La reconstitution de génomes bactériens de l’âge de pierre permet de fabriquer des molécules disparues depuis longtemps
Des scientifiques ont reconstitué le génome de microbes de l’âge de pierre et l’ont utilisé pour produire de nouvelles molécules. Ce “puzzle” complexe a été reconstitué à partir de fragments d’ADN de bactéries présentes sur les dents d’anciens humains et de Néandertaliens.
Image d’entête : une ancienne dent recouverte de tartre, qui a préservé l’ADN de bactéries pendant des dizaines de milliers d’années. (Felix Wey/ Fondation Werner Siemens)
À l’aide d’outils très semblables à ceux d’un cabinet dentaire moderne, l’équipe a gratté la plaque dentaire calcifiée, ou tartre, sur les dents de 12 spécimens néandertaliens et de 34 spécimens humains, datant d’il y a 100 000 ans. Dans ce matériau se trouvent les restes fossilisés d’anciennes bactéries, ainsi que du matériel génétique préservé, mais qui est malheureusement loin d’être complet.
Selon Christina Warinner, auteure principale de l’étude :
Un génome bactérien typique a une longueur de trois millions de paires de bases, mais le temps fragmente l’ADN ancien que nous récupérons à une longueur moyenne de seulement 30 à 50 paires de bases. En d’autres termes, chaque ancien génome bactérien est comme un puzzle de 60 000 pièces, et chaque morceau de tartre dentaire contient des millions de génomes.
Un chercheur prélève des échantillons de tartre sur une dent fossilisée. (Felix Wey/ Fondation Werner Siemens)
Pour s’attaquer à ce casse-tête impossible, les chercheurs ont adapté une technique appelée « assemblage de novo« , qui consiste à rechercher des fragments qui se chevauchent et à les utiliser pour construire des sections de plus en plus grandes d’un génome. L’équipe a optimisé la méthode pour qu’elle fonctionne sur des fragments d’ADN ultracourts et elle a pu reconstruire quelques centaines de génomes de bactéries essentiellement buccales.
Toujours selon Warinner :
En plus des suspects habituels, nous avons également pu reconstruire des génomes qui n’étaient pas connus auparavant. Cela nous a donc permis de découvrir de nouvelles espèces buccales.
Parmi ces génomes, deux en particulier se sont distingués par leur qualité et parce qu’ils comprenaient des groupes de gènes qui codent pour des enzymes produisant des substances chimiques. Ces molécules peuvent potentiellement être utilisées pour fabriquer de nouveaux médicaments, carburants, matériaux et autres produits utiles.
L’équipe a créé une version synthétique de l’un de ces groupes de gènes et l’a inséré dans une espèce de bactérie moderne. Les insectes ont alors commencé à produire de nouveaux composés chimiques, que l’équipe a nommés paléofuranes A et B, qui les aidaient à digérer les nutriments.
Pour Warriner :
Cela confirme que nos assemblages sont corrects, car s’il y avait eu des erreurs, cela n’aurait pas fonctionné.
Les chercheurs travaillent actuellement à l’extension de la technique afin de traiter davantage de données et d’accélérer les processus d’identification des groupes de gènes producteurs de substances chimiques. En fin de compte, cette technique pourrait aider les scientifiques à extraire de nouvelles molécules importantes d’un lointain passé.
L’étude publiée dans Science : Natural products from reconstructed bacterial genomes of the Middle and Upper Paleolithic et présentée sur le site de l’Université Harvard : Bringing Stone Age genomic material back to life.