Des images satellites révèlent de grosses fuites de gaz dans le monde entier
Des chercheurs français ont utilisé des données satellitaires afin de cartographier d’importantes fuites de méthane, un puissant gaz à effet de serre. Ils ont découvert qu’environ un dixième des émissions proviennent d’un groupe de sites “ultra-émetteurs” situés aux États-Unis, en Russie et au Turkménistan.
Image d’entête : inauguration du gazoduc Est-Ouest du Turkménistan le 23 décembre 2015. (AFP/ Igor Sasin)
Le méthane est donc un puissant gaz à effet de serre qui contribue de manière significative au changement climatique et que les gouvernements ont convenu de réduire considérablement d’ici à 2030 lors du récent sommet sur le climat. S’attaquer à ces ultra-émetteurs pourrait être un bon début.
Les fuites de méthane avaient déjà été détectées par des satellites au niveau individuel, mais on ne savait pas grand-chose de leur ampleur au niveau mondial. À présent, un groupe de chercheurs a soumis à un algorithme un ensemble d’images capturées par un instrument embarqué sur un satellite, afin de détecter automatiquement les plus importantes fuites de méthane provenant d’installations pétrolières et gazières dans le monde.
L’Agence spatiale européenne (ESA) a lancé il y a 3 ans, à bord du satellite Sentinel-5P, l’Instrument de surveillance TROPOspheric (TROPOMI), qui peut mesurer le méthane chaque jour dans un bloc de 30 mètres carrés. Grâce à cet instrument, les chercheurs ont dénombré plus de 1 800 grandes fuites de méthane dans le monde en 2019 et 2020, libérant généralement plusieurs tonnes de méthane par heure.
Selon Thomas Lauvaux du Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement (IPSL/ Univ. de Saclay/ France) chercheur principal :
À notre connaissance, il s’agit de la première étude mondiale visant à estimer la quantité de méthane libérée dans l’atmosphère par les opérations de maintenance et les rejets accidentels. Les ultra-émetteurs expliquent en partie la sous-estimation des émissions déclarées par les pays dans le domaine du pétrole et du gaz.
Lavaux et son équipe de chercheurs se sont concentrés sur les six principaux pays producteurs de pétrole et de gaz, où les fuites de méthane sont fréquentes. Ils ont constaté qu’au total, ces rejets sous-déclarés contribuent à environ 10 % de toutes les émissions de méthane provenant des activités liées aux combustibles fossiles de ces pays. Il s’agit d’une quantité très importante pour un nombre limité de fuites de méthane.
Le Turkménistan était le principal ultra-émetteur, rejetant plus d’un million de tonnes de méthane en 2019 et 2020. La Russie est arrivée en deuxième position, avec un peu moins d’un million de tonnes, suivie par les États-Unis, l’Iran, l’Algérie et le Kazakhstan. Selon les chercheurs, le décompte américain est plus faible car le bassin permien des États-Unis, une grande région pétrolière et gazière, a été exclu en raison des difficultés de surveillance.
Carte montrant la localisation des principaux gazoducs et les principales sources d’émission de méthane liées à l’industrie pétrolière et gazière. (Kayrros Inc./ Esri/ HERE/ Garmin/ FAO/ NOAA/ USGS/ OpenStreetMap/ GIS User Community)
Sur la base de leurs conclusions, les chercheurs sont allés interroger les compagnies gazières à ce sujet, en essayant de remonter à la source des fuites. Si certaines étaient accidentelles, d’autres étaient délibérées, les compagnies gazières évacuant le gaz des pipelines avant d’effectuer des réparations. Cela pourrait être évité, explique l’équipe, car il existe des équipements qui permettent d’évacuer et de capturer le gaz avant les réparations.
Depuis des décennies, la lutte contre le changement climatique se concentre sur les émissions de dioxyde de carbone (CO2) dues aux activités humaines. Le CO2 est le principal moteur du réchauffement de la planète, ce qui est donc raisonnable. Mais il existe d’autres gaz à effet de serre dont nous devrions nous préoccuper, notamment le méthane, qui est 80 fois plus puissant que le CO2 mais dont la durée de vie est beaucoup plus courte.
Le méthane est le principal composant du gaz naturel et fait également partie de nombreux écosystèmes. Il peut être libéré dans l’atmosphère de nombreuses façons, notamment par la décomposition de la végétation et la digestion des vaches. Les combustibles fossiles sont également l’une des principales sources d’émissions de méthane. Si le problème n’est pas nouveau, ce qui a changé ces dernières années, c’est la quantité de méthane libérée, décrite récemment par les experts en climatologie comme extrêmement élevée.
Lavaux et son équipe de chercheurs ont fait valoir que les pays les plus émetteurs rejettent tellement de méthane que celui-ci pourrait être vendu, ce qui en ferait une solution rentable. Pour les six pays les plus polluants, s’attaquer aux fuites coûterait jusqu’à 300 dollars de moins par tonne que ce qu’il en coûterait pour réduire le méthane issu des combustibles fossiles dans ces pays. La Russie économiserait 6 milliards, par exemple.
En termes d’économies environnementales, les chercheurs estiment que mettre fin aux fuites de méthane permettrait d’éviter un réchauffement de 0,005 à 0,002 °C. Cela peut sembler peu, mais c’est pourtant le cas. C’est l’équivalent de la suppression de toutes les émissions de l’Australie depuis 2005 ou des émissions de 20 millions de voitures.
L’étude publiée dans Science : Global assessment of oil and gas methane ultra-emitters et présentée sur le site du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) : Découverte d’importantes fuites de méthane liées aux secteurs pétrolier et gazier.
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