Découverte d’une exoplanète en forme de ballon de rugby
La plupart des planètes de cet univers sont sphériques, et pour une bonne raison. Les forces de gravité exercent généralement une traction égale de tous les côtés, du centre vers les bords, comme les rayons d’une roue de vélo. La forme générale d’une planète est donc une sphère. Certaines peuvent être plus sphériques que d’autres (la Terre est aplatie aux pôles et bombée à l’équateur) en fonction de leur distance par rapport au soleil et de leur vitesse de rotation, mais généralement elles se ressemblent toutes.
Image d’entête : représentation de WASP-103b, un monde en forme de ballon de rugby qui tourne autour de son étoile en moins d’un jour. (ESA)
Cependant, la mission Characterizing Exoplanets Satellite (CHEOPS) de l’Agence spatiale européenne a détecté une planète dont la déformation ressemble davantage à celle d’un ballon de rugby qu’à une sphère. Cette planète, baptisée WASP-103b et dont la densité est 1,5 fois celle de Jupiter, est située dans la constellation d’Hercule, à environ 1 225 années-lumière de notre sphéroïde oblate.
Selon Jacques Laskar de l’Observatoire de Paris, Université Paris Sciences et Lettres, et coauteur de la recherche :
Il est incroyable que Khéops ait pu révéler cette minuscule déformation. C’est la première fois qu’une telle analyse est réalisée, et nous pouvons espérer que l’observation sur un intervalle de temps plus long renforcera cette observation et conduira à une meilleure connaissance de la structure interne de la planète.
La déformation est causée par les tiraillements gravitationnels de WASP-103, son étoile. La planète se trouve à seulement 1,8 million de kilomètres de WASP-103, qui est à la fois plus chaude et 1,5 fois plus grande que notre Soleil (à titre de comparaison, la Terre se trouve à environ 93 millions de kilomètres du Soleil). Les astronomes se doutaient qu’une telle proximité provoquerait des marées monumentales, mais jusqu’à présent, ils n’avaient pas pu les mesurer.
Grâce aux nouvelles données de CHEOPS, qui surveille les transits des exoplanètes ( » baisse de luminosité » provoquée par le passage d’une planète devant son étoile depuis notre point de vue), ainsi qu’aux données déjà obtenues par le télescope spatial Hubble et le télescope spatial Spitzer, les chercheurs ont pu détecter comment les forces de marée déforment l’exoplanète, qui passe de la forme habituelle d’une sphère à celle d’un ballon de rugby.
Le transit, une méthode de détection des planètes lorsqu’elles passent devant leur étoile, en diminuant la luminosité de cette dernière. (NASA)
L’équipe a pu utiliser la courbe de lumière du transit de WASP-103b pour obtenir une limite, le nombre de Love, qui détermine comment la masse est distribuée au sein d’une planète. Comprendre cela pourrait révéler des détails sur la structure interne de la planète.
Selon Susana Barros de l’Instituto de Astrofísica e Ciências do Espaço et de l’Université de Porto, au Portugal, et auteure principale de la recherche :
La résistance d’un matériau à la déformation dépend de sa composition. Par exemple, ici sur Terre, nous avons des marées dues à la Lune et au soleil, mais nous ne pouvons voir les marées que dans les océans. La partie rocheuse ne bouge pas beaucoup. En mesurant le degré de déformation de la planète, nous pouvons savoir quelle est la part de roche, de gaz ou d’eau.
Lorsqu’ils ont calculé le nombre de Love pour WASP-103b, les chercheurs ont découvert une exoplanète plus grande que la plus grande habitante de notre système solaire, ce qui suggère que la structure interne est similaire, bien que l’exoplanète ait un rayon presque deux fois plus grand.
Toujours selon Susana Barros :
En principe, on devrait s’attendre à ce qu’une planète ayant 1,5 fois la masse de Jupiter ait à peu près la même taille, donc WASP-103b doit être très gonflée en raison de la chaleur de son étoile et peut-être d’autres mécanismes. Si nous pouvons confirmer les détails de sa structure interne par de futures observations, nous pourrons peut-être mieux comprendre ce qui la fait tant gonfler. Connaître la taille du noyau de cette exoplanète sera également important pour mieux comprendre comment elle s’est formée.
Un graphique présentant certaines des caractéristiques de WASP-103b. (ESA)
S’il est à peu près certain que WASP-103b n’est pas la seule planète déformée qui existe, il s’agit de la preuve la plus concluante à ce jour. Les chercheurs espèrent que d’autres travaux, notamment ceux du télescope spatial James Webb, permettront de déterminer avec plus de certitude où elles pourraient se trouver dans le vaste univers.
L’étude publiée dans la revue Astronomy & Astrophysics : Detection of the tidal deformation of WASP-103b at 3 σ with CHEOPS et présentée sur le site de l’Agence Spatiale européenne : Cheops reveals a rugby ball-shaped exoplanet.