Surveiller les cétacés depuis l’espace
Comme le décrit une nouvelle étude, une équipe de chercheurs de la société Whale Seeker, spécialisée dans l’observation des baleines, a analysé les images du WorldView-3 (WV3), un satellite d’observation de la Terre à très haute résolution en orbite à 670 km d’altitude, pour suivre les populations de deux espèces de baleines arctiques, le narval (Monodon monoceros) et le béluga (Delphinapterus leucas, image d’entête).
La surveillance des baleines dans les eaux glaciales de l’Arctique a souvent posé des problèmes aux scientifiques parce que la région est éloignée, difficile d’accès et que les baleines ont tendance à se disperser sur de vastes distances selon de larges schémas migratoires.
Selon Bertrand Cherry, l’un des principaux chercheurs de l’étude :
Le suivi des cétacés à l’aide d’images satellites présente d’énormes avantages, non seulement pour la faune sauvage, mais aussi pour les humains qui les étudient.
En tant que biologiste principal de Whale Seeker, j’ai fait l’expérience directe des rudes conditions environnementales de l’Arctique lors de nos études sur le terrain. L’obtention d’images par voie aérienne (la méthode la plus courante) dépend fortement des conditions météorologiques, elle est dangereuse pour les chercheurs, coûteuse et peut perturber les animaux dans leur habitat.
L’imagerie par satellite offre donc un moyen efficace de suivre ces espèces depuis le confort du bureau ou du laboratoire, plutôt que par des vols aériens risqués au-dessus de lieux éloignés ou par des opérations de marquage compliquées et invasives.
Les scientifiques ont recherché dans les images du satellite des traces de deux populations importantes : la population de bélugas de la baie de Cumberland, une voie navigable de l’Arctique située au Nunavut (Canada), et la population de narvals de la baie de Baffin, également au Nunavut. L’équipe a constaté que 12 images prises entre 2017 et 2019 présentaient un total de 292 bélugas et 109 narvals répartis sur les différents sites.
A partir de l’étude : narval (a) et de béluga (b) détectés à partir d’images satellites panchromatiques du WorldView-3 à l’échelle 1:265. (Maxar Technologies/ Whale Seeker)
Alors que l’imagerie satellitaire a été utilisée pour suivre des espèces de baleines plus grandes dans le passé, les auteurs affirment que c’est la première fois qu’il a été prouvé que cette technique permet de repérer de manière fiable des baleines de taille moyenne, comme le narval et le béluga.
Selon Cherry :
Cela a été rendu possible par les progrès réalisés ces dernières années dans le domaine de la technologie satellitaire, notamment l’accessibilité et les niveaux de résolution extrêmement élevés, qui ont facilité le travail des scientifiques qui ont traité les images.
Les auteurs précisent que la méthode n’en est qu’à ses débuts : elle nécessite encore un temps clair et ne peut détecter les baleines qu’en surface ou à proximité. Mais ils affirment que les solutions spatiales de surveillance des populations offrent une alternative plus sûre et plus simple aux méthodes coûteuses et dangereuses du passé.
Toujours selon Cherry :
Notre espoir est que les scientifiques soient encouragés à se tenir au courant des derniers développements technologiques et qu’ils voient le potentiel d’une collaboration avec des entreprises dans ce domaine. Avec l’augmentation du nombre de zones marines protégées dans le monde, nous avons besoin de meilleurs outils pour surveiller de vastes zones, en toute sécurité.
L’étude publiée dans PLOS ONE : Mapping Arctic cetaceans from space: A case study for beluga and narwhal et le site de la société Whale Seeker.