Un implant cérébral permet à un patient complètement paralysé de communiquer
Une équipe de chercheurs européens a mis au point une nouvelle méthode pour communiquer avec un patient atteint d’une maladie des motoneurones (MND) à un stade avancé.
Image d’entête : l’un des deux réseaux de microélectrodes implantées dans le cerveau du patient. (Centre Wyss)
La MND ici est la sclérose latérale amyotrophique (SLA), une maladie neurodégénérative qui entraîne une perte progressive du contrôle volontaire des muscles. Les symptômes peuvent commencer par une faiblesse musculaire, des crampes ou une perte de dextérité. À mesure que la maladie progresse, les patients finissent par perdre le contrôle des muscles de tout leur corps, y compris ceux que nous utilisons pour parler et respirer.
Ces patients doivent recourir à la ventilation artificielle pour survivre et peuvent utiliser les mouvements des yeux pour communiquer. C’est ce qu’on appelle un « syndrome d’enfermement« .
Les patients qui ont perdu jusqu’à la capacité de contrôler leur regard, ou dont les yeux sont involontairement fermés, sont dits dans un « état d’enfermement total ».
Il a déjà été démontré que les interfaces cerveau-ordinateur pouvaient aider les patients en état d’enfermement à maintenir la communication avec leur entourage grâce à des mouvements oculaires ou des signaux neuronaux. Cependant, cette étude rapporte le premier exemple connu de communication réussie avec un patient en état d’enfermement complet.
Selon Ujwal Chaudhary, premier auteur de l’étude :
Il existe plusieurs interfaces cerveau-ordinateur, non invasives et invasives, pour la communication dans un état d’enfermement, mais aucune jusqu’à présent n’a démontré la communication par des patients dans un état d’enfermement complet.
Le dispositif se compose de microélectrodes (qui sont implantées dans le cerveau du patient, image d’entête), d’un processeur de signaux neuronaux et d’un ordinateur avec un logiciel personnalisé. Il utilise un système de neurofeedback auditif pour permettre au patient de communiquer à l’aide de signaux cérébraux.
A partir de l’étude : installation expérimentale. Deux réseaux de microélectrodes ont été placés dans le gyrus précentral et le gyrus frontal supérieur (encart, L : sulcus central gauche, A-P : ligne médiane d’antérieur à postérieur). Une tête d’amplification et de numérisation a enregistré les signaux par l’intermédiaire d’un connecteur de socle percutané. Les signaux neuronaux ont été prétraités par un processeur de signaux neuronaux, puis traités et décodés sur un ordinateur portable. (Chaudhary et col./ Nature Communications)
L’appareil fait entendre au patient un son qui représente le retour auditif de sa propre activité neuronale. Le son est lié à la fréquence des pics du signal neuronal. Le patient a appris à moduler la tonalité de retour en utilisant une réponse neuronale spécifique pour augmenter ou diminuer la fréquence de l’onde sonore.
Toujours selon Chaudhary :
Le patient écoute une tonalité cible et son objectif est de moduler la fréquence de l’onde sonore qui suit la cible en utilisant son taux d’excitation neuronal jusqu’à ce que le son qu’il entend l’informe que la cible a été atteinte.
Les changements de la fréquence d’excitation neuronale qui durent plus de 250 millisecondes à l’extrémité supérieure d’une plage donnée ont été interprétés comme une réponse « oui », et les changements à l’extrémité inférieure de la plage comme un « non ».
Sur le plan neurophysiologique, chaque activité que nous effectuons suscite une réponse neuronale.
Nous pouvons effectuer systématiquement deux tâches différentes pour produire deux types différents d’activité neuronale, qui peuvent produire deux types différents de résultats, dans ce cas, l’augmentation et la diminution de la fréquence de l’onde sonore.
Après cet entraînement, le patient a pu épeler des mots et des phrases à l’aide d’un système qui divise l’alphabet en caractères et les fait entendre au patient sous forme de signal auditif, suivi d’une onde sonore que le patient peut moduler. Ce dernier entend le signal correspondant à la lettre, peut répondre « oui » ou « non » à l’aide du système de neurofeedback auditif, et ainsi de suite avec l’option suivante jusqu’à ce que le mot soit épelé.
Grâce à ce système, le patient a pu exprimer ses besoins et ses désirs, par exemple demander que la position de sa tête soit modifiée, écouter un type de musique particulier ou regarder un film avec son fils.
Le patient a fini par perdre la capacité d’ouvrir volontairement les yeux, mais il était toujours en mesure d’utiliser le dispositif pour communiquer correctement.
Avant cela, les scientifiques n’étaient même pas certains que les personnes dans un état d’enfermement total étaient encore capables d’accéder aux mécanismes neuronaux utilisés pour la communication.
Pour Chaudhary :
Nous avons prouvé que la communication est possible même dans un état d’enfermement total.
Cette étude pourrait ouvrir de nouvelles voies pour la communication et l’amélioration de la qualité de vie des patients en état d’enfermement total.
Les chercheurs ont créé une organisation à but non lucratif, ALS Voice, afin d’aider à la communication des patients affecté par un syndrome d’enfermement ou d’enfermement complet.
L’étude publiée dans Nature Communications : Spelling interface using intracortical signals in a completely locked-in patient enabled via auditory neurofeedback training et présentée sur le site de l’institut de recherche Wyss Center : Completely locked-in man uses brain-computer interface to communicate.