Les louveteaux savent aussi rapporter la balle et les chiens errants comprennent aussi les signes des humains
Deux études indépendantes ont montré que les jeunes loups et les chiens errants peuvent interpréter correctement les signes humains et y répondre sans entraînement préalable.
En Suède, des écologistes du comportement sont restés bouche bée lorsqu’ils ont constaté que des louveteaux élevés par leurs soins présentaient une capacité totalement inattendue à récupérer une balle de tennis comme un chien domestiqué. Cette observation nous permet de mieux comprendre comment ces créatures sauvages interprètent les signaux des humains, et nous éclaire sur la façon dont les premiers stades de la domestication du chien ont pu se dérouler.
La recherche a été menée par des scientifiques de l’université de Stockholm, qui élèvent des louveteaux et des chiots dès l’âge de 10 jours pour étudier l’impact de la domestication sur le comportement. Pour ce faire, ils leur font subir divers tests, dont l’un consiste à ce qu’un étranger lance une balle de tennis à travers une pièce et encourage les louveteaux à la rapporter.
L’équipe n’avait aucune attente et les deux premières séries de portées de loups qui ont participé à l’expérience n’y n’ont rien changé en montrant peu ou pas d’intérêt pour les balles. Mais dans la troisième portée que les scientifiques ont testée, trois louveteaux âgés de 8 semaines ont couru après la balle. Ils ont ensuite défié les attentes en réagissant aux indications de personnes leur étant inconnues pour ramener la balle.
Vidéo tirée de l’étude : un louveteau de 8 semaines (Sting) récupérant complètement la balle sur les encouragements de l’évaluateur. Ce comportement est noté 5, coopération totale.
Selon l’auteur principal, Christina Hansen Wheat, de l’université de Stockholm :
Ce fut très surprenant de voir des loups récupérer la balle. Je ne m’attendais pas à cela. C’était particulièrement surprenant qu’ils récupèrent la balle pour une personne qu’ils n’avaient jamais rencontrée auparavant.
Avant cette découverte, on pensait que les chiens n’avaient acquis les capacités cognitives pour des tâches comme la récupération d’un objet que lorsque les humains les ont domestiqués, il y a plus de 15 000 ans. Selon Hansen, cette nouvelle connaissance sur le comportement des louveteaux peut offrir quelques indices sur la façon dont les chiens ont évolué pour récupérer naturellement des objets (enfin, certains d’entre eux au moins).
Toujours selon Christina Hansen Wheat :
Quand j’ai vu le premier louveteau récupérer la balle, j’ai littéralement eu la chair de poule. C’était tellement inattendu, et j’ai immédiatement su que cela signifiait que si le comportement de jeu dirigé par l’homme varie chez les loups, ce comportement aurait pu être une cible potentielle pour les premières pressions sélectives exercées lors de la domestication des chiens.
L’étude publiée dans iScience : Intrinsic Ball Retrieving in Wolf Puppies Suggests Standing Ancestral Variation for Human-Directed Play Behavior et présentée sur le site de l’université de Stockholm : Scientists unexpectedly witness wolf puppies play fetch.
Les chiens errants comprennent aussi les signes des humains
La deuxième étude, de chercheurs de l’Institut indien de l’enseignement et de la recherche scientifiques de Kolkata, en Inde, a examiné si des chiens non entraînés (Canis familiaris) errant en liberté en Inde réagissaient aux signes des humains.
Ils ont découvert que la plupart des chiens testés pouvaient suivre les gestes de pointage humains pour choisir parmi deux bols couverts celui qui contenait de la nourriture.
Selon Anindita Bhadra, de l’Institut indien d’éducation et de recherche scientifique :
Cette étude est une partie du puzzle concernant l’adaptation précoce des chiens au cours du processus de domestication que nous essayons de déchiffrer.
Lors d’une précédente expérience similaire, son équipe a découvert que les chiots suivaient des gestes de pointage, mais pas les jeunes ni les adultes.
La nouvelle étude, avec 160 chiens errants, a obtenu un taux de réussite plus élevé malgré des gestes plus complexes. Badhra attribue cela au positionnement de l’expérimentateur. Dans l’étude précédente, la personne se penchait et le doigt pointé était près de la gamelle, ce qui aurait pu rendre les chiens méfiants.
Dans la présente étude, les chiens devaient observer l’expérimentateur et comprendre leur “pointage distal” vers le bol, soit momentanément ou de façon répétée, pour suivre le geste.
Environ la moitié des chiens ne se sont pas approchés de l’un ou l’autre des bols, ceux-ci présentaient des réactions de peur ou de méfiance. Parmi ceux qui ont osé, 80% ont réussi à choisir le bon bol, même en le pointant momentanément, et ont été récompensés par de la nourriture.
Selon les chercheurs :
Comme les chiens testés ne sont pas entraînés à suivre le pointage humain, l’étude révèle les réponses et les capacités intrinsèques des chiens en liberté.
Selon Bhadra :
Ce serait vraiment adaptatif dans l’environnement dans lequel ils vivent, car ils rencontrent régulièrement des humains, et bien qu’ils reçoivent de la nourriture et des caresses de certains, ils reçoivent souvent des menaces et des coups de la part d’autres.
La capacité à comprendre le langage corporel et les intentions des humains est donc un important trait de survie pour les chiens. Cela révèle aussi ce que les chiens sont capables d’apprendre par eux-mêmes, sans être entraînés.
L’étude publiée dans la revue Frontiers in Psychology : Free-Ranging Dogs Are Capable of Utilizing Complex Human Pointing Cues.