes, atteignant un maximum à la fin de l’été dans l’hémisphère nord.
Ici sur Terre, 95 % de toutes les molécules de méthane sont le produit de la chimie vivante, produites par des organismes méthanogènes. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de sources non biologiques, mais dans notre monde, elles sont submergées par les pets de vache et les éructations des bactéries, entre autres.
Mais aussi tentant qu’il soit de suggérer que les microbes martiens en sont la source, il y a d’abord beaucoup d’autres candidats à écarter.
Cela inclut une sorte de réaction chimique basée sur une roche appelée olivine, des météorites larguant des matières organiques dans l’atmosphère, ou un rejet de méthane d’un réservoir souterrain près de la surface. Cette dernière hypothèse pourrait expliquer l’augmentation du méthane, mais il faudra savoir pourquoi il disparait et réapparait aussi rapidement.
Cette image présente les différentes sources possibles de ce méthane qui pourrait être ajouté à l’atmosphère martienne et éliminé de celle-ci, ce qui implique deux types d’activité distincte. (NASA / JPL-Caltech / SAM-GSFC / Univ. du Michigan)
La sonde MAVEN (Mars Atmosphere and Volatile Evolution Mission) de la NASA a effectivement exclu les origines cosmiques à la suite de son analyse de la poussière laissée après une rencontre avec la comète Siding Spring en 2014.
Une épaisse couche d’olivine pourrait être un facteur potentiel, laissant échapper un flux constant de méthane qui réagit avec l’eau et le dioxyde de carbone dans un processus appelé serpentinisation. La synchronisation des bouffées de méthane donne un indice important. Comme ces pics saisonniers apparaissent pendant l’été dans l’hémisphère nord martien, la source doit être affectée par les températures du soleil. Une structure d’eau cristalline appelée clathrate pourrait fournir une bonne explication. Ces clathrates emprisonnent le méthane à l’intérieur d’une structure cristalline d’eau-glace et sont incroyablement stables pendant des millions d’années jusqu’à ce que les conditions environnementales changent et qu’ils puissent soudainement libérer ce gaz.
Cette illustration montre comment le méthane dans le sous-sol de Mars pourrait remonter à la surface, où son absorption et sa libération pourraient produire une grande variation saisonnière dans l’atmosphère, comme le montre le Curiosity Mars rover de la NASA. (NASA/ JPL-Caltech)
De précédentes recherches ont suggéré que les températures requises pourraient être trouvées aux pôles pendant leurs saisons hivernales respectives. L’inclusion de dioxyde de carbone dans le mélange pourrait réduire les pressions nécessaires à la formation de ces réseaux, ce qui permettrait aux clathrates de méthane de se former à quelques mètres sous la surface. Cela n’explique peut-être pas l’origine des molécules de méthane elles-mêmes, mais la participation des clathrates expliquerait, en grande partie, les variations annuelles de la concentration de méthane.
Alors que l’hiver approche, les gaz sont de nouveau piégés dans la glace, ce qui explique au moins en partie la disparition du méthane.
Mais tout cela n’explique pas comment est produit le méthane. La serpentine est toujours en liste, tout comme les traces infimes livrées par les astéroïdes et d’autres processus chimiques et une certaine forme de biologie ne peuvent pas être exclues, bien sûr.
À ce stade, il n’y a tout simplement aucun moyen de savoir si les molécules organiques et ce méthane indiquent une vie potentielle sur Mars.
Les futurs tests sur les isotopes du carbone dans le méthane pourraient éclaircir le sujet, mais pour l’instant, nous ne pouvons que spéculer, bien que les nouveaux résultats constituent un pas de géant vers la découverte d’encore plus de choses.
Selon Michael Meyer, responsable scientifique du Mars Exploration Program de la NASA :
Y a-t-il des signes de vie sur Mars ? Nous ne savons pas, mais ces résultats nous disent que nous sommes sur la bonne voie.
Quoi qu’il en soit, tout ce que nous pouvons comprendre de la chimie de Mars, ajoute de précieux détails à notre compréhension de la vie dans le cosmos.
Les deux études publiées dans Science :
et présentée sur le site de la NASA : NASA Finds Ancient Organic Material, Mysterious Methane on Mars.