Découverte dans une grotte bulgare des plus anciennes preuves de l’existence de l’humain moderne en Europe
Selon deux études publiées cette semaine (lien plus bas), des restes fossilisés récemment découverts offrent les premières preuves évidentes de la présence de l’Homo sapiens en Europe et suggèrent qu’ils ont eu une plus grande influence sur les Néandertaliens qu’on ne le pensait auparavant.
Ils placent les humains aux latitudes moyennes de l’Eurasie il y a au moins 45 000 ans, soit trois millénaires avant les estimations précédentes et 8 000 ans avant que les populations de Néandertaliens en déclin ne rendent leur dernier souffle.
Le riche site, découvert dans la vaste grotte de Bacho Kiro dans la Bulgarie actuelle, comprend des milliers d’os d’animaux, des outils en forme de lames, des perles et des pendentifs faits de dents et d’os, ainsi que cinq restes de fossiles humains.
Image d’entête : objets en pierre du Paléolithique supérieur de la grotte Bacho Kiro. (Tsenka Tsanova/ MPI-EVA Leipzig)
Des ornements personnels façonnés à partir de dents d’ours des cavernes présentent une ressemblance frappante avec ceux fabriqués plus tard par les Néandertaliens, ce qui témoigne d’une transmission culturelle entre les deux groupes.
Selon Shara Bailey de l’Institut Max Planck, en Allemagne, coauteure de la première étude :
Cela confirme que l’Homo sapiens est le principal responsable de ces créations « modernes » et que les similitudes entre ces sites et d’autres dans lesquels les Néandertaliens ont fabriqué des objets similaires sont dues à l’interaction entre les populationse.
L’équipe, composée de scientifiques de toute l’Europe, des États-Unis et du Royaume-Uni, a concentré son analyse sur la transition du Paléolithique moyen au Paléolithique supérieur, il y a 50 000 à 30 000 ans.
Pendant cette période, les humains ont remplacé les Néandertaliens, mais le moment et la manière dont cela s’est produit restent un mystère, selon William Banks, de l’Université de Bordeaux, en France.
Cette situation est en grande partie due à l’érosion des vestiges archéologiques, mais le site bulgare contient des vestiges datables et une bonne préservation génétique, que les chercheurs multidisciplinaires ont étudiés à l’aide de technologies de pointe.
Fouilles de la couche I du Paléolithique supérieur dans la grotte de Bacho Kiro (Bulgarie). Quatre os d’Homo sapiens ont été retrouvés dans cette couche, ainsi qu’un riche assemblage d’outils en pierre, d’os d’animaux, d’outils en os et de pendentifs. (Tsenka Tsanova)
En revisitant les fouilles des grottes, l’équipe, dirigée par Jean-Jacques Hublin, a trouvé son trésor de fossiles dans une couche riche et sombre près de la base des dépôts. À l’exception d’une dent, les fossiles humains étaient trop fragmentés pour être identifiés par leur aspect physique, mais les séquences de protéines peuvent différencier les espèces grâce à des réseaux d’acides aminés légèrement différents.
L’ADN, bien préservé, a permis aux chercheurs de reconstituer la totalité des génomes mitochondriaux à partir des fragments de dents et d’os à l’aide d’un spectromètre de masse à accélérateur, qui a permis de rattacher tous les spécimens à l’homme moderne d’avant 45 000 ans. Les âges ont été confirmés grâce aux dernières et très précises techniques de datation au radiocarbone, analysées à l’aide de méthodes de modélisation bayésienne de l’âge, comme l’indique la deuxième étude dirigée par Helen Fewlass, également de l’Institut Max Planck. Les résultats s’alignent sur les plages de dates moléculaires analysées par Hublin et ses collègues, confirmant que l’H. sapiens est arrivé en Europe et qu’il a commencé à influencer les Néandertaliens il y a au moins 45 000 ans.
Ornements personnels et outils en os de la grotte Bacho Kiro (à gauche) et de la Grotte du Renne (France, à droite). Les objets de la grotte de Bacho Kiro sont attribués à l’Homo sapiens et datent d’environ 45 000 ans. Les artefacts de la Grotte du Renne sont attribués aux Neandertaliens et ne sont pas aussi anciens. (Rosen Spasov et Geoff Smith)
Les preuves ont montré qu’ils ont apporté du silex de haute qualité provenant de sources situées jusqu’à 180 km du site, qu’ils ont transformé en outils tels que des lames pointues pour la chasse aux animaux, qui ont été dépecés et utilisés comme matières premières.
Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour comprendre le processus d’arrivée des humains en Europe et l’impact culturel sur les Néandertaliens, ainsi que la manière dont cela a pu avoir un impact sur la disparition de cette espèce, note M. Banks qui ajoute :
Ces nouveaux résultats de Bacho Kiro nous fournissent une importante pièce du puzzle, mais il en reste encore beaucoup à mettre en place.
La première étude, dirigée par Jean-Jacques Hublin de l’Institut Max-Planck d’anthropologie évolutionnaire, publiée dans Nature : Initial Upper Palaeolithic Homo sapiens from Bacho Kiro Cave, Bulgaria et la seconde, dirigée par Helen Fewlass également de l’Institut Max-Planck d’anthropologie évolutionnaire, publiée dans Nature Ecology & evolution : A 14C chronology for the Middle to Upper Palaeolithic transition at Bacho Kiro Cave, Bulgaria.
Présentées sur le site de l’Institut Max-Planck d’anthropologie évolutionnaire : The oldest Upper Paleolithic Homo sapiens in Europe et sur le site de l’Université de New York : Whose Tools are These? New Research Determines Our Species Created Earliest Modern Artifacts in Europe.