Découverte de preuves pour la présence d’un lac caché sous la calotte glacée du pôle Sud martien
Des scientifiques qui utilisent un radar à pénétration de sol à partir d’un satellite en orbite autour de Mars ont découvert ce qui semble être un lac de 20 kilomètres de large sous l’une des calottes glaciaires de la planète rouge.
La découverte a été faite à l’aide d’un instrument de la sonde Mars Express de l’Agence spatiale européenne, le Mars Advanced Radar for Subsurface and Ionosphere Sounding (MARSIS) qui a trouvé une forte réflectivité radar sous 1 500 mètres de glace du pôle Sud martien.
Image d’entête : le pôle Sud martien obtenu par la sonde Mars Express en décembre 2012, à peu près au moment où elle a commencé à recueillir les profils radar du plan d’eau. (ESA/ Mars Express)
Représentation artistique de la sonde Mars Express scannant le relief martien à l’aide d’un radar. (ESA/ INAF/ David Coero Borgia)
Représentation artistique de la sonde Mars Express. L’arrière-plan est basé sur une image réelle de Mars prise par la caméra stéréoscopique à haute résolution de l’engin spatial. (ESA/ ATG medialab/ DLR/FU Berlin)
Ci-dessous, pour les deux premières images en partant de la gauche, une parcelle du Planum Australe sur le pôle Sud martien et l’écho radar obtenu par la sonde Mars Express, les données de la zone d’étude étant superposées à la surface de la planète. L’image tout à droite montre un exemple de profil radar obtenu lors de l’une des 29 orbites au-dessus de la région d’étude de 200 x 200 km. L’élément horizontal brillant au sommet correspond à la surface glacée de Mars. Les couches des dépôts stratifiés du pôle Sud, des couches de glace et de poussière, sont observées jusqu’à une profondeur d’environ 1,5 km. (USGS Astrogeology Science Center/ Université d’État d’Arizona/ ESA/ INAF/ Davide Coero Borga, Media INAF)
Selon Roberto Orosei, un scientifique planétaire à l’Institut national d’astrophysique de Bologne, en Italie :
Normalement, l’écho d’une si grande profondeur devrait être faible. Mais étonnamment, dans cette zone, il était plus fort que l’écho de la surface. La source la plus probable d’une telle réflexion souterraine forte, est une couche d’eau liquide, c’est-à-dire un lac. Sur Terre, ce serait presque un acquis.
Sur Mars, cependant, ce n’est pas si évident.
Le problème est que les hivers polaires sur Mars sont si froids que le dioxyde de carbone gèle dans l’air et se transforme en une couche de glace sèche, un phénomène qui ne se produit même pas dans les régions les plus froides de l’Antarctique. Comme cette glace est très transparente pour le radar, un dépôt de cette glace pourrait permettre à une plus grande partie du signal radar de pénétrer, plutôt que de se refléter sur le dessus. Une plus grande partie de l’impulsion radar atteindrait donc le fond, produisant une réflexion qui pourrait imiter celle d’un lac.
Cependant, grâce à une modélisation minutieuse, l’équipe d’Orosei a pu exclure cette possibilité (ainsi que plusieurs autres), en arrivant à la conclusion qu’ils avaient trouvé un lac.
C’est une découverte importante, selon Anja Diez, glaciologue à l’Institut polaire norvégien de Tromsø, en Norvège. Auparavant, les scientifiques avaient vu des stries sombres et énigmatiques sur des parties de Mars réchauffées par le soleil, où le sol pourrait être humidifié par de minuscules ruisseaux d’eau provenant de la fonte des glaces…
De l’eau salée coule actuellement sur des pentes martiennes et renforce l’idée d’une vie microbienne
…bien qu’il ne soit pas certain que ces stries sombres aient quoi que ce soit à voir avec de l’eau.
Selon M. Diez :
C’est la première fois qu’un plan d’eau stable a été trouvé sur Mars. Les données radar ont été recueillies pendant 3 ans, et pendant toutes ces années, il y a cette zone de hautes réflexions, indiquant l’eau.
La profondeur du lac ne peut être déterminée à partir du signal radar, idem pour la composition de l’eau, ainsi que la quantité de sédiments qu’elle contient. Mais, pour M. Diez, elle est probablement très saumâtre, car la température sous la calotte glaciaire martienne oscille autour des -68°C, trop froide pour que l’eau douce reste liquide, même sous une pression de 1,5 kilomètre de glace.
La sonde ExoMars Trace Gas Orbiter a capturé cette vue d’une partie de la calotte polaire sud sur Mars le 13 mai 2018. (ESA/ Roscosmos/ CaSSIS)
Cependant, l’existence d’une eau peu profonde ou profonde sous la calotte glaciaire martienne est importante pour les glaciologues qui tentent de reconstituer les changements du climat martien. Généralement, cela se fait en étudiant les couches de la calotte polaire, des couches qui sont elles-mêmes visibles dans d’autres études radar.
L’eau sous la glace influence l’écoulement de celle-ci et doit donc être prise en compte.
Jeffrey Plaut, géologue au Jet Propulsion Laboratory de la NASA, à Pasadena, Californie, convient qu’il s’agit d’une découverte importante et » robuste « . Mais selon lui “…ce n’est pas tout à fait un slam dunk (preuves irréfutables). J’aimerais voir plus de preuves. »
Une façon d’y parvenir serait de découvrir d’autres lacs, ce qu’Orosei souhaiterait aussi parce que cela suggérerait que des lacs sous-glaciaires ont pu exister tout au long de l’histoire de Mars. S’il y a déjà eu de la vie dans le passé chaud et humide de la planète rouge, dit-il, ces lacs pourraient avoir fourni des refuges pour qu’elle puisse continuer à exister, jusqu’à aujourd’hui.
Cependant, fouiller la calotte glaciaire pour trouver d’autres lacs de ce genre est un processus qui prend beaucoup de temps et qui exige d’utiliser le radar de la sonde Mars Express d’une manière différente de la façon dont il a été conçu. Cela limite sa capacité, précise Orosei, nous avons donc une couverture très limitée, de l’ordre de quelques pour cent.
Pire encore, Mars Express est une sonde vieillissante qui est en orbite depuis près de 15 ans.
Nous ne nous attendons pas à ce qu’elle dure plus de quelques années de plus.
Les chercheurs ont tous deux présenté leurs conclusions dans la revue Science. Pour Orosei : Radar evidence of subglacial liquid water on Mars et pour Diez : Liquid water on Mars et leurs découvertes présentées sur le site de l’Agence spatiale européenne : Mars Express detects liquid water hidden under planets south pole.