Sur l’étrange moyen de colonisation d’une toute nouvelle espèce de tardigrades découverte en Finlande
Les tardigrades sont des animaux minuscules et incroyablement résistants, capables de faire face à un large éventail de dangers, y compris ceux qui anéantiraient la plupart des autres créatures connues de la science.
Image d’entête, à partir de l’étude, au microscope électronique : vue dorso-ventrale du corps du tardigrade finlandais Macrobiotus naginae. (Matteo Vecchi et col./ Zoological Studies)
Différentes espèces de tardigrades se sont adaptées à des habitats spécifiques sur toute la planète, des montagnes aux océans en passant par les calottes glaciaires. Leur résilience peut également les aider à survivre à des aventures accidentelles au-delà de la sécurité de leur habitat d’origine, ce qui peut conduire à des opportunités.
Dans une paire d’études (liens plus bas), des chercheurs révèlent un nouvel exemple de biodiversité des tardigrades, une espèce jusqu’alors inconnue adaptée aux dunes de sable, et elles offrent de nouvelles preuves suggérant que certains tardigrades trouvent des habitats à coloniser en se déplaçant à l’intérieur d’escargots.
Le tardigrade nouvellement découvert provient du parc national de Rokua, dans la région d’Ostrobothnie du Nord, en Finlande, où les chercheurs l’ont trouvé vivant sur du lichen et de la mousse dans une forêt de dunes.
Le paysage de Rokua a été façonné par les glaciers et le vent, formant des dunes et d’autres caractéristiques : eskers, kames et kettles. Il abrite également une forêt de dunes intérieures riche en lichens, un habitat menacé par l’activité humaine.
Les différentes formations glaciaires. (Hans Hillewaert/ Wiimedia)
Sous la direction de Matteo Vecchi, biologiste à l’université de Jyvaskyla, une équipe de scientifiques s’est rendue à Rokua pour collecter des mousses, des lichens, des feuilles mortes et des racines d’herbe dans le sable.
Non seulement ils ont trouvé des tardigrades, mais ils ont découvert une nouvelle espèce. Il s’agit du cinquième membre connu du taxon Macrobiotus pseudohufelandi, un petit groupe de tardigrades dotés d’adaptations telles que des pattes et des griffes réduites pour vivre sous terre.
Les chercheurs ont nommé l’espèce Macrobiotus naginae, en référence à Nagini, une femme serpent dans les livres « Harry Potter ».
A partir de l’étude, au microscope électronique : la patte du Macrobiotus naginae, structures de type jarretière et griffes. (Matteo Vecchi et col./ Zoological Studies)
Selon les chercheurs :
Autrefois une femme maudite qui est finalement et irréversiblement transformée en une bête sans membres, ce personnage de fiction fournit un nom approprié pour la nouvelle espèce du complexe pseudohufelandi, qui est à son tour caractérisée par des pattes et des griffes réduites.
Comme beaucoup d’animaux souterrains, ces tardigrades ont peut-être évolué vers des membres plus petits afin d’avoir une forme plus aérodynamique pour ramper dans le sol ou le sable, notent les chercheurs.
Et si tous les tardigrades ont besoin d’eau, ils ont aussi un super pouvoir pour survivre à de longues périodes de sécheresse, ce qui pourrait être utile dans des environnements plus arides.
Grâce à l’anhydrobiose, les tardigrades éjectent l’eau de leur corps pour devenir une entité sèche et pratiquement indestructible appelée tun (un état biologique spécifique au tardigrades). Dans cet état de suspension, un tardigrade peut survivre pendant des années ou des décennies, puis se réanimer brusquement en présence d’eau.
L’état de tun peut également protéger les tardigrades de toute une série d’autres dangers, notamment les températures extrêmes, la haute pression, la privation d’oxygène, les bombardements aux rayons X, les tirs d’armes à feu et l’exposition au vide spatial.
Cette capacité pourrait les aider à supporter les périodes de sécheresse dans leur habitat, ou les aider à coloniser de nouveaux endroits en les protégeant à travers un territoire inhospitalier si le vent les balaie.
Dans une autre étude, Vecchi et ses collègues notent que l’état d’hibernation n’est pas le seul moyen pour les tardigrades de se déplacer. Il est trop humide pour l’anhydrobiose dans l’intestin d’un escargot, par exemple, mais leur étude suggère que l’ingestion et la défécation par l’escargot est néanmoins un mode de transport viable, bien qu’il n’y ait aucune preuve que la nouvelle espèce voyage de cette façon.
D’autres minuscules créatures comme les nématodes et les acariens oribates peuvent également survivre au passage dans l’intestin d’un escargot, tout comme certaines graines de plantes et spores de lichens, de mousses et de fougères.
Cette étude suggère qu’il en va de même pour les tardigrades, bien que d’autres études aient montré que les escargots ne présentent pas un excellent niveau de sécurité pour les passagers de ce genre.
Le tardigrade récemment découvert Macrobiotus naginae et son “hote” l’escargot Arianta arbustorum ou Hélice des bois. (Tommi Vuori, Sara Calhim, Matteo Vecchi/ Ecology)
Les chercheurs ont récupéré 10 tardigrades dans les excréments d’escargots sauvages (Arianta arbustorum) dans un jardin en Finlande, dont cinq étaient vivants. Ils ont également donné 694 tardigrades à manger à des escargots dans un laboratoire, puis ils ont récupéré 218 tardigrades vivants dans les excréments des escargots.
Ils en ont trouvé 78 morts dans les excréments et ils ont indiqué que les 398 autres « sont censés avoir été digérés et détruits par le système digestif de l’escargot ».
Cependant, 31 % n’est pas zéro, et les tardigrades qui ont survécu se sont reproduits sans problème en laboratoire.
Les escargots ont livré les tardigrades sur plusieurs jours, la plupart des survivants apparaissant le deuxième jour, selon l’étude. Bien que les escargots ne soient pas connus pour leur rapidité, ils peuvent voyager plus vite que les tardigrades en raison de leur taille.
Selon de précédentes études, ces escargots se déplacent en moyenne de 0,18 à 0,58 mètre par jour, avec un maximum d’environ 5 mètres par jour.
Les chercheurs notent qu’un passage de deux jours dans l’intestin d’un escargot pourrait donc permettre aux tardigrades de parcourir jusqu’à 10 mètres par trajet, une distance considérable pour des animaux de moins d’un millimètre.
Les tardigrades ne choisissent pas où les escargots les emmènent et peuvent, en fait, être des passagers involontaires. Mais ces escargots préfèrent les habitats humides et moussus, tout comme les tardigrades, et les passagers survivants ont donc de bonnes chances de se retrouver dans un endroit hospitalier.
Ces résultats et découvertes publiés dans deux étude études, dans la revue Zoological Studies : Macrobiotus naginae sp. nov., a New Xerophilous Tardigrade Species from Rokua Sand Dunes (Finland) et dans Ecology : A lift in snail’s gut provides an efficient colonization route for tardigrades.