Il pourrait y avoir 100 fois plus de planètes humides que prévu
Des astronomes dirigés par Lujendra Ojha, de l’université Rutgers, aux Etats-Unis, font la lumière sur la présence potentielle d’eau au-delà de notre système solaire. Leur analyse, publiée cette semaine, suggère que les exoplanètes semblables à la Terre et contenant de l’eau liquide pourraient être beaucoup plus courantes qu’on ne le pensait, ce qui augmenterait considérablement les chances de découvrir des formes de vie extraterrestres.
Image d’entête : représentation d’une exoplanète semblable à la Terre. (Javier Miranda/ Unsplash)
L’étude se concentre principalement sur les planètes en orbite autour d’étoiles naines rouges ou naines M pour étoiles de type spectral M, situées dans la zone dite habitable (Goldilocks zone en anglais), des planètes Boucle d’or où la température n’est ni trop froide, ni trop chaude pour abriter de l’eau liquide. Les naines M sont le type d’étoile le plus répandu dans notre galaxie.
Plus petites et plus froides que notre Soleil, elles représentent environ 70 % des étoiles de la Voie lactée. La plupart des exoplanètes rocheuses semblables à la Terre découvertes à ce jour sont également en orbite autour de ces étoiles.
Ojha souligne l’importance de l’eau liquide pour l’existence de la vie :
Nous savons que la présence d’eau liquide est essentielle à la vie. Nos travaux montrent que cette eau peut se trouver dans des endroits que nous n’avions guère envisagés. Cela augmente considérablement les chances de trouver des environnements où la vie pourrait, en théorie, se développer.
Alors que les précédentes recherches se sont concentrées sur les caractéristiques de la surface des exoplanètes, cette étude explore la possibilité d’une eau liquide souterraine, même sur des planètes à la surface gelée. Les chercheurs ont identifié deux mécanismes essentiels susceptibles de générer suffisamment de chaleur pour que l’eau souterraine reste liquide.
La composition atmosphérique fortuite de la Terre, composée de la juste quantité de gaz à effet de serre, permet la présence d’eau liquide stable à sa surface. Toutefois, si la Terre perdait ces gaz à effet de serre, la température moyenne à la surface du globe chuterait à environ -18 °C, ce qui entraînerait le gel de l’eau de surface.
Néanmoins, la radioactivité du noyau terrestre génère suffisamment de chaleur pour maintenir l’eau liquide sous la glace. Ce phénomène peut être observé aujourd’hui dans des régions comme l’Antarctique et l’Arctique canadien, où de grands lacs souterrains d’eau liquide persistent malgré les températures glaciales de surface. Il est même possible que de telles conditions existent au pôle sud de Mars.
Selon Lujendra Ojha :
Au cours de la dernière décennie, nous avons découvert plusieurs exo-planètes semblables à la Terre. Si ces planètes avaient une atmosphère contenant une quantité suffisante de gaz à effet de serre, on pourrait imaginer qu’il y ait de l’eau liquide à la surface.
Cependant, il n’est pas certain que ces planètes soient suffisamment chauffées par l’effet de serre. Les naines M sont très différentes de notre étoile et l’effet des caractéristiques stellaires sur l’atmosphère des exoplanètes tournant autour des naines M fait l’objet de nombreux débats.
Le modèle étudie ce qu’il advient de l’eau sur ce genre de planètes, en examinant la possibilité de générer de l’eau liquide grâce à l’énergie interne de la planète. Cette énergie provient de la radioactivité d’éléments communément trouvés dans les roches comme l’uranium, le thorium et le potassium.
Toujours selon Ojha :
Nous connaissons la distance qui sépare les exoplanètes de leur étoile hôte. En réalisant des calculs très simples et astucieux, nous pouvons nous faire une idée de la température de surface de ces planètes. Toutes les exoplanètes que nous étudions dans ce travail se trouvent à une distance suffisante pour que l’eau liquide soit stable.
Malgré leurs surfaces gelées, les lunes du système solaire, telles qu’Europe et Encelade, présentent une importante quantité d’eau liquide souterraine. Ces lunes subissent en permanence les effets des marées provoquées par l’influence gravitationnelle des planètes massives autour desquelles elles gravitent, un peu comme notre Lune, mais à une échelle beaucoup plus grande. Par conséquent, ces lunes deviennent des candidates de choix pour la recherche de la vie dans notre système solaire, et de futures missions sont déjà prévues pour explorer ces intrigants corps célestes.
Représentation de l’océan qui se cache sous la surface d’Europe, s’infiltrant à travers certaines de ses fissures en surface. (NASA)
En tenant compte de la chaleur générée par la radioactivité, les chercheurs ont simulé la possibilité de maintenir de l’eau liquide sur des exoplanètes en orbite autour de naines M. Avant de tenir compte de l’eau souterraine, on estime que seule une planète rocheuse sur 100 possède de l’eau liquide.
Avant de prendre en compte l’eau souterraine, il a été estimé que seule une étoile sur 100 posséderait une planète rocheuse avec de l’eau liquide. Toutefois, si l’on tient compte des sources d’eau souterraines, ce chiffre pourrait approcher une planète par étoile. Cela signifie que les chances de trouver de l’eau liquide et, par extension, les chances de vie ont augmenté d’environ 100.
Les chercheurs ont présenté leurs travaux le 11 juillet 2023 à la Goldschmidt geochemistry conference qui se tient à Lyon, en France : On the likely prevalence of ocean-worlds in m-dwarf systems et l’étude publiée dans Nature Communications : Liquid water on cold exo-Earths via basal melting of ice sheets.