Ce magnifique processus naturel se forme dans des circonstances bien spécifiques, sur les branches de certains arbres pourris et seulement dans quelques endroits sur Terre.

Une équipe de scientifiques, dirigée par la Dre Diana Hofmann de l’Institut de biotechnologie et des sciences de la terre à Jülich, en Allemagne, a identifié l’ingrédient manquant qui donne l’une des plus intrigantes formes de glace, appelée cheveux de glace : le champignon Exidiopsis effusa.

Image d’entête : chevelure de glace poussant sur une branche à Moosseedorf, en Suisse (Christian Mätzler).

La chevelure ou cheveux de glace, prend la forme de poils fins, d’un diamètre d’environ 0,02 mm et mesurant jusqu’à 20 cm. Ils peuvent être observés dans les forêts, sur du bois mort, le plus souvent sur le sol et parfois sur des arbres qui sont encore debout.

A partir de l’étude, zoom sur les cheveux de glace (Christian Mätzler)

Selon l’équipe d’Hofmann, la chevelure de glace pousse sur la surface du bois non gelé de certaines branches humides et pourries d’arbres à larges feuilles. Les poils sont lisses avec un éclat soyeux. Ils se présentent en bouquet de jolies structures, en boucles et en vagues, mais sans ramification.

Bien que les poils sont pour la plupart séparés, ils suivent un ordre macroscopique, souvent avec une surprenante régularité.

La base des cheveux est enracinée dans des zones sans écorce ou lorsque celle-ci est desserrée, mais jamais sur celle-ci. L’extrémité extérieure est soit libre ou en contact avec une croûte de glace ou un matériau, comme des feuilles ou l’écorce environnante. Parfois, les poils forment une boucle pour revenir vers la branche.

A partir de l’étude (Gisela Preuß)

Cependant, dans l’air froid et sec, la chevelure de glace se sublime (fond) rapidement. Par conséquent, elle ne peut être observée que par temps calme, humide et à des températures légèrement en dessous de 0 °C.

Il existe de nombreuses observations de la chevelure de glace, surtout aux latitudes entre 45 et 55 degrés N au Canada, en France, Allemagne, Inde, Irlande, Pays-Bas, Écosse, Slovénie, Suède, Suisse, États-Unis et au Pays de Galles.

Dans une nouvelle étude, Hofmann et ses collègues allemands et  Suisse ont confirmé une hypothèse centenaire sur l’origine de ce type de glace. Ils ont effectué une série d’expériences pour déterminer quelles étaient les conditions nécessaires pour développer la chevelure de glace et déterminer ses propriétés.

Le scientifique allemand Alfred Wegener (découvreur du paléomagnétisme et créateur de la théorie de la dérive des continents) a été le premier à étudier les cheveux de glace. En 1918, il a remarqué un revêtement blanchâtre à la base de cheveux de glace sur la surface d’un bois, que son assistant a identifié comme étant du mycélium de champignon, la structure en forme de minces filets d’où les champignons poussent. Il a suggéré qu’il y avait une relation entre la glace et le champignon dans le bois.

90 ans plus tard, Gerhart Wagner, un professeur suisse à la retraite qui a fait des recherches sur la chevelure de glace pendant des décennies, a trouvé les preuves de cette relation : le fait de traiter le bois avec un fongicide ou de le tremper dans l’eau chaude a stoppé la croissance des cheveux de glace.

Mais les espèces de champignons et le mécanisme qui stimule la croissance des cheveux de glace restaient encore à identifier. Ce fut le but du Dre Hofmann et ses collègues.

Ils ont étudié des échantillons de bois portant une chevelure de glace et recueillie au court des hivers 2012-2014 dans les forêts près de Brachbach, dans l’ouest de l’Allemagne. Ils ont analysé les échantillons de bois à l’aide de différentes techniques de microscopie et ils ont  identifié onze espèces différentes de champignons.

Selon Gisela Preuss, une biologiste Allemande et coauteur l’étude :

L’un d’eux, l’Exidiopsis effusa, a colonisé l’ensemble de notre bois produisant une chevelure de glace et dans plus de la moitié des échantillons, il était la seule espèce présente.

Christian Mätzler de l’université de Berne en Suisse a réalisé des expériences visant à mieux comprendre la physique des cheveux de glace sur des échantillons recueillis dans une forêt à Moosseedorf, Suisse.

Il a constaté que le mécanisme d’entrainement, chargé de produire les filaments de glace à la surface du bois, est la ségrégation de glace.

Selon les chercheurs :

L’eau liquide, près de la surface de la branche, gèle au contact de l’air froid, créant un front de glace et prenant en sandwich un mince film d’eau entre cette glace et les pores du bois. L’aspiration résultant des forces intermoléculaires se repoussant, agissant sur ce sandwich bois-glace- eau conduit alors l’eau à l’intérieur des pores du bois à se déplacer vers l’avant de la glace, où elle gèle et ajoute à la glace existante.

Ils ont ensuite étudié la chevelure de glace. Les analyses chimiques de la glace fondue ont montré que l’eau contenait des fragments du complexe composés organiques, la lignine et des tanins.

Puisque ce sont des produits métaboliques de l’activité fongique, cette constatation confirme en outre l’influence biologique sur la glace de cheveux.

L’étude en libre accès publiée dans Biogeosciences : Evidence for biological shaping of hair ice.