Une galaxie n’hébergeant non pas un, ni deux, mais trois trous noirs supermassifs
Presque toutes les galaxies connues, y compris notre propre Voie lactée, ont un seul trou noir supermassif qui tourbillonne en leur centre. À l’occasion, les astronomes repèrent une paire de trous noir ensemble, signe que deux galaxies se fondent en une seule.
Mais désormais, une équipe de recherche internationale a découvert la première galaxie connue contenant trois trous noirs et cela pourrait expliquer pourquoi certaines deviennent si grandes, si rapidement.
NGC 6240 est une énigme pour les astronomes. Pendant longtemps, les astronomes ont cru que la galaxie était le résultat d’une fusion entre deux galaxies, et cette fusion est évidente dans la forme de la galaxie : Elle présente une apparence instable, avec deux noyaux, des extensions et des boucles. (P Weilbacher/ NASA/ ESA/ the Hubble Heritage/ A Evans)
Image d’entête : la galaxie irrégulière NGC 6240. De nouvelles observations montrent qu’elle n’abrite pas deux mais trois trous noirs supermassifs en son centre. Le trou noir du nord (N) est actif et était connu auparavant. La nouvelle image agrandie à haute résolution spatiale montre que la composante sud est constituée de deux trous noirs supermassifs (S1 et S2). La couleur verte indique la distribution du gaz ionisé par le rayonnement entourant les trous noirs. Les lignes rouges montrent les contours de la lumière des étoiles de la galaxie et la longueur de la barre blanche correspond à 1000 années-lumière.
NGC 6240 est à environ 400 millions d’années-lumière, dans la constellation d’Ophiuchus. Même si elle a été étudiée en profondeur, c’est un endroit très poussiéreux, et certains détails sont obscurcis. Mais une nouvelle étude utilisant le très grand télescope (VLT) de l’European Southern Observatory (ESO) et le spectrographe 3D MUSE avancé, a ouvert une nouvelle vue sur NGC 6240 pour révéler une grande surprise.
La galaxie est le résultat non pas de la fusion de deux galaxies, mais de trois. Et par conséquent, il n’y a pas deux trous noirs supermassifs, mais trois.
Le spectrographe MUSE est un spectrographe à lumière visible avec un large champ de vision et une excellente résolution spatiale, grâce à une optique adaptative. C’est ce qu’on appelle un spectrographe panoramique à champ intégral/ grand champ. Il a vu le jour en 2014 et il est conçu pour l’étude d’une grande variété d’objets, y compris les trous noirs supermassifs des galaxies voisines. Les astronomes ont utilisé le pouvoir de MUSE pour scruter NGC 6240 avec plus de précision que jamais auparavant, révélant les trois trous noirs supermassifs.
Une équipe internationale de scientifiques a produit cette nouvelle recherche, dirigée par des scientifiques de Gottingen et de Potsdam.
Selon le professeur Wolfram Kollatschny de l’Université de Göttingen, auteur principal de l’étude :
Grâce à nos observations à très haute résolution spatiale, nous avons pu montrer que le système galactique en interaction NGC 6240 n’héberge pas deux, comme on l’avait supposé précédemment, mais trois trous noirs supermassifs en son centre.
Et selon le Dr Peter Weilbacher de l’Institut Leibniz d’astrophysique de Potsdam :
Jusqu’à présent, une telle concentration de trois trous noirs supermassifs n’avait jamais été découverte dans l’univers. La présente enquête montre la fusion simultanée de trois galaxies et de leurs trous noirs centraux.
Cette étude pourrait faire partie d’un chaînon manquant dans notre compréhension de la formation des galaxies. Les plus grandes et les plus massives galaxies de l’univers ont leur part de mystère. Notre connaissance sur la façon dont elles se forment ne peut pas expliquer les plus grandes d’entre elles. Il n’y a pas eu assez de temps dans les 14 milliards d’années (environ) de l’univers pour que les galaxies les plus massives se forment, même en tenant compte de la fusion de deux galaxies.
Mais si trois galaxies peuvent fusionner simultanément, comme l’a fait NGC 6240, cela explique en grande partie l’existence d’énormes galaxies.
Selon Peter Weilbacher :
Si, cependant, des processus de fusion simultanée de plusieurs galaxies ont eu lieu, alors les plus grandes galaxies avec leurs trous noirs supermassifs centraux ont pu évoluer beaucoup plus rapidement. Nos observations fournissent la première indication de ce scénario.
Les capacités du spectrographe MUSE ont rendu cette découverte possible. Non seulement il est monté sur le VLT de 8 mètres avec une optique adaptative, ce qui lui confère une netteté similaire à celle du télescope spatial Hubble, mais il crée un spectre pour chaque pixel de l’image. Ce pouvoir lui a permis de percer à travers la poussière et de résoudre le trou noir en deux trous noirs distincts.
NGC 6240 est probablement proche de la fin de son processus de fusion, qui peut prendre plus d’un milliard d’années pour se terminer. Chacun des trous noirs supermassifs fait plus de 90 millions de masse solaire, et ils finiront par fusionner en un seul monstre. Lorsque cela se produira, dans un avenir lointain, cette fusion créera de puissantes ondes gravitationnelles.
L’étude publiée dans Astronomy and Astrophysics : NGC 6240: A triple nucleus system in the advanced or final state of merging et présentée sur le site de l’université de Göttingen : The simultaneous merging of giant galaxies.