Ce hamster africain ronge un arbre vénéneux pour recouvrir ses poils de poison
Le Hamster d’Imhause encore appelé Rat à crête, a le poil long et la queue touffue, ressemblant à un croisement entre une mouffette et un porc-épic. Cependant, il ne pulvérise pas de produits chimiques malodorants et sa fourrure n’est pas assez piquante pour percer la peau d’un prédateur affamé. Pour se protéger, ce rongeur entreprenant mange une plante toxique que les chasseurs locaux utilisent depuis des centaines d’années pour fabriquer des flèches empoisonnées. Le Hamster n’ingérera pas la plante, mais la crachera plutôt sur sa fourrure, s’enduisant de toxines qui formeront une armure chimique artificielle contre les hyènes, les chiens sauvages et tout autre prédateur assez téméraire pour s’attaquer au rongeur.
Selon une nouvelle étude publiée cette semaine, quelques milligrammes de la toxine trouvée sur la fourrure du hamster suffisent pour tuer un humain ou assommer un éléphant.
Il existe quelques mammifères venimeux, comme les ornithorynques mâles ou la musaraigne américaine du genre Blarina. Cependant, le Hamster d’Imhause (Lophiomys imhausi) est le seul mammifère qui tire sa défense chimique toxique d’une source extérieure. En effet, il extrait les toxines de l’Acokanthera schimperi, également connu sous le nom “d’arbre à flèches empoisonnées”.
Comme les chasseurs humains qui utilisent les sucs des feuilles de l’arbre pour fabriquer leurs flèches, le Hamster utilise l’environnement à son avantage, non seulement pour se nourrir et s’abriter, mais aussi pour se protéger. Les hamsters mâchent l’écorce de l’arbre et appliquent ensuite la substance toxique sur leur fourrure en léchant les poils spécialisés que les animaux exhibent lorsqu’ils sont menacés.
Image au microscope des poils spécialisés que le hamster africain oint avec le poison de l’Acokanthera schimperi. (Sara B. Weinstein)
Ce comportement était bien connu des populations locales, mais ce n’est que récemment que les chercheurs dirigés par Sara Weinstein, chercheuse à l’Université de l’Utah et de la Smithsonian Institution (Etats-Unis), ont officiellement documenté la fourrure toxique du Hamster d’Imhause d’Afrique de l’Est.
Weinstein et ses collègues ont rapporté comment 25 individus ont été capturés par des caméras, enregistrant plus de 1 000 heures de comportement du hamster à l’aide de capteurs activés par le mouvement. Ils ont observé « la mastication de l’A. schimperi et/ou l’onction chez 10 des 22 individus, confirmant la précédente observation de l’utilisation du poison », ont écrit les chercheurs dans leur étude. De plus, ce comportement semble être intentionnel, les rongeurs semblant savoir que l’écorce de la flèche empoisonnée les protège.
Selon les auteurs de l’étude :
Nous avons surveillé l’activité des rats à crête à l’aide de caméras et nous avons constaté que le fait de mâcher l’A. schimperi et l’exposition au cardénolide n’avaient aucun effet sur l’alimentation, les mouvements ou l’activité globale. Un rat à crête s’est également nourri d’asclépiade (Gomphocarpus physocarpus ; Gentaniales : Apocynaceae), mais ne s’est pas enduit avec cette plante contenant du cardénolide. Cette observation, combinée à l’utilisation sélective d’A. schimperi par L. imhausi, suggère le potentiel d’utilisation de sources alternatives de poison.
Cependant, il n’a pas été facile d’étudier ces Hamsters. Sur plus de 30 pièges qu’elles avaient mis en place, seuls deux ont été déclenchés, et ce uniquement après que les chercheurs aient songé à remplir les pièges avec des aliments malodorants comme du poisson, du beurre d’arachide et de la vanille.
Dr Sara Weinstein et Katrina Nyawira Malanga, assistante de terrain, installent un piège à tomahawk dans les broussailles. (Stephanie Higgins)
Ces deux animaux, un mâle et une femelle, ont complètement changé le cours de l’étude, car ils ont également montré la face cachée de leur vie sociale.
Selon Weinstein :
Nous avons mis ces deux rats ensemble dans l’enclos et ils ont commencé à ronronner et à se toiletter. Ce qui a été une grande surprise, puisque tous ceux à qui nous avons parlé pensaient qu’ils étaient solitaires. J’ai réalisé que nous avions une chance d’étudier leurs interactions sociales.
Ce sont des herbivores, essentiellement des petites vaches en forme de rats. Ils passent beaucoup de temps à manger, mais nous les voyons aussi se promener, s’accoupler, se toiletter, escalader les murs, dormir dans le nichoir.
(Stephanie Higgins/ Université d’Utha)
L’insaisissable Hamster d’Imhause n’est pas une espèce préoccupante pour l’Union internationale pour la conservation (UICN), l’organisation qui répertorie les espèces menacées ou en voie d’extinction. Mais comme il y a si peu de données sur ces animaux, leur statut est en fait remis en question, et selon les gardes forestiers locaux, ils pourraient même être en difficulté.
Selon Bernard Agwanda, conservateur des mammifères aux Musées du Kenya :
Nous n’avons pas de chiffres précis, mais nous avons des conclusions. Il fut un temps à Nairobi où les voitures les heurtaient et où il y avait des animaux tués partout sur la route. Maintenant, il est difficile de les croiser. Notre taux de piégeage est faible. Leur population est en déclin.
À l’avenir, l’équipe de chercheurs prévoit de poursuivre ses travaux de terrain au Kenya afin de mieux comprendre la physiologie et le comportement de ces fascinants hamsters. En particulier, les scientifiques aimeraient savoir quels sont les fondements génétiques qui permettent aux mammifères de résister aux toxines qui auraient dû normalement les tuer.
L’étude publiée dans The Journal of Mammalogy : The secret social lives of giant poisonous rats et présentée sur le site de l’université d’Utha : The secret social lives of giant poisonous rats et sur le site du Dearing Lab : New publication on giant poisonous rats!