L’humain est capable d’apprendre à utiliser l’écholocation en seulement 10 semaines
Pour des chercheurs de l’Université de Durham (Royaume-Uni) le même type d’écholocation qu’utilisent les chauves-souris pourrait également aider les personnes aveugles à mieux s’orienter, en utilisant leur langue pour faire des clics, et en interprétant les sons des échos réfléchis par le milieu environnant.
Dans leur nouvelle étude, les chercheurs ont constaté que les participants aveugles et voyants qui ont pris part à un programme de formation de 10 semaines ont pu apprendre à pratiquer l’écholocation, et les participants aveugles ont largement indiqué que cela semblait améliorer leur mobilité et leur capacité à vivre de manière indépendante par la suite.
Image d’entête : issue d’une précédente étude, le faisceau sonore d’un “écholocateur” concentre les échos devant lui. (Thaler et al./ Plos Computational Biology 2017)
L’écholocation, qui consiste pour un animal à émettre un son puis à détecter la façon dont ce son rebondit sur des surfaces afin de percevoir les objets solides qui l’entourent, est facilement pratiquée par certaines espèces de mammifères, comme la plupart des chauves-souris et les baleines. Certains aveugles ont cependant développé leur propre version de l’écholocation, probablement depuis les années 1700. Plus récemment, des aveugles tels que Daniel Kish (surnommé “l’homme chauve-souris”) ont écrit et parlé de leurs propres méthodes d’écholocation, qui impliquent généralement des clics buccaux.
Lore Thaler, psychologue expérimentale à l’université de Durham, étudie l’écholocation humaine depuis plusieurs années. Ses recherches passées ont tenté de dégager les spécificités et les éventuels avantages de l’écholocation. En 2019, par exemple, une étude menée par Thaler et ses collègues a révélé que les cliqueurs/ “écholocateurs” expérimentés pouvaient détecter de petits changements dans leur environnement à une distance de 60 cm à 1,50 m.
Dans cette nouvelle recherche (lien plus bas), Thaler et son équipe ont voulu tester si des personnes inexpérimentées, voyantes ou non, pouvaient apprendre à écholocaliser en un temps relativement court et si cette compétence pouvait ensuite réellement aider les personnes aveugles.
Ils ont recruté 14 personnes voyantes et 12 personnes devenues aveugles très tôt dans leur vie pour l’expérience, qui comprenait 20 séances d’entraînement sur 10 semaines. Les volontaires étaient âgés de 21 à 79 ans et aucun d’entre eux n’avait utilisé régulièrement l’écholocation auparavant (deux des aveugles avaient une certaine expérience, mais tous les autres n’en avaient aucune). Pour valider leurs tests et établir un point de référence, ils ont également demandé l’aide de sept personnes qui pratiquaient l’écholocation depuis au moins 10 ans.
Dans l’ensemble, l’équipe a constaté que toutes les personnes avaient sensiblement amélioré leurs performances lors des tests d’écholocation au cours de la période de 10 semaines. Ces tests portent sur des situations telles que la reconnaissance de l’emplacement et de la taille relatives d’objets proches ou la capacité à se déplacer dans un environnement naturel hors du laboratoire sans avoir besoin de voir. Ces progrès ne semblaient pas être influencés par l’âge ou le degré de cécité des participants. Quelques personnes ont même obtenu d’aussi bons résultats que des “écholocateurs” experts dans certaines tâches, tandis que certains voyants ont fait mieux que certains aveugles.
Les volontaires aveugles ont également été interrogés 3 mois plus tard sur la façon dont la formation avait pu affecter leur vie. Ils ont tous déclaré que leur mobilité s’était améliorée à la suite de la formation, tandis que 83 % d’entre eux ont également déclaré se sentir plus indépendants. Selon Thaler, ces résultats suggèrent que cette formation peut être facilement adoptée par de nombreuses personnes et qu’elle peut aider les aveugles dans leurs activités quotidiennes, ajoutant que :
Ces derniers résultats montrent que l’apprentissage de cette compétence a un effet positif sur la vie quotidienne des aveugles (amélioration de la mobilité, de l’indépendance, du bien-être). C’est la première fois que des données ont été recueillies qui l’attestent directement. De plus, nous avons constaté que tant les aveugles que les voyants peuvent l’apprendre, et que l’âge n’est pas un facteur limitant.
Les résultats de leur étude sont basés sur un petit échantillon, ils ne doivent donc pas être considérés comme une preuve concluante des avantages de l’écholocation. Mais Thaler et son équipe prévoient de continuer à étudier l’écholocation humaine sous différentes formes. Actuellement, ils travaillent sur une étude des données de neuro-imagerie pour comprendre comment l’apprentissage de cette compétence pourrait modifier le cerveau d’une personne, tandis que de futures recherches étudieront comment l’écholocation enseignée très tôt peut aider les enfants aveugles.
L’étude publiée dans PLOS One : Human click-based echolocation: Effects of blindness and age, and real-life implications in a 10-week training program et présentée sur le site de l’Université de Durham : Can echolocation help people with vision loss?