Un minuscule et vacillant muon vient d’ébranler la physique des particules
Parfois appelés « électron lourd », les muons ressemblent à leurs cousins les plus connus, mais ils sont 200 fois plus lourds et radioactivement instables. Ils se désintègrent en quelques millionièmes de seconde en électrons et en minuscules particules fantômes sans charge appelées neutrinos. Les muons possèdent également une propriété appelée « spin » qui, combinée à leur charge, les fait se comporter comme de minuscules aimants, les faisant osciller comme de petits gyroscopes lorsqu’ils sont placés dans un champ magnétique.
Image d’entête : Représentation artistique du mystère du moment magnétique du muon, une particule subatomique semblable à un électron, mais plus lourde que lui (représentée par la lettre grecque mu). (Dani Zemba/ Penn State)
Mais les derniers résultats, qui proviennent d’une expérience au cours de laquelle les physiciens ont envoyé des muons tournoyer autour d’un anneau magnétique supraconducteur, semblent montrer que le muon oscille bien plus qu’il ne le devrait. La seule explication, selon les scientifiques de l’étude, est l’existence de particules qui ne sont pas encore prises en compte par l’ensemble des équations qui expliquent toutes les particules subatomiques, appelé le modèle standard, qui est resté inchangé depuis le milieu des années 1970. Ces particules inhabituelles et les énergies qui leur sont associées, selon l’idée, seraient en train d’influencer et de tirer sur les muons à l’intérieur de l’anneau.
Fiche des caractéristiques du muon. (Fermilab)
Les chercheurs du Fermilab aux États-Unis sont relativement sûrs que ce qu’ils ont vu (l’oscillation supplémentaire) était un phénomène réel et non un hasard statistique. Ils ont chiffré cette confiance à « 4,2 sigma », ce qui est incroyablement proche du seuil de 5 sigma à partir duquel les physiciens des particules déclarent une découverte majeure. (Un résultat à 5 sigma indiquerait qu’il y a une chance sur 3,5 millions que cela soit dû au hasard).
Une vue de dessus de l’équipement utilisé dans l’expérience g-2 au Fermilab. L’expérience utilise une ligne de faisceau de muons, des baies électroniques et un anneau de stockage magnétique supraconducteur refroidi à moins 267 °C pour étudier l’oscillation des muons. (Reidar Hahn/ Fermilab)
Selon Renee Fatemi, physicienne à l’université du Kentucky et responsable des simulations pour l’expérience Muon g-2 :
Cette quantité que nous mesurons reflète les interactions du muon avec tout ce qui existe dans l’univers. Mais lorsque les théoriciens calculent la même quantité, en utilisant toutes les forces et particules connues du modèle standard, nous n’obtenons pas la même réponse. C’est une preuve solide que le muon est sensible à quelque chose qui n’est pas dans notre meilleure théorie.
Cependant, un calcul rival effectué par un autre groupe de chercheurs allemand et français et publié mercredi 7 avril dans la revue Nature pourrait ôter toute signification à l’oscillation. Selon les calculs de cette équipe, qui donnent une valeur beaucoup plus grande au terme le plus incertain de l’équation qui prédit le mouvement de balancier du muon, les résultats expérimentaux sont totalement conformes aux prédictions. Vingt ans de chasse aux particules pourraient bien n’avoir servi à rien.
Selon Zoltan Fodor, professeur de physique à l’Université d’État de Pennsylvanie (Penn State) et chef de l’équipe de recherche qui a publié l’étude dans Nature :
Si nos calculs sont corrects et que les nouvelles mesures ne changent pas la donne, il semble que nous n’ayons pas besoin d’une nouvelle physique pour expliquer le moment magnétique du muon, il suit les règles du modèle standard.
Mais Fodor a ajouté que, étant donné que la prédiction de son groupe reposait sur un calcul totalement différent et des hypothèses très différentes, leurs résultats étaient loin d’être acquis.
Notre découverte signifie qu’il existe une tension entre les résultats théoriques précédents et nos nouveaux résultats. Cette divergence doit être comprise. En outre, les nouveaux résultats expérimentaux pourraient être proches des anciens ou plus proches des calculs théoriques précédents. Nous avons de nombreuses années passionnantes devant nous.
En substance, les physiciens ne pourront pas dire de manière concluante si de toutes nouvelles particules agissent sur leurs muons tant qu’ils ne se seront pas mis d’accord sur la manière dont les 17 particules existantes du modèle standard interagissent également avec les muons. Jusqu’à ce qu’une théorie l’emporte, la physique est laissée en suspens…
Les deux études sur les résultats du Fermilab publiées dans Physical Review Letters :
… et présentée sur le site de l’Argonne National Laboratory : Argonne scientists bolster evidence of undiscovered particles or forces in Muon g-2 experiment et sur le site du Fermi National Accelerator Laboratory : First results from Fermilab’s Muon g-2 experiment strengthen evidence of new physics.
L’étude “rival” effectuée par les chercheurs de l’université de Wuppertal et de l’Université Aix-marseille publiée dans Nature : Leading hadronic contribution to the muon magnetic moment from lattice QCD.
Salut, d’habitude je poste pas de commentaire mais ce sujet est tellement bien traité que je me devais d’en remercier l’auteur.ice. Hate de lire d’autres articles, et d’avoir des nouvelles sur notre muon !
Bonjour Lowena et merci ! Il n’y a qu’un seul auteur sur GuruMeditation, le Guru ! 😉