Pourquoi les anguilles électriques n’hésiteront pas à grimper et à se frotter à de bien plus gros animaux qu’elles ?
Apparemment, les anguilles électriques (Electrophorus electricus) sautent de l’eau pour s’attaquer à toute menace bien plus grosse qu’elles avec de bonnes décharges électriques et une nouvelle étude vient confirmer et détailler cette observation réalisée il y a 200 ans.
Dans des expériences récentes et par hasard, un scientifique a constaté que le poisson d’Amérique du Sud grimpe aux grands objets en mouvement et partiellement submergés, en appuyant son menton contre la cible pour décharger des chocs électriques. La découverte vient appuyer le récit d’une pêche d’anguille par le naturaliste allemand Alexander von Humboldt.
En 1800, Humboldt a observé des pêcheurs du Venezuela collecter des anguilles électriques par le biais d’une « pêche avec des chevaux. » Les hommes ont parqué leurs montures dans une mare boueuse contenant des anguilles électriques, provoquant, à plusieurs reprises, leurs attaques. Une fois les anguilles épuisées et deux chevaux noyés, les indigènes ont pu capturer les poissons, mesurant jusqu’à 1,5 mètre de long, en toute sécurité.
Cette célèbre histoire a été répétée et illustrée de nombreuses fois, mais bon nombre furent sceptiques quant à sa véracité, y compris Kenneth Catania, biologiste à l’université Vanderbilt (Tennessee, États-Unis).
Cette illustration représente la bataille entre les anguilles et les chevaux comme observés par Alexander von Humboldt en mars 1800. (1843. Robert H. Schomburgk)
Sceptique jusqu’à ce qu’il soit témoin, par hasard, d’un comportement similaire chez les anguilles électriques de son laboratoire. Habituellement, pour des expériences qui n’ont pas de rapport avec celle décrite ici, Catania transférait les anguilles de leur aquarium vers une chambre expérimentale avec un filet qui avait une bordure et une poignée en métal.
Il a remarqué que lorsqu’il approchait le filet qu’il tenait avec des gants isolant, l’anguille tentait de bondir et de se frotter à sa bordure en s’aidant de son menton.
Certaines espèces de poissons sautent pour échapper aux menaces, mais Catania a remarqué que les anguilles électriques coordonnaient leurs sauts avec des salves d’impulsions électriques à haute tension, ce qui indique que c’était autre chose qu’une tentative d’évasion.
Pour mesurer la tension et le courant de ces impulsions, le chercheur a partiellement immergé une tige et une plaque conductrice dans l’eau de l’aquarium des anguilles. Celles-ci ont sauté et ont électrocuté à la fois la tige et la plaque, et plus l’anguille grimpait, plus la tension et l’intensité du courant augmentaient.
Catania a également raccordé des LED à des bandes de ruban conducteur pour les attacher à un faux prédateur, ce qui a révélé que, en sautant, les anguilles électrifient progressivement de plus grandes portions de la cible partiellement submergée.
Image tirée de l’étude : une fausse tête de crocodile comportant une série de LED soumis à l’attaque et aux chocs électrique d’une anguille. (K. Catania/ PNAS)
Enfin, des vidéos au ralenti ont révélé que les anguilles courbent le cou pour maintenir le contact entre leurs organes électriques et la menace. Cette stratégie permet aux anguilles de délivrer une grande partie de leur énergie électrique (qui se dissipe normalement dans l’eau qui les entoure), directement à une menace.
Catania affirme que ces attaques semblent être plus efficaces contre ses prédateurs terrestres ou semi-aquatiques. Les anguilles pourraient recourir à ce comportement agressif lorsqu’elles sont prises au piège dans les mares asséchées au cours de la saison sèche amazonienne, cette même période de l’année où la rencontre de Humboldt a eu lieu.
Pour le biologiste, les anguilles ont un “degré surprenant de sophistication et de nuance » dans la façon dont ils ont à la fois de détecter et de manipuler leurs proies et d’éviter les prédateurs.
Ces nouveaux résultats se fondent sur de précédents travaux de Catania, sur la façon dont les anguilles électriques peuvent faire varier la tension administrée dans leurs décharges électriques pour étourdir ou tuer leur proie. Il a ainsi rapporté, en 2015, que l’anguille peut aussi utiliser ces tensions plus élevées pour détecter et suivre des proies potentielles, comme les chauves-souris qui utilisent l’écholocation pour naviguer et chasser.
La description de la découverte :
L’étude publiée dans PNAS : Leaping eels electrify threats, supporting Humboldt’s account of a battle with horses.
partiellement immergé plutot que submergé, merci.