Contrecarrant les tendances à l’extinction, les grands animaux d’Asie prospèrent aux côtés des humains
La mégafaune, c’est-à-dire les grands animaux comme les éléphants, les gorilles et les tigres sont parmi les plus touchés par la crise de la biodiversité dans le monde. La situation est généralement pire dans les habitats proches des humains, en raison de la chasse et de la dégradation de l’habitat causée par le développement humain. Toutefois, il existe des exceptions à la règle : plusieurs grands animaux prospèrent aux côtés des humains dans certaines régions d’Asie.
Image d’entête : un tigre de Sumatra à la lisière de la forêt. (Université du Queensland/ Matthew Luskin)
L’étude contredit une idée reçue selon laquelle la proximité des humains est incompatible avec la conservation des animaux. Les chercheurs de l’université du Queensland (Australie) ont voulu vérifier si les tendances mondiales en matière d’extinction de la mégafaune étaient observables chez les plus grands vertébrés d’Asie du Sud-Est. Il s’agissait notamment de vérifier si les grandes espèces étaient plus menacées que les petites et si la pression humaine et la déforestation affectaient la mégafaune.
Alors que l’on suppose généralement que la mégafaune reste confinée dans des zones reculées, telles que des forêts intactes, , les chercheurs indiquent qu’il existe de nombreux exemples en Asie du Sud de petites zones protégées à proximité des habitations humaines qui présentent une grande richesse en mégafaune. Cette situation est dans certains cas liée à une meilleure protection des animaux et à des activités de surveillance et de tourisme.
Rhinocéros au Népal près de bâtiments. (Université du Queensland/ Matthew Luskin)
Selon Matthew Luskin, auteur de l’étude (lien plus bas) :
Nous avons testé si les grands animaux d’Asie présentaient des tendances cohérentes en matière d’extinction à la fois à l’époque préhistorique et à l’époque moderne et si les parcs des temps modernes qui étaient similaires en termes de taille et d’écologie conservaient des ensembles similaires d’espèces. Nous avons également examiné si les solutions modernes dépendaient de la qualité de l’habitat et de l’homme.
Les chercheurs ont comparé les associations d’espèces sauvages préhistoriques issues d’études archéologiques aux résultats de leurs nouveaux travaux de terrain dans les forêts modernes. Ils se sont concentrés sur 14 espèces de la mégafaune dans 10 paysages de forêts tropicales d’Asie du Sud-Est et ils ont utilisé une synthèse des précédents relevés et de 21 nouvelles études de captage par caméra, dans l’espoir de mieux comprendre les tendances de la mégafaune en Asie.
Les chercheurs ont analysé des animaux à travers l’Asie à l’aide de caméras cachées, et ils ont capturé des séquences étonnantes. (Université du Queensland/ Matthew Luskin)
Ils ont constaté que les grandes espèces n’étaient pas plus menacées que les petites. C’était également le cas pour les carnivores par rapport aux herbivores. Ils ont également constaté que les pressions humaines et la déforestation étaient à l’origine des extinctions. Quatre des sites d’étude les plus dégradés ont connu 2,5 fois plus d’extinctions locales de mégafaune que les six sites les moins dégradés.
Cependant, les chercheurs ont également constaté que l’abondance de quatre espèces spécifiques (tigres, éléphants d’Asie, sangliers et panthères nébuleuses) avait en fait augmenté dans les zones où les infrastructures humaines étaient plus importantes. Selon eux, cela remet en cause l’idée que les humains et la mégafaune sont incompatibles et montre que, dans de bonnes conditions, certains animaux peuvent vivre à proximité des humains.
Selon Zachary Amir, auteur de l’étude :
Nous avons montré que certaines espèces très menacées et charismatiques, telles que les tigres et les éléphants d’Asie, peuvent prospérer dans des zones dotées d’infrastructures humaines, mais il est important de noter que ces espèces ont besoin de se défendre contre les braconniers et que la chasse doit être fortement réglementée dans la région.
Les chercheurs espèrent maintenant comprendre l’impact de la disparition des espèces des sites étudiés sur la communauté sauvage dans son ensemble. Il s’agira notamment de vérifier si la disparition des prédateurs en Asie du Sud-Est entraîne des changements observables dans l’abondance et le comportement de leurs proies, afin d’en déduire des effets en cascade susceptibles de dégrader le fonctionnement des écosystèmes.
L’étude publiée dans Science Advances : Megafauna extinctions produce idiosyncratic Anthropocene assemblages et présentée sur le site de l’Université du Queensland : Avoiding extinction.