Les rats peuvent faire preuve d’imagination pour recréer mentalement les lieux qu’ils ont visités
Les rats peuvent déplacer un objet dans la réalité virtuelle en utilisant uniquement leurs pensées, démontrant ainsi la même capacité que celle utilisée par les humains lorsqu’ils revivent des événements passés ou imaginent de nouveaux scénarios.
Selon le Dr Albert Lee, l’un des auteurs de cette nouvelle étude (lien plus bas) :
Imaginer est l’une des choses remarquables que les humains sont capables de faire. Aujourd’hui, nous avons découvert que les animaux en sont également capables, et nous avons trouvé un moyen de l’étudier.
La découverte que les rats peuvent imaginer vient s’ajouter aux recherches montrant que les rongeurs sont des êtres très intelligents, empathiques et enjoués, qui vont même jusqu’à « rire » lorsqu’on les chatouille.
L’hippocampe, dans le cerveau, est utilisé pour la mémoire, l’imagination et la planification de l’avenir. Il contient une carte cognitive des environnements précédemment explorés et la capacité de simuler des scénarios, une caractéristique de l’intelligence. Pour tester la capacité des rats à contrôler leur activité hippocampique, l’équipe de chercheurs du Janelia Research Campus du Howard Hughes Medical Institute aux États-Unis a équipé les rongeurs d’une interface cerveau-machine connectée à une arène de réalité virtuelle.
L’interface cerveau-machine a permis aux chercheurs de détecter les pensées des rats en mesurant l’activité neuronale dans l’hippocampe et en la traduisant en position dans l’arène de réalité virtuelle. Cela était nécessaire, souligne cette étude, car « nous ne pouvons pas simplement demander aux animaux d’imaginer des scénarios ».
Une fois équipés du dispositif, les rats ont été soumis à deux tâches. Dans la première, les rats, attachés à un harnais mais capables de se déplacer sur une sphère roulante, ont couru vers un but dans une arène virtuelle à deux dimensions, pour recevoir une récompense. Le rythme et la direction du mouvement des rats sur le tapis roulant actualisaient leur position virtuelle dans l’arène. Les animaux ont effectué cette tâche plusieurs fois pendant environ 40 minutes.
Description du dispositif expérimental. Le rat est sur une sphère mobile qu’il contrôle lors de ses déplacements motivé par l’affichage sur un écran. (Lai et col./ Science)
Les données recueillies pendant la course ont ensuite été utilisées pour entraîner le système de réalité virtuelle de sorte que les mouvements dans le jeu soient adaptés aux mouvements du rat dans la première tâche.
A partir de l’étude : en même temps que le rat navigue dans le système de réalité virtuelle, le système enregistre l’activité de l’hippocampe du rat. Les chercheurs peuvent voir quels neurones sont activés lorsque le rat se déplace dans l’arène pour atteindre chaque objectif, l’activité hippocampique du cerveau se traduisant par des actions à l’écran. (Lai et col./ Science)
Une deuxième tâche dite du « Jedi » a ensuite permis de tester la capacité des rats à déplacer des objets dans la réalité virtuelle, en utilisant dans ce cas uniquement leur esprit.
Selon l’auteur de l’étude, Chonxi Lai :
Même si son corps physique est fixe, ses pensées spatiales peuvent aller dans un endroit très éloigné.
Dans la tâche du Jedi, le tapis roulant a été enlevé. Les rats ont effectué la même tâche à l’arrêt, en déplaçant un objet vers un but dans la réalité virtuelle et en l’y maintenant, « au moyen d’une téléportation à la première personne basée sur le BMI », explique l’étude. Comme dans la première tâche, les rats étaient récompensés chaque fois qu’ils atteignaient un objectif dans la réalité virtuelle.
A partir de l’étude : description de la tâche du “Jedi”. (Lai et col./ Science)
Tout au long de ces tâches, l’activité neuronale des rats a été enregistrée à l’aide de l’interface cerveau-machine.
De la même manière que les humains imaginent un voyage ou une tâche à l’avance avant de quitter leur maison, le rat utilise ses pensées pour se diriger vers la récompense en pensant d’abord à l’endroit où il doit se rendre pour y arriver. L’imagination consiste à garder une seule pensée à l’esprit pendant de longues périodes, ce qui implique de nouveaux scénarios. Dans les deux tâches, les rats ont démontré leur capacité à contrôler avec précision et souplesse l’activité de leur hippocampe.
Selon les chercheurs :
Les rats pouvaient activer et maintenir la représentation d’un lieu éloigné autour de l’objectif pendant de longues périodes, jusqu’à la fin de l’essai, puis reporter leur attention sur l’objectif suivant.
Les animaux ont pu accomplir cette tâche avec un minimum de mouvements physiques et sans entraînement poussé.
Au final, ces résultats montrent que les rats possèdent une forme d’imagination, la capacité de se représenter volontairement des lieux éloignés de leur position actuelle et de planifier des scénarios futurs, comme le font probablement les humains.
L’étude publiée dans Science : Volitional activation of remote place representations with a hippocampal brain–machine interface et présentée sur le site du Janelia Research Campus : Rats have an imagination, new research suggests.