Ces araignées mâles se catapultent pour éviter de devenir le repas de leurs partenaires sexuelles
Pour les humains, un mauvais rendez-vous peut être un désastre absolu, mais pour des araignées mâles, cela signifie souvent être dévoré vivant par une femelle affamée et beaucoup plus grande. Pour éviter d’être cannibalisés après l’acte sexuel, les mâles de certaines espèces en sont venus à s’arracher les pattes pour distraire leur bien-aimée avec un peu de nourriture, ou même à attacher les pattes de la femelle avec de la soie avant de s’accoupler avec elle.
GIF d’entête, à partir de l’étude : une araignée mâle se catapulte loin de sa compagne. (Shichang Zhang et col./ Current Biology)
Mais les mâles de l’araignée Philoponella prominens optent pour une autre stratégie qui pourrait plaire à tous ceux qui ont déjà souhaité disposer d’un bouton d’éjection lors d’un rendez-vous qui dégénère rapidement. Selon une étude publiée cette semaine (lien plus bas), les mâles utilisent leurs deux pattes avant pour se catapulter en lieu sûr dès qu’ils se sont accouplés.
Les mâles qui ne se lancent pas à temps hors de l’étreinte de leur maîtresse subissent un sort funeste. La Philoponella prominens fait partie d’une famille connue sous le nom d’Uloboridae ou tisseuses d’orbes (orb weavers). Ces araignées n’ont pas de venin pour les aider à tuer ou immobiliser leurs proies. Ainsi, au lieu d’une mort rapide induite par le venin, les femelles momifient les mâles moins vigoureux si fortement que leurs pattes se brisent et qu’ils sont soit écrasés à mort, soit asphyxiés. Une étude réalisée en 2006 sur une autre araignée de cette famille a révélé que cet emballage écrasant nécessitait quelque 140 m de soie.
Shichang Zhang, arachnologue à l’université du Hubei en Chine et auteur principal de l’étude et ses collègues étudiaient le comportement sexuel de cette espèce, qui vit dans des toiles communes comptant jusqu’à 300 individus, lorsqu’ils ont remarqué que de minuscules mâles (chacun mesurant moins d’un cm de long) s’éloignaient des rencontres amoureuses avec les femelles.
Couple d’araignées en pleine copulation. (Shichang Zhang et col./ Current Biology)
Zhang voulait comprendre trois choses : pourquoi les mâles sautaient loin des femelles, quelles parties du corps ils utilisaient pour le faire et quelles vitesses et accélérations ils parvenaient à atteindre. Pour ce faire, il a apporté des caméras à haute vitesse et un grand nombre d’araignées P. prominens dans leur laboratoire.
L’équipe a observé 155 cas d’accouplement d’araignées et tous les mâles impliqués, sauf 3, se sont éjectés aussi loin que possible de la femelle une fois l’accouplement terminé. Les trois mâles qui ont choisi de rester dans le coin ont tous été tués et consommés par leurs partenaires sexuels.
Pour voir ce qui se passait si les mâles ne pouvaient pas s’éloigner, les chercheurs ont d’abord bloqué la capacité de 30 araignées mâles à s’élancer. Ils ont tous été sommairement mangés, ce qui renforce l’idée que ce comportement de la part des mâles les aide à survivre à l’accouplement et à s’accoupler à nouveau.
Afin de mieux comprendre le mécanisme de projection de ces mâles, Zhang et ses coauteurs ont filmé l’accouplement des araignées à l’aide de caméras capables de filmer à 1 500 images par seconde. Pour ces araignées, l’accouplement dure environ 30 secondes, et Zhang explique que filmer de si petites créatures pendant un acte aussi fugace s’est avéré un véritable casse-tête.
Selon Zhang :
Une fois que l’araignée s’est accouplée, les chercheurs ont dû ajuster l’équipement pour faire la mise au point sur elle. L’araignée est minuscule, donc la plupart du temps, les mâles s’étaient catapultés avant que la mise au point ne soit prête.
Ces vidéos à haute vitesse et haute résolution ont finalement révélé que les araignées mâles semblaient se catapulter en repliant leurs deux pattes avant contre le corps de la femelle au niveau de l’équivalent arachnéen de l’articulation du genou, puis en étendant soudainement les pattes lorsqu’il était temps de partir. Zhang a comparé ce mouvement à celui d’un nageur de compétition qui commence une course sur le dos. Le nageur commence avec les jambes repliées et appuyées contre le mur de la piscine, puis il bondit en avant lorsque la course commence.
Vidéo tirée de l’étude : une araignée mâle se catapulte loin de sa compagne. (Shichang Zhang et col./ Current Biology)
L’analyse informatique des vidéos à haute vitesse a révélé que les araignées ont atteint des vitesses allant jusqu’à 80 cm par seconde et une accélération maximale de 528,68 mètres par seconde au carré. Si les araignées maintenaient ce niveau d’accélération pendant plus longtemps que la durée moyenne de 4 millisecondes enregistrée par les chercheurs pour ces sauts, les minuscules arachnides atteindraient les 160 km par heure en environ 0,05 seconde. Les araignées mâles tournent également beaucoup pendant qu’elles volent dans les airs, environ 174 fois par seconde en moyenne, mais on ne sait pas quelle fonction, le cas échéant, cela pourrait avoir.
Pour vérifier si les araignées mâles utilisaient leurs pattes avant pour accomplir leur retraite explosive, les chercheurs ont mis en place une série d’expériences. Dans l’un des tests, l’équipe a retiré une ou les deux pattes avant. Cette ablation de l’une ou des deux pattes avant a empêché les 60 mâles participant à l’expérience de s’accoupler. Les prétendants ont courtisé les femelles, mais n’ont pas tenté de les monter et de consommer le flirt.
Dans un deuxième test, les chercheurs ont retiré une ou deux des six autres pattes de l’araignée, ce qui n’a eu aucun effet négatif apparent sur le succès de l’accouplement ou sur la capacité de l’araignée à se catapulter. Les 20 araignées auxquelles il manquait une patte et les 20 araignées auxquelles il manquait deux pattes se sont toutes accouplées et se sont mises en sécurité.
L’étude publiée dans Current Biology : Male spiders avoid sexual cannibalism with a catapult mechanism.