Une très grosse planète en orbite autour d’une minuscule étoile remet en question la théorie sur la formation des planètes
Des astronomes qui étudient des étoiles voisines ont découvert une planète géante semblable à Jupiter entourant une minuscule étoile naine rouge à 31 années-lumière de distance, une liaison inhabituelle qui étend nos connaissances sur les frontières de la formation de la planète.
Image d’entête : une planète ressemblant à Jupiter, de couleur bleuâtre, orbitant autour d’une étoile naine rouge.(CARMENES/ RenderArea/ J. Bollaín/ C. Gallego)
L’exoplanète, appelée GJ 5312 b, est environ deux fois moins massive que Jupiter (et 150 fois plus massive que la Terre), tandis que son étoile, GJ 5312, fait un peu plus d’un dixième de la masse du Soleil.
De plus, l’astronome espagnol Juan Carlos Morales et ses collègues écrivent dans leur étude que la forme de l’orbite de GJ 5312 b indique que son système solaire pourrait contenir une autre planète géante de taille comparable, provisoirement désignée comme GJ 5312 c.
Représentation artistique des orbites des planètes autour de GJ 3512. La planète géante dont il est question dans le document présenté ici est représentée dans l’orbite intérieure, tandis que la planète extérieure correspond à un signal de longue période que l’on trouve également dans les données mais pour laquel une confirmation est encore nécessaire. (Guillem Anglada-Escude – IEEC/ Science Wave, SpaceEngine.org)
Pour Greg Laughlin, astronome à l’université Yale (Etats-Unis), dans un commentaire sur l’article de Morales, c’est une découverte intéressante, car en général, les étoiles reçoivent 99,99 % de la masse de leur système solaire, et seulement 0,01 % des restes sont récupérés par leur planète. Ici, c’est plutôt une partie sur 300, précise-t-il.
De plus, les planètes géantes entourant de petites étoiles sont rares.
Selon Laughlin :
Ce n’est pas la première exception, mais c’est le type de planète que l’on s’attendrait normalement à trouver autour d’étoiles de type solaire.
Selon Morales et ses collègues, un tel appariement est difficile à expliquer par les modèles standard de formation planétaire, selon lesquels les planètes géantes gazeuses accrètent un noyau solide, puis balayent le gaz du disque protoplanétaire de leurs étoiles, un processus qui ne semble pas bien fonctionner sur celles entourant des étoiles aussi petites que GJ 5312.
Par contre, selon l’équipe de Morales, un autre processus a dû être à l’œuvre, impliquant peut-être des « instabilités discales » dans lesquelles des planètes comme GJ 5312 b pourraient se former dans des parties isolées d’un disque froid relativement massif, où elles peuvent grossir sans interaction avec d’autres éléments du disque, et atteindre ainsi de plus grandes tailles sans subir de perturbations.
Selon Laughlin dans son commentaire :
Ce n’est pas ainsi que Jupiter s’est formé, mais c’est un mécanisme séduisant pour la formation du GJ 5312 b et son éventuelle compagne.
Mais ce n’est pas là, ajoute-t-il, l’aspect le plus important de la nouvelle découverte.
GJ 5312 b a été découverte en utilisant l’analyse spectroscopique pour étudier de minuscules changements dans le mouvement de son étoile, changements qui apparaissent lorsque GJ 5312 b termine lentement son orbite de 204 jours et tire son étoile dans une direction, puis dans l’autre. Ces changements de mouvement provoquent un léger décalage du spectre de l’étoile, tout comme le sifflement d’un train change de tonalité lorsqu’il approche, puis passe, dans un phénomène connu sous le nom d’effet Doppler.
C’est une méthode éprouvée de recherche d’exoplanètes, mais elle est tombée en désuétude lorsque le télescope spatial Kepler de la NASA a commencé à découvrir un grand nombre d’exoplanètes par une méthode différente, qui consistait à observer les changements dans la lumière de lointaines étoiles alors que les ombres de leurs planètes se croisent entre nous et eux (méthode du transit).
Cette étude, selon Laughlin, montre comment, avec le développement d’une nouvelle génération d’instruments, la méthode Doppler est prête à connaître une résurgence, avec la nouvelle découverte de Morales « à l’avant-garde d’une nouvelle vague ».
Il ne faut pas s’attendre à ce que la planète nouvellement découverte occupe une place importante dans la recherche d’une vie extraterrestre. Non seulement c’est une géante gazeuse inhabitable, mais il est peu probable qu’elle ait des lunes habitables, car elle est tout simplement trop éloignée de son soleil.
Selon Laughlin :
Cette planète ne reçoit pas beaucoup d’énergie de son étoile, non pas parce qu’elle est loin (la plus grande partie de son orbite est plus proche de son soleil que la planète Mercure de notre Soleil), mais parce que sa production est si faible que les températures sur cette planète seront très faibles.
L’étude publiée dans Science : A giant exoplanet orbiting a very-low-mass star challenges planet formation models, le commentaire de Greg Laughlin : The world that came in from the cold et présentée sur le site de : CARMENES: Giant exoplanet around a small star challenges our understanding of how planets form.