Une intelligence artificielle explore la physique de notre monde comme un bébé
Les systèmes d’intelligence artificielle (IA) ont déjà une longueur d’avance sur nous dans certains domaines : nous battre dans la plupart des jeux vidéos, par exemple, ou traiter d’énormes quantités de données mais, dans d’autres domaines, l’IA est encore loin derrière l’être humain, même quelques mois après sa naissance.
Par exemple, même les jeunes bébés savent instinctivement qu’un objet passant brièvement derrière un autre ne doit pas disparaître et réapparaître ailleurs. Lorsqu’on leur présente un tel acte magique, les bébés réagissent avec surprise.
Mais une règle aussi simple de continuité, ainsi que d’autres lois physiques fondamentales, ne sont pas aussi intuitives pour l’IA. Une nouvelle étude présente une IA appelée PLATO, qui s’inspire de la recherche sur l’apprentissage des bébés et qui peut penser comme un bébé humain.
PLATO, qui signifie « Physics Learning through Auto-encoding and Tracking Objects » (apprentissage physique par le codage automatique et le suivi des objets), a été entraînée au moyen d’une série de vidéos codées conçues pour représenter les mêmes connaissances de base que celles des bébés au cours des premiers mois de leur vie.
Selon le neuroscientifique Luis Piloto, du laboratoire de recherche en IA DeepMind au Royaume-Uni
Heureusement pour nous, les psychologues du développement ont passé des décennies à étudier ce que les nourrissons savent du monde physique et à cataloguer les différents ingrédients ou concepts qui entrent dans la compréhension physique.
En prolongement de leurs travaux, nous avons construit et mis en libre accès un ensemble de données sur les concepts physiques. Cet ensemble de données vidéo synthétiques s’inspire des expériences de développement originales pour évaluer les concepts physiques dans nos modèles.
Il existe trois concepts essentiels que nous comprenons tous dès le plus jeune âge : la permanence (les objets ne disparaissent pas soudainement), la solidité (les objets solides ne peuvent pas se traverser) et la continuité (les objets se déplacent de manière cohérente dans l’espace et le temps).
L’ensemble de données constitué par les chercheurs couvrait ces trois concepts, ainsi que deux autres : l’inaltérabilité (les propriétés des objets, comme la forme, ne changent pas) et l’inertie directionnelle (les objets se déplacent d’une manière conforme aux principes de l’inertie).
Ces concepts ont été présentés au moyen de vidéos montrant des balles tombant sur le sol, rebondissant les unes sur les autres, disparaissant derrière d’autres objets et réapparaissant, etc. Après avoir entraîné PLATO sur ces vidéos, l’étape suivante consistait à le tester.
Lorsqu’on a montré à l’IA des vidéos de scénarios « impossibles » qui défiaient la physique qu’elle avait apprise, PLATO a exprimé sa surprise (ou l’équivalent en IA) : elle était suffisamment intelligente pour reconnaître que quelque chose de bizarre s’était produit et avait enfreint les lois de la physique.
Cela s’est produit après des périodes d’entraînement relativement courtes, 28 heures seulement dans certains cas. Techniquement parlant, comme dans les études sur les nourrissons, les scientifiques recherchaient des signaux de violation des attentes (VoE pour violation-of-expectation), indiquant que l’IA comprenait les concepts qui lui avaient été enseignés.
Selon les chercheurs dans leur étude :
Notre modèle basé sur les objets a montré des effets VoE robustes pour les cinq concepts que nous avons étudiés, bien qu’il ait été formé sur des données vidéo dans lesquelles les événements spécifiques du sondage ne se sont pas produits.
L’équipe a effectué d’autres tests, cette fois en utilisant des objets différents de ceux des données d’entraînement. Là encore, PLATO a montré qu’il comprenait parfaitement ce qui devait et ce qui ne devait pas se passer, ce qui prouve qu’il est capable d’apprendre et de développer ses connaissances de base.
Toutefois, PLATO n’a pas encore atteint le niveau d’un bébé de 3 mois. L’IA a été moins surprise lorsqu’on lui a présenté des scénarios n’impliquant aucun objet, ou lorsque les modèles de test et d’entraînement étaient similaires. De plus, les vidéos sur lesquelles PLATO a été entraîné comprenaient des données supplémentaires pour l’aider à reconnaître les objets et leurs mouvements en trois dimensions.
Il semble qu’une certaine connaissance intégrée soit encore nécessaire pour obtenir une image complète et ce débat inné/ acquis est un sujet sur lequel les spécialistes du développement s’interrogent encore chez les nourrissons. Ces recherches pourraient permettre de mieux comprendre l’esprit humain et aider à en construire une meilleure représentation informatique.
Selon les chercheurs :
Notre travail de modélisation fournit une preuve de concept démontrant qu’au moins certains concepts centraux de la physique intuitive peuvent être acquis par apprentissage visuel. Bien que les recherches menées sur certaines espèces précoces (nées dans un état avancé) suggèrent que certains concepts physiques de base peuvent être présents dès la naissance, chez l’humain, les données suggèrent que les connaissances en physique intuitive émergent tôt dans la vie, mais peuvent être influencées par l’expérience visuelle.
L’étude publiée dans Nature Human Behaviour : Intuitive physics learning in a deep-learning model inspired by developmental psychology et sur le site de Deepmind.