La NASA teste un décélérateur gonflable qui pourrait révolutionner l’atterrissage de matériels lourds sur d’autres planètes
Il y a quelques jours, une énorme soucoupe volante de 6 mètres de large est tombée du ciel près d’Hawaï. Étonnamment, ce n’était pas le résultat d’une visite extraterrestre. C’était la NASA qui testait sa dernière technologie d’exploration planétaire. Ce disque géant et gonflable permettra d’étudier des mondes lointains comme Triton, la lune de Neptune, qui pourrait abriter la vie, et permettra même de poser enfin le pied sur Mars. Mais comment un disque gonflable peut-il nous aider à explorer le système solaire ? Et cela fera-t-il vraiment une grande différence ?
Pour comprendre pourquoi ce projet connu sous l’acronyme de LOFTID pour Low-Earth Orbit Flight Test of an Inflatable Decelerator peut être si important, nous devons comprendre l’une des plus grandes contraintes de la technologie des fusées actuelles : la rentrée dans l’atmosphère.
Image d’entête : représentation du décélérateur gonflable LOFTID, de la NASA, en orbite autour de la Terre. (United Launch Alliance)
Physiquement, atteindre Mars ou Triton est relativement facile, mais être capable d’atterrir sans encombre est incroyablement difficile. Nos vaisseaux doivent voyager à des vitesses folles pour atteindre ces objets lointains, et ralentir suffisamment pour faciliter un atterrissage en douceur est un difficile exercice d’équilibre.
En effet, les fusées sont soumises à des limites strictes en termes de taille et de poids des objets qu’elles peuvent lancer. Cela signifie que les systèmes que nous utilisons pour assurer un atterrissage en toute sécurité doivent être incroyablement légers et suffisamment petits pour tenir dans une fusée. Sinon, la charge utile de la mission vers la surface serait trop lourde pour être efficace.
Ce n’était pas un problème pour les premiers atterrisseurs et astromobiles (rovers), car la NASA disposait à l’époque d’un système d’atterrissage simple et léger. Lors de la rentrée initiale, un petit bouclier thermique utilisait la traînée aérodynamique et la chaleur pour ralentir l’engin jusqu’à des vitesses proches de la vitesse supersonique. Ensuite, un parachute se déploie, le bouclier thermique est largué et des rétrofusées sont déclenchées au dernier moment pour assurer un atterrissage en douceur.
Comment a été déposée l’astromobile Curiosity sur Mars en 2012. (NASA)
Mais cette méthode n’est pas réalisable pour la prochaine génération d’atterrisseurs et de véhicules avec ou sans équipage, car le bouclier thermique ne peut tout simplement pas être fabriqué à une taille suffisante.
Ces véhicules de la prochaine génération pèseront beaucoup plus lourd et seront beaucoup plus fragiles qu’auparavant. En effet, ils devront soit supporter la vie humaine pendant de longues périodes, soit livrer un grand nombre de provisions, soit effectuer de multiples missions autonomes complexes à la surface sans provoquer de vibrations destructrices, de décélérations soudaines ou d’impacts. Tout cela nécessite des boucliers thermiques plus grands, des parachutes plus grands et des rétrofusées nettement plus résistantes.
Mais en raison de ces nouveaux développements, les boucliers thermiques requis pour ces véhicules sont devenus plus grands que le diamètre des fusées actuelles (y compris Starship de SpaceX et le Space Launch System de la NASA). Qui plus est, ces boucliers thermiques ne peuvent même pas être repliés pour s’adapter aux fusées, car les joints entre les panneaux laisseraient fuir la chaleur dans la charge utile et la feraient fondre. C’est là que LOFTID entre en jeu.
LOFTID est un bouclier thermique gonflable qui peut être construit dans presque toutes les tailles tout en pouvant être replié pour s’adapter à une fusée. Cette technologie étonnante est constituée de quatre parties. L’extérieur est un tissu en fibre céramique qui peut résister à la chaleur de la rentrée dans l’atmosphère (2 900°F ou 1 600°C) tout en conservant son intégrité. La couche intermédiaire est un isolant qui disperse la chaleur de l’intérieur. La couche intérieure est un autre isolant qui éloigne la chaleur restante de la quatrième partie finale, la structure gonflable remplie de gaz qui confère au bouclier thermique sa rigidité une fois déployé. Une telle technologie permettra d’utiliser des boucliers thermiques véritablement gigantesques, rendant possible la prochaine génération de véhicules d’atterrissage. Mais il s’agit d’une conception inédite et elle devra donc faire l’objet de tests rigoureux avant d’être mise en œuvre.
Représentation animée du décélérateur gonflable LOFTID, de la NASA, en pleine action. (NASA)
C’est pourquoi la NASA a effectué un essai de ce bouclier thermique le 10 novembre. Elle a lancé une fusée Atlas V depuis la base spatiale de Vandenberg en Californie avec une mission équipée du LOFTID comme charge utile secondaire. Cette charge utile d’essai était équipée d’un bouclier thermique LOFTID d’un diamètre de 6 mètres une fois gonflé, ce qui est bien plus grand que le diamètre de 4 mètres de la fusée Atlas V sur laquelle elle a été lancée.
Vidéos de la séparation et de l’amerrissage du LOFTID. (United Launch Alliance)
Cette mission d’essai est restée en orbite pendant environ 45 minutes avant de rentrer dans l’atmosphère et, à la fin, elle a effectué un atterrissage en douceur dans l’océan près d’Hawaï. Il est remarquable de constater que le bouclier thermique est resté intact et semble avoir parfaitement rempli sa mission.
Le bouclier thermique de la sonde LOFTID a été récupéré dans l’océan Pacifique le 10 novembre, peu de temps après avoir terminé sa démonstration et s’être échoué. (United Launch Alliance/ NASA)
La charge utile d’essai a enregistré des données essentielles pendant l’atterrissage, comme la température et l’accélération, et la NASA doit encore les analyser pour déterminer si LOFTID a accompli sa tâche de manière adéquate.
Mais le fait que le bouclier ne se soit pas dégonflé et que l’atterrissage se soit déroulé en douceur montre que cette étrange technologie est capable de fonctionner, même si la NASA estime qu’elle a besoin d’un petit réglage pour rendre la descente plus confortable.
Les missions que cela permettra de réaliser seront vraiment révolutionnaires. Les boucliers thermiques de ce type pourraient augmenter considérablement les charges utiles vers Mars, facilitant ainsi les missions d’exploration à long terme. Il pourrait même permettre de faire atterrir l’équipement lourd nécessaire à l’exploration de l’océan souterrain de Triton et, peut-être, à la découverte de vie extraterrestre dans notre propre arrière-cour cosmique.
Via la NASA : NASA to Share First Results of Inflatable Heat Shield Technology Test et le site de l’United Launch Alliance : Atlas V Successfully Launches JPSS-2 and LOFTID!