Grâce à Google Earth, des archéologues découvrent d’anciens camps romains dans le désert d’Arabie
De nombreuses personnes aiment « voyager » vers diverses destinations hors des sentiers battus dans le monde entier à l’aide de Google Earth, tout en restant confortablement installées dans leur salon, à des milliers de kilomètres de la « destination » réelle. Vous pouvez explorer les incroyables canaux de Venise, la Grande Muraille de Chine ou les rues animées de Manhattan. Certes, ce n’est pas la même chose que d’être sur place, mais cela permet de garder l’esprit d’aventure en éveil.
Mais Google Earth n’est pas seulement utile pour le tourisme numérique et les cours de géographie. Il peut aussi être un outil fantastique pour faire de l’archéologie à distance.
Par exemple, des chercheurs de l’école d’archéologie de l’Université d’Oxford ont utilisé des images satellites gratuites de Google Earth pour découvrir trois camps romains abandonnés en Arabie, qui semblent dater du IIe siècle après J.-C. D’après les chercheurs, ces camps militaires ont été construits dans le sud de l’Arabie, à l’ouest de l’île.
Image satellite du camp oriental. (Google Earth/ Université d’Oxford/ Antiquity)
Selon les chercheurs, ces camps militaires auraient été utilisés par les Romains lors d’une campagne contre le royaume nabatéen, situé en Jordanie et centré autour de la ville mondialement connue de Pétra.
Michael Fradley, qui a dirigé les recherches, explique que ces camps ont probablement été construits par l’armée romaine, étant donné la forme caractéristique des enceintes en forme de carte à jouer, avec des entrées opposées de chaque côté.
Le camp le plus à l’ouest est nettement plus grand que les deux camps situés à l’est, et la distance entre chaque camp varie de 37 à 44 km. Cet espacement suggère qu’ils ont été construits par une unité de cavalerie qui pouvait se déplacer sur un terrain aussi aride en une seule journée, peut-être à dos de chameau.
Vue oblique du camp occidental depuis le sud-ouest. (Université d’Oxford/ Antiquity)
Le royaume nabatéen était une civilisation ingénieuse qui a réussi à prospérer dans les environnements les plus rudes. Il s’agissait d’un peuple nomade qui se déplaçait avec son bétail dans toute la péninsule arabique. Mais c’était aussi un peuple de commerçants avisés, capable d’établir un vaste réseau de routes commerciales qui s’étendait de l’Inde à Rome. Ce réseau permettait aux Nabatéens d’échanger des épices, de l’encens et d’autres produits de luxe, ce qui les a rendus incroyablement riches.
Vue aérienne oblique du camp central, depuis l’est. (Université d’Oxford/ Antiquity)
Au centre de ce réseau commercial se trouvait la ville de Pétra, creusée dans les falaises de grès et ornée d’imposantes façades, de temples et de tombes grâce aux recettes de ce commerce lucratif.
Le Deir, un tombeau nabatéen le plus grand de la cité antique de Pétra en Jordanie. (Berthold Werner/ Wikimedia)
Cependant, les Nabatéens ont peut-être eu trop de succès à leur avantage. L’éclat du joyau qu’était Pétra attirait les regards envieux, y compris ceux des insatiables Romains.
Le royaume nabatéen a été annexé par l’Empire romain sous l’empereur Trajan en 106-107 après J.-C., devenant la province d’Arabia Petraea (Arabie pétrée). Selon les documents romains qui ont survécu, cette annexion s’est déroulée pacifiquement, ce qui amène à penser que les Nabatéens se sont rendus sans combattre, se retrouvant encerclés par l’ennemi qui, à l’époque, contrôlait l’Égypte, la Syrie et la Judée voisines.
Mais si c’est le cas, pourquoi ces camps récemment découverts ont-ils été construits ? Le professeur Andrew Wilson, coauteur de cette étude, estime que ces avant-postes suggèrent que l’annexion du royaume nabatéen par Rome après la mort du dernier roi, Rabbel II Soter, en 106 après J.-C., ne fut pas une opération facile et que Rome s’est empressée de sécuriser le royaume.
Le niveau de conservation des camps est remarquable, étant donné qu’ils n’ont peut-être été utilisés que pendant quelques jours ou quelques semaines. Les camps se trouvaient le long d’une route périphérique pour les caravanes reliant Bayir et Dumat al-Jandal, ce qui suggère une stratégie visant à contourner la route plus utilisée du Wadi Sirhan et à ajouter un élément de surprise à l’attaque.
A partir de l’étude : carte montrant l’emplacement des camps romains. (M. Fradley et col./ Antiquity)
Si tel est le cas, cela signifie que les sites archéologiques découverts numériquement révèlent un chapitre jusqu’alors inconnu de l’histoire romaine.
Cependant, des questions restent en suspens. Par exemple, pourquoi le camp occidental a-t-il une capacité deux fois plus importante que les deux autres ? La force s’est-elle divisée, et si oui, où est passée l’autre moitié ? Cette moitié a-t-elle été anéantie lors d’une bataille, ou est-elle restée dans le camp occidental pour réapprovisionner les autres camps en eau ?
Malgré les questions restées sans réponse, cette découverte a permis de mieux comprendre l’histoire romaine et la manière dont les Romains acquéraient leurs provinces. Alors que les forts et les forteresses romains montrent comment Rome détenait une province, les camps temporaires révèlent comment ils l’ont acquise au départ.
Selon les chercheurs :
Les futurs travaux de terrain pourraient éventuellement confirmer certaines de ces interprétations initiales, en particulier si le matériel peut révéler la période pendant laquelle les camps ont été construits et occupés. Des recherches plus approfondies dans le sud du Wadi Sirhan et dans les environs de Dûmat al-Jandal pourraient également nous permettre de mieux connaître l’armée romaine qui opérait dans cette région.
En outre, cette découverte n’est pas seulement d’une grande importance historique, mais elle témoigne également des merveilles de la technologie moderne. Qui aurait pensé que Google Earth pourrait révéler des preuves d’une campagne militaire romaine jusqu’alors non documentée ? Cela prouve qu’il existe encore des secrets cachés qui attendent d’être découverts.
L’étude publiée dans la revue Antiquity : A lost campaign? New evidence of Roman temporary camps in northern Arabia et présentée sur le site de l’Université d’Oxford : ‘Spectacular’ new find: Roman military camps in desert found by Oxford archaeologists using Google Earth.